Qu’est-ce qui rend la Thaïlande si fascinante lorsque l’on vient d’Europe ? A mon arrivée, j’ai été confrontée à des contrastes saisissants. Comment une ville comme Bangkok peut-elle grouiller d’activité tout en conservant une fluidité apaisante ? Comment une capitale aussi grande réussit-elle à éviter l’anonymat et l’individualisme ? Comment un tel respect pour le Vivant coexiste-t-il avec une course à la surconsommation qui transforme peu à peu la culture thaïlandaise ?
Cette dualité entre modernité et tradition, entre tension économique et calme apparent, entre bouddhisme ancré et mutation sociétale, reflète une dynamique unique qui interpelle. Que nous enseignent ces équilibres à propos des scénarios futurs ? Quels biais et perspectives peuvent être découverts en observant ces contrastes, à la fois familiers et étrangers ?
Les biais culturels dans l’anticipation du futur
L’anticipation du futur est irrémédiablement influencée par les paradigmes culturels et historiques propres à chaque société. En Europe, l’héritage des Lumières et la prédominance du rationalisme ont structuré une vision linéaire du futur : un chemin tracé vers un progrès continu, souvent conçu comme une rupture volontaire avec le passé.
En revanche, les cultures asiatiques, fortement influencées par des philosophies comme le bouddhisme ou le taoïsme, adoptent une approche cyclique et systémique. Le futur, dans ces sociétés, est envisagé comme un équilibre à maintenir entre différentes forces et à construire dans le moment présent, plutôt qu’une quête incessante de rupture.
Le futur est envisagé comme un équilibre à maintenir entre différentes forces et à construire dans le moment présent, plutôt qu’une quête incessante de rupture
Ces divergences se reflètent directement dans la manière dont les scénarios prospectifs sont conçus.
Là où l’Europe valorise des trajectoires ambitieuses et des innovations de rupture, l’Asie mise sur l’adaptation et la résilience. Cette approche, moins centrée sur la transformation radicale, présente l’avantage de mieux préparer aux imprévisibilités.
L’individualisme et le collectivisme constituent une autre grille de lecture essentielle. En Europe, la place centrale accordée à l’individu oriente les innovations vers la personnalisation et l’autonomie. En Asie, les valeurs collectives priment, avec un accent sur l’harmonie sociale et la responsabilité partagée. Ces dynamiques se traduisent par des solutions souvent plus inclusives, visant à réduire les inégalités et à intégrer les populations les plus marginalisées.
Enfin, le rôle de la spiritualité et de l’holisme dans l’anticipation du futur ne saurait être sous-estimé. En Europe, une vision séculière prévaut, plaçant la science et la technologie au cœur de l’imaginaire du futur. En Asie, l’avenir est conçu de manière plus globale, intégrant non seulement les avancées technologiques, mais également l’écologie, le bien-être communautaire et la spiritualité. Cette approche holistique favorise des scénarios prospectifs plus durables et interconnectés.
Un exemple frappant de ces différences peut être observé dans l’urbanisme. Alors que Barcelone mise sur des « smart cities » optimisant les services urbains grâce à la technologie, Bangkok et Forest City s’orientent vers des métropoles qui cherchent un équilibre entre nature et inclusion sociale.
Ces modèles asiatiques rappellent à l’Europe l’importance de considérer les dynamiques systémiques et collectives dans la conception des villes du futur.

Technologie et futur : l’impact du développement et de l’adoption rapide en Asie
L’Asie illustre une transformation rapide et unique, incarnée par sa capacité à adopter les nouvelles technologies à une vitesse inégalée.
Cette agilité technologique repose sur une économie de contournement (le « leapfrogging »), qui permet à la région de surmonter l’absence d’infrastructures traditionnelles pour développer des solutions innovantes. Cette dynamique redéfinit les paradigmes prospectifs et offre des leçons précieuses à l’Europe.
Prenons l’exemple des solutions de paiement numérique. En Thaïlande, le système PromptPay (plus connu sous le nom de « scan ») a révolutionné les transactions électroniques, permettant à des marchands informels de s’intégrer à l’économie numérique. Cette approche montre comment une technologie simple peut transformer un écosystème entier, en renforçant l’inclusion financière et en réduisant les barrières économiques traditionnelles.

De plus, l’essor du commerce social – combinant plateformes numériques et interactions sociales – redéfinit les modèles de consommation. Des écosystèmes comme TikTok, Shopee, Lazada – sans oublier le très célèbre Grab – transforment les chaînes de valeur, révélant à la fois leur potentiel d’innovation et les défis éthiques qu’ils posent.
L’absence d’infrastructures héritées (« legacy systems ») offre à l’Asie une liberté incomparable pour expérimenter des scénarios novateurs à grande échelle, des drones de livraison à la santé connectée. Ces initiatives, favorisant l’agilité et l’audace, soulignent l’importance pour l’Europe d’établir des zones pilotes permettant une innovation sans contrainte excessive.
Le développement et l’adoption rapide des technologies en Asie rappelle enfin la nécessité d’une réglementation agile, qui favorise le déploiement des technologies tout en encadrant leurs impacts sociétaux.
Plus qu’un simple défi technique, c’est une opportunité pour l’Europe de s’inspirer de ces modèles inclusifs et adaptatifs pour repenser sa propre approche de l’innovation.
Ces initiatives, favorisant l’agilité et l’audace, soulignent l’importance pour l’Europe d’établir des zones pilotes permettant une innovation sans contrainte excessive.
Conclusion
Lorsque l’on met en perspective les approches prospectives de l’Europe et de l’Asie, ce ne sont pas seulement deux visions différentes du futur qui émergent, mais deux manières de comprendre le changement et l’anticipation. Ces visions ne s’opposent pas, elles se complètent.
L’Europe, avec son cadre réglementaire structuré et sa sensibilité à la durabilité, apporte une réflexion éthique aux enjeux futurs.
L’Asie, en revanche, montre une capacité remarquable à agir dans l’urgence, à contourner les infrastructures héritées et à transformer les contraintes en opportunités.
Il ne s’agit pas de choisir entre ces deux modèles, mais de créer une hybridation des imaginaires.
L’agilité asiatique pourrait inspirer l’Europe à expérimenter plus rapidement et à tolérer davantage le risque dans ses innovations, tandis que l’ancrage éthique européen offrirait à l’Asie un cadre pour équilibrer croissance rapide et responsabilité à long terme.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
N’hésitez pas à :
1. partager votre avis ?
2. nous laisser un petit mot ?
3. rédiger un billet ?
