Extraits

s'inspirer pour mieux imaginer

Le vrai théoricien ressemble au maître nageur qui fait pratiquer sur la terre ferme des mouvements qui paraissent grotesques et exagérés à ceux qui oublient qu’ils doivent être exécutés dans l’eau. Voilà pourquoi les théoriciens qui n’ont jamais fait eux-mêmes le plongeon, ou qui n’ont su tirer de leurs expériences aucune idée générale, sont inutiles et même absurdes, car ils se bornent à enseigner ce que chacun sait déjà : la marche.

  • Mais qui a allumé le feu ? demanda Pencroff.
  • Le soleil ! La réponse de Gédéon Spilett était exacte. C’était le soleil qui avait fourni cette chaleur dont s’émerveillait Pencroff.
    Le marin ne voulait pas en croire ses yeux, et il était tellement ébahi, qu’il ne pensait pas à interroger l’ingénieur.
  • Vous aviez donc une lentille, monsieur ? demanda Harbert à Cyrus Smith.
  • Non, mon enfant, répondit celui-ci, mais j’en ai fait une.  Et il montra l’appareil qui lui avait servi de lentille. C’étaient tout simplement les deux verres qu’il avait enlevés à la montre du reporter et à la sienne.
Jules Verne
L’île mystérieuse

Nous ne pensons pas en termes de « choses », il n’existe aucune chose telle qu’une chose, il n’y a que des systèmes.

Le général, lui, doit s’élever jusqu’à la géographie générale d’une province et d’un pays, il doit constamment avoir devant les yeux l’image vivante du tracé des routes, des fleuves et des montagnes, sans pouvoir pour autant se passer du sens de l’orientation limité [savoir se retrouver facilement par monts et par vaux].
Les renseignements de toutes sortes, les cartes, les livres, les mémoires, lui seront certes d’un grand secours pour les grandes lignes, et son entourage l’assistera pour les détails. Mais il est certain que le grand talent de se faire une idée rapide et claire du terrain donnera à son action plus de souplesse et de fermeté, le protégera contre une certaine maladresse intérieure et le rendra moins dépendant des autres.

Cette faculté a été attribuée à l’imagination ; c’est en effet le seul service que l’activité militaire demande à cette déesse turbulente, qui lui est d’ailleurs plutôt nuisible qu’utile.

« Par le commencement », avait dit Cyrus Smith. Or, ce commencement dont parlait l’ingénieur, c’était la construction d’un appareil qui pût servir à transformer les substances naturelles. On sait le rôle que joue la chaleur dans ces transformations. Or, le combustible, bois ou charbon de terre, était immédiatement utilisable. Il s’agissait donc de bâtir un four pour l’utiliser.

– À quoi servira ce four ? demanda Pencroff.
– À fabriquer la poterie dont nous avons besoin, répondit Cyrus Smith.
– Et avec quoi ferons-nous le four ?
– Avec des briques.
– Et les briques ?
– Avec de l’argile.

En route, mes amis. Pour éviter les transports, nous établirons notre atelier au lieu même de production. Nab apportera des provisions, et le feu ne manquera pas pour la cuisson des aliments.

Jules Verne
L’île mystérieuse

Le progrès n’est point aux aérostats, citoyens ballonistes, il est aux appareils volants. L’oiseau vole, et ce n’est point un ballon, c’est une mécanique !

Jules Verne
Robur le conquérant

Les huit attributs des meilleures entreprises :

  1. Elles ont le parti pris de l’action.
  2. Elles restent à l’écoute du client.
  3. Elles favorisent l’autonomie et l’esprit novateur.
  4. Elles basent la productivité sur la motivation du personnel.
  5. Elles se mobilisent autour d’une valeur clé.
  6. Elles s’en tiennent à ce qu’elles savent faire.
  7. Elles préservent une structure simple et légère.
  8. Elles allient souplesse et rigueur.

Les êtres sauvages, commença-t-il. Ca m’a toujours paru un peu erroné de dire ça d’eux. Ils ne sont pas sauvages. En tout cas, pas comme la plupart des gens le conçoivent. Observez-les. voyez comment il sont les uns envers les autres. Ils sont plus dociles que nous. Je crois que c’est parce qu’ils savent d’emblée comment aimer et que nous, nous devons l’apprendre. Je vois cela en eux. Comme l’amour les rend dociles. Pas seulement entre eux. La nature. Son mystère. L’attraction de la lune. Le ciel. toute l’atmosphère qui s’en dégage. C’est ce qui m’attire. Cette grande ouverture qu’ils offrent. c’est ce que j’essaie de ressentir quand je suis avec eux. Ce que j’esaie de voir et de saisir, si j’ai de la chance. Cette authenticité.

Notre environnement est composé de trois types de systèmes:

  1. Ceux gouvernés par la prédiction
    • la distribution d’événements est connue en théorie et a priori
    • exemple: le lancer de dés
  2. Ceux gouvernés par le risque
    • la distribution d’événement est connue empiriquement donc a posteriori, en observant les tirages au cours du temps
    • exemple: vol de voitures
  3. Ceux gouvernés par l’incertitude
    • la nature des événements n’est pas connue a priori et leur distribution ne peut donc pas l’être
    • exemple: marché émergent, révolution, tout événement inédit

(expliquant la théorie de Frank Knight dans «Risk, Uncertainty and Profit» – 1921)

Philippe Silberzahn
Bienvenue en incertitude, 2018

Il devient de plus en plus difficile de gérer directement les situations et de régler les problèmes, car il es impossible de remonter la ligne de causalité. La cause de B n’est pas juste A, mais aussi D, E et peut-être F et parfois G. H joue également un rôle, mais nous ne le savons pas. Et cela évolue dans le temps. Le temps que nous le déterminions, il sera trop tard.

P. Silberzahn & B. Rousset
Stratégie Modèle Mental, 2020

Les modèles mentaux ce n’est pas le «à quoi je pense/nous pensons», c’est le «comment je pense/nous pensons», c’est-à-dire les hypothèses, les croyances et les valeurs individuelles et collectives que nous formons sur le monde qui nous entoure.

Ce sont des lunettes filtrantes; en langage plus savant, c’est un «cadre de référence».

P. Silberzahn & B. Rousset
Stratégie Modèle Mental, 2020

Un soldat combat toujours dans l’espoir de parvenir à la paix. Elle est son horizon ultime. Mais si le politique a décidé de l’engager dans l’atteinte d’un tel objectif, c’est pour qu’il s’y efforce en faisant son métier de « soldat de guerre ».

Face à l’incertain et au brouillard de l’action, c’est moins de puissance cérébrale que de sagesse dont on a besoin, et la sagesse ne peut s’acquérir que sur le terrain à partir d’une posture d’humilité malheureusement peu commune chez les esprits supérieurs.

Philippe Silberzahn
Bienvenue en incertitude, 2018

La Technologie Totale se fonde techniquement sur la personnalisation de masse qui engendre à son tour une atomisation encore plus fine du tissu social, du lien, du « commun ». La Technologie Totale n’est pas une idéologie problématique parce qu’elle est technologie, celle-ci peut aussi être mise au service de l’invention, de la connaissance et du progrès et, pour ma part, je ne crois pas que le problème soit la technologie en tant que telle. C’est plutôt sons « totalisme » massifiant, son « implicite » idéologique dont l’un des carburants est la dislocation de l’intime qui pose problème. […]

Le contrôle de l’individu ne passe plus exclusivement par la coercition mais par la « séduction » standardisée et ultra-consumériste qui flatte et exploite des egos affaiblis. La société de masse composée d’individus psychiquement perdus, fragiles, sans repères solides se transforme en « société de survie » avec une aspiration forte pour un Etat paternaliste, substitut de la figure, castrée, du père. La société de survie, celle qui précisément caractérise la société de masse, la nôtre, est une société par nature égoïste, violente, brutale. Car, c’est assez simple : trop occupés à survivre seuls matériellement ou psychiquement, comment, avec qui, contre qui, se battre ?

Je ne pouvais pas courir le risque que quelqu’un me connaisse, parce que je ne pouvais pas courir le risque de me connaître moi-même. Cela, je le compris alors, aussi parfaitement que jamais je ne compris autre chose. Je ne savais pas pourquoi il en était ainsi pour moi. Je savais seulement que c’était comme ça. Je savais seulement que je m’enfuirais et que je continuerais toujours à m’enfuir parce qu’à ce moment-là j’avais appris qu’il était bien plus facile de partir si on n’était jamais arrivé pour de bon.

 

Livre blanc

Pour fondre les glaces de l’océan Paléocrystique, n’avaient-ils pas eu l’idée de répandre à sa surface toute une mer d’alcool, puis d’enflammer cette mer ce qui convertissait le bassin polaire en un immense bol de punch ?

Jules Verne
Sans dessus dessous

« … L’oeil humain  est fait pour survivre dans la forêt. C’est pour cette raison qu’il est sensible au mouvement. N’importe quelle chose qui bouge, même à la périphérie la plus extrême de notre regard, l’oeil la capte et transporte l’information au cerveau. En revanche, tu sais ce que l’on ne voit pas?  » J’avais secoué la tête.

« Ce qui reste immobile , Vadia. Au milieu de tous les changements, nous ne sommes pas entraînés à distinguer les choses qui restent les mêmes. Et c’est un grand problème parce que, quand on y pense, les choses qui ne changent pas sont presque toujours les plus importantes. »

Il s’approcha du piano, pressa un bouton, et fit jaillir, c’est le mot, une table munie de bancs, à laquelle trois convives pouvaient tenir à l’aise.

Jules Verne
Paris au 20e siècle

La seule chose que nous savons de l’avenir est qu’il sera différent du présent. Ce qui existe aujourd’hui changera. Ce à quoi l’avnir ressemblera est un débat pour les futuristes. La seule certitude est que le laps entre ici et là-bas sera fait de changements. Qui dit changement, dit transition. C’est léquation irrémédiablement prédictible.

changement + êtres humains = transition

Il n’exite aucun moyen d’y échapper. Mais vous pouvez la gérer. Si vous voulez vous en sortir en un seul morceau, vous devez l’accompagner.

En enchevêtrant le ludique et le coercitif, le contrôle politique et la séduction égotique, le public et le privé, en invisibilisant et en hybridant les techniques de contrôle social et de surveillance, l’économie de la donnée permet de maintenir sous contrôle la majorité silencieuse, sans besoin d’actions directes lourdes sur le terrain.

– Un poète, mon ami ! et je te demande un peu ce qu’il est venu faire en ce monde, où le premier devoir de l’homme est de gagner de l’argent !

– On dit maintenant : qu’est-ce que cela rapporte ? Eh bien, le jour où une guerre rapportera quelque chose, comme une affaire industrielle, la guerre se fera.

Jules Verne
Paris au 20e siècle

Il n’y a en réalité jamais de score final dans le monde du changement continu. Ce qu’on appelle « victoire » est en fait un temps d’avance en début de partie. Par ailleurs, les organisations qui ont vraiment du succès ne sont pas celles qui se lancent pour vaincre la concurrence mais celles qui se concentrent sur la globalité de l’environnement plutôt que sur la compétition.

Or il ne s’agit plus de déplorer, d’exorciser ou d’édifier. On ne maîtrisera pas le devenir technologique en lui tournant le dos. La responsabilité consiste à comprendre sa logique pour anticiper autant que possible ses effets. Un discours sur les fins et les valeurs qui ne s’appuie pas sur un état précis des arsenaux est un discours creux. Un discours sur l’innovation, en revanche qui ne la passe pas au crible d’une mémoire est un discours dangereux.

L’écologie nous a habitué à l’idée, insolite et même choquante en société industrielle, que l’homme, comme individu, était responsable de la nature, et des équilibres écosystémiques dont il dépend pour sa survie, comme espèce. N’est -il pas temps d’étendre le principe de précaution à la sphère des signes et des formes, et de persuader chaque citoyen qu’il est individuellement responsable de la culture de sa communauté ? Et qu’il serait folie d’abandonner sa mémoire et sa créativité (les deux étant fonction l’une de l’autre) au marché et aux machines, sacrifiant ainsi le long terme pour le court terme ?

Février 1941 dans la palmeraie de Koufra, le général Leclerc tente un coup de bluff. Il fait croire à l’ennemi qu’il a plusieurs batteries de canons en bougeant régulièrement l’unique qu’il possède. Les Italiens capitulent. Cette histoire s’est propagée et elle a conduit à la libération.

En bref, la technologie est en train de militariser les démocraties, à notre insu, sans que l’on soit capable de mesurer l’amplitude de la déflagration. Chaque citoyen devient la cible d’une menace multiforme, soldat passif, malgré lui, sans comprendre réellement en quoi il devient un maillon faible, le point de contact de l’ennemi, sa courroie de transmission intra-étatique. […]

Si les cerveaux sont les ultimes champs de bataille, si la démocratie, bastion des libertés, est désormais militarisées, si le vrai et le faux ne sont plus identifiables, indifféremment solubles dans la post-truth politics, si nous partons du principe, comme Hannah Arendt, que la démocratie ne peut fonctionner que si elle est construite sur une perception commune de la réalité, de faits vérifiables et discutables (au sens du débat démocratique), alors comment fait-on pour éviter la fragmentation du corps social en bulles alternatives, comme éviter l’écourlement civilisationnel des démocraties […] ?

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