[De l’innovation à la gouvernance… en passant par les infrastructures]
De la découverte de la pénicilline à la révolution antibiotique
Été 1928. Alexander Fleming, chercheur en bactériologie au Saint Mary’s Hospital de Londres, passe le mois d’août en vacances en famille. À son retour dans son laboratoire, il remarque que les boîtes de Pétri dans lesquelles il faisait pousser des cultures de staphylocoques afin d’étudier les effets antibactériens d’une enzyme avaient été contaminées par un champignon microscopique, penicillium notatum, sur lequel travaillait alors son voisin de paillasse. Curieux, Fleming observe qu’à proximité des moisissures, il n’y a aucune trace du staphylocoque, incapable, semble-t-il, de s’établir en présence du champignon. Fleming émet alors l’hypothèse selon laquelle ce serait bel et bien ce champignon qui interdirait à la bactérie de se développer, grâce à une substance qu’il produirait et que le chercheur décida d’appeler : pénicilline.
Après la publication des résultats de Fleming, il faudra attendre une dizaine d’années avant que deux autres chercheurs, l’australien Howard Florey et le britannique d’origine allemande Ernst Chain, parviennent à purifier la substance puis, en 1943, à conduire des essais cliniques sur des blessés britanniques.
En 1945, les trois chercheurs se partageaient le prix Nobel de médecine : la révolution antibiotique était en marche. Aujourd’hui, c’est une autre révolution, cette fois-ci inquiétante, qui s’annonce. Comme l’explique l’Organisation mondiale de la santé, “la résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement”. Elle complète : “la résistance aux antibiotiques est un phénomène naturel mais le mauvais usage de ces médicaments chez l’homme et l’animal accélère le processus”.
Retracer les temps forts du règne des antibiotiques, depuis la découverte heureuse et fortuite de Fleming jusqu’à la menace grandissante de la résistance aux antibiotiques, en passant par la mise en place à grande échelle de systèmes de santé publique largement tributaires de ces mêmes antibiotiques, c’est mettre en évidence les multiples interrelations entre les couches de l’invention et de l’innovation (pénicilline), des infrastructures (hôpitaux), de la gouvernance (systèmes nationaux de santé publique, Organisation mondiale de la santé), de l’économie (traitement antibiotique des animaux d’élevage), de la nature (pollution aux antibiotiques des eaux et des sous-sols), etc.