Extraits

Extraits

s'inspirer pour mieux imaginer

Il est très séduisant d’imaginer qu’un courage moyen accompagné d’une grande intelligence produirait des effets plus remarquables qu’une intelligence moyenne jointe à un grand courage. Mais, à moins de se figurer ces éléments dans une disproportion illogique, nul n’a le droit d’accorder à l’intelligence cet avantage sur le courage, dans un domaine [la guerre] qui se nomme danger et qui est par excellence celui du courage.

Si nous nous demandons quelle sorte d’intelligence correspond le plus au génie martial, l’expérience et l’investigation nous diront que c’est davantage celle qui scrute que celle qui crée, celle qui embrase plutôt que celle qui dissèque, que c’est davantage aux têtes froides qu’aux têtes chaudes que l’on confiera le salut de nos frères et de nos enfants, l’honneur et la sécurité de notre patrie.

Imaginons maintenant que le pouvoir n’ait plus besoin de la collaboration humaine. Que sa sécurité – et sa force – soit garantie par des instruments qui n’ont pas la possibilité de se révolter contre lui. Une armée de capteurs, de drones, de robots capables de frapper à n’importe quel moment, sans la moindre hésitation. Ce serait, finalement, le pouvoir dans sa forme absolue.

Tant qu’il se fondait sur la collaboration d’hommes en chair et en os, tout pouvoir, aussi dur fût-il, devait compter sur leur consentement. Mais quand il sera fondé sur des machines qui maintiennent l’ordre et la discipline, il n’y aura plus aucun frein.

Le problème des machines n’est pas qu’elles se rebelleront contre l’homme, c’est qu’elles suivront les ordres à la lettre.

Qu’est-ce qui se construit ? Qu’est-ce qui se détruit ?

Nous l’ignorons pour une grande part, mais c’est paradoxalement parce que nous avons compris quelque chose : par des boucles nouvelles et inattendues, nous dépendrons de plus en plus de ce qui dépend de nous, de nos choix, des orientations que nous suivrons. Or, comment savoir ce qui se passera si ce qui se passera dépend en partie de ce que nous ferons ?

Il devient de plus en plus difficile de gérer directement les situations et de régler les problèmes, car il es impossible de remonter la ligne de causalité. La cause de B n’est pas juste A, mais aussi D, E et peut-être F et parfois G. H joue également un rôle, mais nous ne le savons pas. Et cela évolue dans le temps. Le temps que nous le déterminions, il sera trop tard.

P. Silberzahn & B. Rousset
Stratégie Modèle Mental, 2020

Dans mes romans, j’appuie mes prétendues inventions sur une base de faits réels. J’utilise pour leur mise en œuvre des méthodes et des matériaux qui n’outrepassent pas les limites du savoir-faire et des connaissances contemporaines.

Jules Verne

Face à l’incertain et au brouillard de l’action, c’est moins de puissance cérébrale que de sagesse dont on a besoin, et la sagesse ne peut s’acquérir que sur le terrain à partir d’une posture d’humilité malheureusement peu commune chez les esprits supérieurs.

Philippe Silberzahn
Bienvenue en incertitude, 2018

Votre geste nous parut tout d’un coup si noble, si grand, qu’il n’y aurait pas eu un homme dans le public qui n’eût donné sa vie pour sauver la vôtre.

Go Ganymède !

Tu ne contrôles pas les choses qui arrivent, pire, tu n’es même pas capable de savoir si elles sont bonnes ou mauvaises. Tu es là, tu attends une chose, tu la désires de toutes tes forces. Elle se produit enfin et, juste après, tu te rends compte que ta vie est gâchée. Ou le contraire.

Le ciel te tombe sur la tête et après un peu de temps tu te rends compte que c’est la meilleure chose qui pouvait t’arriver. Crois-moi, la seule chose que tu peux contrôler c’est ta façon d’interpréter les événements. Si tu pars de l’idée que ce ne sont pas les choses, mais le jugement que nous portons sur elles qui nous fait souffrir, alors tu peux aspirer à prendre le contrôle de ta vie. Sinon tu es condamné à tirer sur des mouches avec un canon.

La chose la plus importante, c’est que personne ne sait rien. En politique, c’est ce que tu perçois comme vrai qui l’est, pas ce qui est vrai. Si je vous dis qe c’est un plaisir d’être ici, parce que j’ai quitté Boston où il neigeait et que maintenant je suis à Prague où le soleil brille, vous me croirez. Parce que vous savez qu’ici aujourd’hui est une belle journée.
Si, au contraire, je vous dis que je suis triste d’être ici parce que j’ai laissé Boston sous le soleil et qu’ici, à Prague, il neige, vous ne me croirez ni sur Prague, parce qu’il vous suffit de vérifier par la fenêtre, ni sur Boston parce que je vous ai menti sur Prague.
Voilà : un bon politique est un type qui vous dit un certain nombre de choses vraies avant de commencer à vous dire un certain nombre de choses fausses, parce que ainsi vous croirez à tout ce qu’il vous raconte, vérités et mensonges.

— Des malades ! Est-ce que nous avons des malades depuis que les coutumes chinoises ont été adoptées en France ! C’est ici comme si vous étiez en Chine.
— En Chine ! Cela ne m’étonne pas !
— Oui ! Nos clients ne nous paient d’honoraires que pendant qu’ils sont bien portants ! Ne le sont-ils plus, la caisse est fermée ! Aussi, n’avons-nous pas d’intérêt à ce qu’ils tombent jamais malades ! Donc, plus d’épidémies, ou presque pas ! Partout des santés florissantes que nous entretenons avec un soin pieux, comme un fermier qui tient sa ferme en bon état !

Jules Verne
Une ville idéale

Février 1941 dans la palmeraie de Koufra, le général Leclerc tente un coup de bluff. Il fait croire à l’ennemi qu’il a plusieurs batteries de canons en bougeant régulièrement l’unique qu’il possède. Les Italiens capitulent. Cette histoire s’est propagée et elle a conduit à la libération.

Parfois, il faut savoir agir avant de penser, parce que sinon, vos modèles mentaux vous rattrapent et vous enferment dans vos automatismes. En incertitude, agir permet de découvrir des choses cachées que seul l’action révèle.

P. Silberzahn & B. Rousset
Stratégie Modèle Mental, 2020

Mais dans la grisaille du monde réel, échappant à l’attention des hommes, flotte cette petite chose qui le transcende, comme un petit grain de poussière qui se serait échappé du pays des rêves pour nous laisser entrevoir l’immensité et le mystère de l’univers, pour nous suggérer que dans cet univers existe peut-être un autre monde, entièrement différent de notre réalité…

Boule de foudre

L’apprenance est en définitive la condition de l’engagement dans un processus d’individuation visant une liberté positive. lI s’agit bien de se confronter à l’inconnu et de prendre le risque de cheminer avec l’altérité ! .. On trouvera ainsi, sur le fronton du temple de Delphes, les clés de l’apprenance qui nous conduisent vers la sagesse: « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux. »

Je ne peux pas dire que je suis particulièrement emballé par la science. En vérité, je ne l’ai jamais été : c’est-à-dire que je n’ai jamais suivi d’études scientifiques ni même fait d’expériences. Mais, quand j’étais jeune, j’adorais observer le fonctionnement des machines.

Jules Verne

Non, non, ne dis pas où nous sommes! Dès que nous savons où nous sommes, le monde devient aussi étroit qu’une carte.
Mais quand nous l’ignorons, il est sans limites.

La forêt sombre

Le progrès technique a beau être aléatoire, inégalement distribué (selon les latitudes), irrégulier (bifurcations soudaines ou arrêts prolongés), et parfois effrayant (Hiroshima et Tchernobyl), il n’en reste pas moins que la dynamique évolutive du monde technique est une réalité. en prendre acte n’implique aucun parti pris « évolutionniste » (qui fait de tout stade de développement postérieur un stade supérieur au précédent) ; ni d’ailleurs, anti-évolutionniste (soit la même mythologie inversée), pour lequel l’antérieur est ipso facto supérieur – la « course au progrès »  se traduisant ici par « course à la catastrophe », écologique, spirituelle, ou les deux. La croissance de nos capacités machiniques est mesurable, en termes de rendement, volume, longévité, vitesse, etc. Autre chose est l’évaluation qualitative de ces gains quantitatifs.

On peut fort bien préférer, pour soi-même, la marche à pied au vol en Concorde, si on se fait une autre idée du temps, de la nature et de la liberté que les hommes d’affaires pressés. Mais c’est là une autre question, éthique (pourquoi faire, ces progrès ?), qui ne saurait empiéter sur la première, physique (comment ça marche, ces avancées ?). La meilleure réponse au positivisme (l’escamotage du sens au nom des faits) ne nous semble pas être l’exorcisme (la disqualification des faits au nom du sens).

Introduction à la médiologie

Répétons-le : une âme forte n’est pas une âme simplement susceptible de puissants élans, mais une âme capable de garder son équilibre dans les élans les plus puissants. Si bien que, malgré les tempêtes qui se déchaînent dans sa poitrine, son discernement et ses convictions conservent toute leur finesse pour jouer leur rôle, comme l’aiguille du compas sur le navire en pleine tourmente.

Ah ! s’écria Cyrus Smith, te voilà donc redevenu homme, puisque tu pleures !

Jules Verne
L’île mystérieuse

Télègue, voiture russe à quatre roues, quand elle part, et à deux roues, quand elle arrive.

Jules Verne

Le général, lui, doit s’élever jusqu’à la géographie générale d’une province et d’un pays, il doit constamment avoir devant les yeux l’image vivante du tracé des routes, des fleuves et des montagnes, sans pouvoir pour autant se passer du sens de l’orientation limité [savoir se retrouver facilement par monts et par vaux].
Les renseignements de toutes sortes, les cartes, les livres, les mémoires, lui seront certes d’un grand secours pour les grandes lignes, et son entourage l’assistera pour les détails. Mais il est certain que le grand talent de se faire une idée rapide et claire du terrain donnera à son action plus de souplesse et de fermeté, le protégera contre une certaine maladresse intérieure et le rendra moins dépendant des autres.

Cette faculté a été attribuée à l’imagination ; c’est en effet le seul service que l’activité militaire demande à cette déesse turbulente, qui lui est d’ailleurs plutôt nuisible qu’utile.

C’est très simple. Ce n’est pas nous qui irons au pôle, c’est le pôle qui viendra à nous !

Jules Verne
Sans dessus dessous

Un homme libre est un homme qui essaie : de ne pas laisser tomber, de ne pas rester étranger à lui-même, de ne pas tourner le dos au danger, aux peurs qui le paralysent.

Un homme libre est un homme perclus de béances mais courageux, qui accepte le prix de sa liberté : sa responsabilité. L’être humain en quête de liberté n’est pas prudent […]. L’homme libre est un homme de la caverne mais qui cherche, qui tâtonne, qui tombe et se relève.

Tout le monde me connaît mais personne ne peut me raconter. Personne ne me connaît même si tout le monde a entendu mon nom. Si tout le monde parle ensemble, cela donne quelque chose qui me ressemble mais n’est pas moi. Toutes les actions de tout le monde me construisent. Jej suis le sang dans les rues, la catastrophe impossible à oublier. Je suis la marée à l’oeuvre sous les fondations du monde, que personne ne voit ni ne sent. Je me déroule au présent mais ne suis contée que dans le futur, où l’on pense alors parler du passé sauf que l’on ne parle, encore et toujours, que du présent. Je n’existe pas mais je suis tout.

Voilà, vous me reconnaissez. Je suis l’Histoire. Faites-moi belle.

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