English Version
Si vous avez déjà utilisé des méthodes de prospective, vous avez peut-être ressenti que, malgré tout ce que celle-ci apporte à votre organisation, ce qu’elle produit s’ancre fortement dans l’état présent du monde ; que ses concepts sont forcément associés à une culture occidentale et à une période historique définie autour de l’horizon du « progrès » à la fois technique et humain ; que certaines des idées et des innovations les plus stimulantes du moment ne trouvent pas leur place dans ses scénarios ; que ses méthodes et ses productions ne sont guère accessibles à la majorité de la population…
Rien de ceci n’annule les bénéfices des approches que vous avez utilisées. Mais vous avez peut-être, aussi, besoin de découvrir d’autres approches du futur.
Longtemps responsable des activités prospectives de l’Unesco, Riel Miller distingue deux manières différentes « d’utiliser le futur » :
La “prospective créative » relève clairement de la seconde catégorie d’usages du futur.
En s’appuyant sur une assertion classique chez les prospectivistes – « le futur n’existe pas, il peut seulement être imaginé » -, la prospective créative met l’accent sur le besoin de libérer nos imaginations, d’ouvrir nos esprits à des possibilités radicalement nouvelles. À cette fin, elle associe, d’un côté le recours à des objets classiques de la prospective tels que les tendances, les signaux faibles et les facteurs de changement, et de l’autre, différentes formes de création artistique (généralement collective) ou encore de design.
L’’expression “prospective créative”, telle que nous l’utilisons, fait ainsi référence à un éventail toujours plus large de pratiques telles que le design fiction, les futurs ethnographique ou expérientiels, la prospective narrative, l’utilisation de la science-fiction par des organisations publiques ou privées, ainsi que certaines formes de théâtre forum, d’art-science, d’imagination collective, etc.
La prospective créative se montre particulièrement utile pour :
La prospective créative est encore un ensemble peu stabilisé de pratiques et diverses. Pourtant, certains principes communs en émergent :
En premier lieu, la prospective prend l’imagination et les imaginaires au sérieux. Elle s’appuie sur des travaux universitaires en anthropologie (Philippe Descola), philosophie (Cornelius Castoriadis), psychologie, etc., qui mettent en lumière le caractère structurant des imaginaires dans toutes les sociétés humaines.
Elle n’utilise pas les arts, la narration ou le design pour illustrer des idées préexistantes : au contraire, en « suspendant l’incrédulité à propos du changement (1) », ceux-ci permettent aux participant·es de faire émerger ensemble des perspectives nouvelles et souvent inattendues.
En second lieu, la prospective créative s’efforce, non seulement d’être inclusive, mais de développer l’agentivité personnelle et collective de celles et ceux qui y prennent part.
En prospective créative, tous les types et les niveaux d’expertise se valent. La prospective ne cherche jamais à prédire le futur ; mais en recourant aux arts et à la fiction, la prospective créative ouvre encore plus le champ en faisant place à une plus grande diversité de personnes et de perspectives.
Par ailleurs, en sollicitant les sens et les affects autant que la raison, la prospective créative invite en quelque sorte ses participants à faire l’expérience des futurs qu’ils et elles créent. Ils et elles se trouvent alors en position de « s’écrire eux/elles-mêmes dans l’histoire », pour reprendre les mots de l’écrivaine de science-fiction Octavia Butler. Ce qui constitue une étape importante dans la construction d’une confiance en soi indispensable avant de s’affirmer comme un acteur du changement.
la prospective créative invite en quelque sorte ses participants à faire l’expérience des futurs qu’ils et elles créent
Troisièmement, la prospective créative se considère elle-même comme une activité culturelle et par là, enracinée dans la ou les culture(s) de ses participant·es. Toutes les perspectives culturelles y sont bienvenues, toutes peuvent y être questionnées.
Enfin, la prospective créative accueille et appelle la complexité, l’incertitude et même l’ambigüité. Ses résultats ne viennent pas avec leur mode d’emploi. Ils laissent de la place à l’interprétation, au questionnement, à l’appropriation par celles et ceux qui les découvrent. Ils sont souvent conçus dans le but explicite de provoquer des débats. Ils rappellent sans cesse que le futur n’est pas déjà écrit, qu’il nous revient de le faire ensemble et si possible, ce faisant, de le rendre meilleur.
En prospective créative, « futur » est un synonyme de
« transformation » et
le Futur n’est pas un lieu, mais une capabilité.
If you’ve worked with foresight methods, and while it has probably brought your organization great benefits, it may have occurred to you that, sometimes, their results feel very much anchored in today’s state of the world; That their concepts seem decidedly Western, and grounded in a period where “progress” (human and technical) was seen as a common, desirable and almost evident goal; That some of the most disruptive ideas and innovations of our time are left out of the scenarios; That the methods and tools they use are not accessible to most of the population…
It’s not that foresight has failed you. But maybe you also need to visit a different approach to foresight.
Formerly in charge of foresight at Unesco, Riel Miller distinguishes two very different ways to “use the future”:
“Creative Foresight” clearly belongs to the second kind of anticipatory work. Building on a classic assertion within foresight practitioners – “the future does not yet exist, it can only be imagined” –, Creative Foresight emphasizes the need to liberate our imagination, to open our minds to radically new possibilities. To this end, it combines the use of classic foresight tools such as trends, weak signals and factors of change, with the disciplines of imagination, i.e., various forms of (generally collaborative) artistic creation and design.
Creative foresight can be used to refer to a broad and growing field of practices that include design-fiction, ethnographic/experiential futures, narrative foresight, the use of speculative fiction by public and private institutions, as well as some (though not all) uses of forum theatre, art-science, collective imagination, etc.
Creative Foresight is particularly useful for:
Even though Creative Foresight is an emerging set of practices without well-defined boundaries, some common principles appear.
First, Creative Foresight takes imagination seriously. It builds on scholarly work in anthropology (Philippe Descola), philosophy (Cornelius Castoriadis), psychology, etc., that stresses the foundational importance of “social imaginaries” in all human societies. It does not use arts, narratives, and design to illustrate previously defined ideas, but rather by “suspending disbelief about change (1)”, to express participants’ worldviews and aspirations, and to collectively produce unexpected insights.
Second, Creative Foresight aims not only to be inclusive, but also to develop a sense of individual and collective agency within its participants. In Creative Foresight, all kinds and levels of expertise are equal. Foresight in general is not about predicting the future; by adding arts and fiction to the process, Creative Foresight goes even further, as it opens the door to a greater diversity of people to have something to say about it, preventing anyone from affirming that he or she has a better handle on the future than others.
Also, by calling upon senses and affects, as well as reason, Creative Foresight invites participants to experience the futures that they create, allowing them to “write themselves into the story”, to use science fiction writer Octavia Butler’s words. This is an important step to build self-confidence and the ability to perceive oneself as an agent of change.
Creative Foresight invites participants to experience the futures that they create, allowing them to “write themselves into the story”
Third, Creative Foresight recognizes itself as a cultural activity, meaning that it is explicitly grounded in the culture(s) of its participants. No worldview is out of bonds, nor beyond questioning.
Last, Creative Foresight embraces complexity, uncertainty and even ambiguity. Its outcomes are usually not self-explanatory. They allow space for the public to question it and for various readers to identify different ideas within it. They are often designed to generate debate. They stress the fact that the future is never already written, that it is up to us to collectively write it and hopefully, make it better.
Pionnier du numérique et de l’internet, entrepreneur et prospectiviste, Daniel Kaplan explore le futur par la pensée, l’action et la création. En 2000, il crée la Fondation internet nouvelle génération (Fing) qu’il dirige jusqu’en 2016. Il co-fonde ensuite le Réseau Université de la Pluralité dans le but de relier celles et ceux qui mobilisent les imaginaires pour élargir le champ des futurs pensables : artistes, utopistes, designers...
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