“Construire des scénarios prospectifs, c’est structurer une réflexion sur l’avenir en situation d’incertitude”, dixit Futuribles, l’un des acteurs historiques de la prospective.
La crise sanitaire sans précédent que nous vivons en Europe et dans le monde a largement anéanti les repères que nous tous utilisions jusque-là pour nous représenter et pour faire sens de l’environnement dans lequel nous opérons. Les lignes de force, jadis structurantes, s’effacent. Une profusion de signaux faibles émergent mais les interpréter et discerner leurs conséquences potentielles s’avère incroyablement difficile.
En pratique, construire des scénarios prospectifs peut s’avérer très utile pour penser les transformations possibles du monde qui nous entoure et bâtir, dès à présent, des stratégies de résilience face à l’inédit.
Construire des scénarios prospectifs, c’est aussi s’engager volontairement dans un voyage en deux étapes. La première consiste à “monter en complexité”, en spéculant à partir des forces qui transforment le monde et en imaginant des configurations et des événements improbables, d’autant plus dérangeants qu’ils heurteront de plein fouet les modèles (tels que la croissance économique, qui sous-tend largement le système socio-économique d’un grand nombre de pays) et les réductions (à l’instar du PIB, un indicateur unique censé rendre compte à lui tout seul de la santé économique d’un pays) que les individus, les organisations et les États utilisent au quotidien pour façonner leurs décisions et leurs actions. Sans réduction, pas d’action possible.
La seconde étape consiste quant à elle à utiliser les futurs possibles ainsi imaginés comme autant de nouvelles paires de lunettes à travers lesquelles il devient possible de porter un regard inédit, et donc plus riche, sur le présent, le seul temps où des décisions peuvent être prises et des actions engagées.
Réussir sa montée en complexité, c’est être prêt à relever des défis.
Au cours de la première étape (celle de la montée en complexité), j’observe que bien souvent, soit par convention, soit par manque de courage (devant la nécessité d’argumenter ensuite pour soutenir les trajectoires imaginées), soit – beaucoup plus rarement – par manque d’imagination, la montée en complexité est purement et simplement inaccomplie et inopérante. Le futur imaginé ne permet pas d’enrichir la faculté de jugement de notre client. Ses décisions et ses actions resteront inchangées.
Réussir sa montée en complexité, c’est être prêt à relever des défis. En voici trois. Attention : il n’est pas question de relever systématiquement les trois défis au cours d’une démarche de prospective. Il est encore moins question de chercher à les intégrer tous les trois en même temps à l’intérieur d’un seul scénario prospectif.
Souvenons-nous que la construction de scénarios implique le plus souvent que 3 ou 4 scénarios soient produits pour permettre au client de se projeter dans autant de futurs possibles. Ne confondons pas prospective (objectif : explorer plusieurs futurs possibles) et divination (objectif : révéler le futur le plus probable).
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Merci Thomas pour cet angle d'attaque structurant ! Un autre défi que j'aime bien relever, c'est celui de prendre en compte les invariants de l'être humain. Nos usages évoluent, mais quid de nos comportements, de nos moteurs et de nos peurs ?