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Q083 | Comment penser les métiers et compétences de demain ?

60, 70, 85 % des métiers que les collégiens vont exercer demain n’existent pas encore ! 

Depuis quelques années, ces chiffres sont validés par différentes études. Si Dell et l’Institut pour le futur revendiquent ces chiffres, ils traînaient bien avant sur le Net. Comme mesurer le futur est impossible, ils indiquent surtout qu’il y a un grand chambardement dans les métiers.

Ces prévisions peuvent être vécues comme une menace.

Dans de nombreuses chaumières, nos darons et daronnes se lamentent de la disparition de métiers ancestraux. Les coupables sont souvent la technologie et ses diaboliques machines. Les robots et les intelligences artificielles sont alors vécus comme des prédateurs d’emploi.

Pourtant, ces chiffres peuvent aussi être vus comme une opportunité. Ces changements sont l’occasion pour les plus jeunes d’avoir de l’espace pour inventer leur emploi et envisager des jobs plus riches, attrayants et en phase avec leurs désirs. Les entreprises peuvent utiliser ces glissements pour modifier leur management et leurs modalités de travail pour attirer et conserver des personnes motivées.

Une fois ces bases posées, il faut anticiper en imaginant les métiers de demain.

Pour fabriquer le Dico des métiers de demain, on a créé une méthode qui comprend deux principes.

Premier principe :
considérer que les métiers de demain résulteront du croisement de trois éléments

1. Des défis sociétaux à relever
Réchauffement climatique (limitation de l’impact, migration, épidémies…), vieillissement, urbanisation, alimentation d’une population en augmentation, égalité d’accès aux soins, à l’énergie, à l’eau, nouvelles valeurs…

2. Des développements technologiques et des recherches
Intelligence artificielle, décryptage du génome, découverte du cerveau, nanotechnologies, blockchain, physique quantique… Les technologies se combinent, s’enrichissent.

3. De nouveaux usages
Applications, expérimentations, innovations… Ce sont toutes les briques qui construisent la société.

Deuxième principe : créer de nouveaux mots

On crée des néologismes pour nommer les métiers de demain.

Lorsqu’on nomme une chose, le concept ou la chose qu’il désigne commence d’exister.

Créer un mot, c’est donc inventer du futur.

Cerise sur le gâteau, c’est une activité accessible à tous.

En abandonnant les appellations tristes comme un jour sans amour, cela distille du jeu et de la poésie dans le futur du travail. Avouez, cela fait du bien !

Pour illustrer l’affaire, je vous propose quelques exemples.

Quotariste ou régulateur des quotas carbone.

Il ne faut pas être Madame Irma pour deviner qu’un jour on aura des quotas carbone individuels. Si l’on choisit d’aller à New York, on devra diminuer son temps de streaming quotidien d’une heure.

Bébégrammeur ou programmateur de bébés

En 2018, un chercheur chinois avait scandalisé le monde entier en annonçant la naissance de deux bébés génétiquement modifiés. Il n’en demeure pas moins que la science avance et que la programmation de bébés n’est pas de la science-fiction.

Si c’est possible, veut-on ou pas aller dans cette direction ?

Imaginer les métiers permet de s’interroger sur le futur que l’on désire. On révèle des tendances qui façonneront l’avenir du travail et l’on peut voir dans quelle direction on veut aller.

L’autre atout de ce travail est de pouvoir distinguer de nouvelles compétences.

 

Les compétences de demain

Hier, les recruteurs donnaient un ticket-emploi à ceux qui avaient des connaissances et savoir-faire validés par des diplômes. On recherchait un ingénieur de telle école ou un spécialiste d’un langage de programmation.

Aujourd’hui, notre ingénieur doit aussi avoir l’esprit d’équipe, le sens des responsabilités, être flexible, ouvert à de nouvelles expériences, créatif, empathique, passionné, motivé, savoir bien gérer son temps… Ce que l’on nomme les « hard skills » en franglais ne suffisent plus. Il faut aussi disposer de « soft skills » que l’on peut traduire par l’élégant « compétences molles ». En résumé, il faut ajouter du savoir-être à ses savoir-faire.

La roue des compétences tournera dans le futur sans abandonner le passé. Il faudra toujours des compétences dites « hard ». Il faudra savoir coder, dessiner les plans d’une maison, couper les cheveux. 

Elles devront être enrichies par des compétences « soft ». Le codeur, l’architecte ou le coiffeur devront être curieux, empathiques, disposer d’une intelligence émotionnelle, être motivés, créatifs… Les compétences molles de demain seront mâtinées par les neurosciences.

Plusieurs tendances émergent

Il faudra apprendre à apprendre
Avec l’explosion des nouvelles technologies et l’évolution rapide des besoins, les savoir-faire vont être de plus en plus rapidement obsolètes. Fini le temps où un diplôme acquis à 20 ans était un ticket qui vous permettait d’aller jusqu’à la retraite. Il faut donc apprendre à apprendre en permanence et mieux encore, prendre plaisir à apprendre.

Savoir manœuvrer dans la complexité
Le monde étant de plus en plus interconnecté, on navigue en monde complexe et on doit composer avec l’incertitude. Des compétences sont nécessaires pour s’adapter à cette nouvelle donne.

Fragilience
Capacité à profiter de la fragilité des systèmes complexes.

Garantir le bien commun
Réchauffement climatique, épidémie, guerre… Dans un monde en crise, l’entreprise ne peut assurer sa pérennité qu’en contribuant à garantir les communs. Chaque collaborateur devra participer à cette préservation.

Parsonomie
Aptitude à savoir être autonome et à partager

Savoir échanger avec les machines
Quand des robots peignent des toiles de maître ou déterminent nos choix de musique ou de films, l’humain gardera son pouvoir et son indépendance s’il sait comprendre et échanger avec ces machines.

Machipathie
Empathie pour les machines

Le Dico des métiers de demain comprend déjà 170 métiers !

Nous vous invitons ainsi que les entreprises, universités, écoles et filières professionnelles à inventer les métiers de demain des différents secteurs d’activité. Ces métiers seront insérés dans le Dico qui, au fil du temps, s’enrichira.

Avec ces apports, le Dico des métiers de demain pourra progressivement devenir un objet de bien commun sur le futur du travail. Pour aller dans ce sens, on peut télécharger la version numérique pour 1 euro symbolique!

https://dicodufutur.org

Anne-Caroline Paucot

Anne-Caroline Paucot est écrivaine-prospectiviste. Dicos de mots de demain (Dico des métiers de demain, Dico du futur de l’amour…), guides (santé demain, ville demain, maison demain…), prospective-fictions (Capsules intemporelles, contes des 1001 futurs…), scénarios, BD… Elle crée des outils pour aider à réfléchir à demain. www.propulseurs.com

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