Pourquoi?

Pourquoi recourir à la veille et à la prospective (technologique)?

Pourquoi initier une démarche voire peut-être établir un programme de prospective ? Si cette question suscitera probablement autant de réponses différentes que d’avis exprimés, il n’en demeure pas moins que l’objectif principal d’une telle démarche ou d’un tel programme est bien d’augmenter la capacité à anticiper d’une organisation.

Comme le rappelle Michel Godet dès les premières pages du Manuel de prospective technologique, “les hommes ont le choix entre quatre attitudes [face à l’avenir]” : la passivité, la réactivité, la préactivité et la proactivité. Il continue : “l’autruche passive […] subit le changement, le pompier réactif […] attend que le feu soit déclaré pour le combattre, l’assureur préactif […] se prépare aux changements prévisibles car il sait que la réparation coûte plus cher que la prévention, et […] l’entrepreneur, voire le conspirateur proactif […] agit pour provoquer les changements souhaités”.

Mettre en oeuvre un programme de prospective, c’est chercher à améliorer la préactivité (se préparer à plusieurs futurs possibles) et la proactivité (chercher à construire un futur que l’on juge souhaitable) d’une organisation. Les amateurs de sports et en particulier de hockey sur glace apprécieront la formule de l’un des plus illustres joueurs de l’histoire, le canadien Wayne Gretzky :   «Je patine vers l’endroit où le palet va être, et non vers là où il a été ». En une phrase, il souligne l’importance fondamentale de l’anticipation dans toute activité, qu’il s’agisse d’un match de hockey, de la conquête d’un nouveau marché ou de la défense d’un territoire.

En pratique, un programme de prospective livrera de nombreux fruits, tant sur le plan stratégique que tactique.

Pour commencer, l’exploration systématique et rigoureuse d’un éventail de futurs possibles permettra de repérer plus aisément ce que Pierre Massé appelait les “faits porteurs d’avenir”, des signes “infimes par [leurs] dimensions présentes mais immense[s] par [leurs] conséquences virtuelles”.

Ensuite, dès lors que les démarches d’anticipation sont collectives, en prenant par exemple la forme d’ateliers collaboratifs, elles sont à même de stimuler et d’accélérer l’appropriation des changements, transformations et autres ruptures envisagés durant les exercices collectifs. Quelque soient les décisions et les actions qu’il serait alors nécessaire de prendre ou d’entreprendre afin de tirer parti ou, au contraire, de faire face aux changements envisagés, celles-ci seront potentiellement mieux et plus rapidement comprises et donc suivies d’effets.

Inviter des actrices et des acteurs en-dehors de l’organisation où sera établi le programme de prospective à participer aux activités déployées (conférences, ateliers, rédaction collaborative d’ouvrages etc.) permet également de développer l’ouverture de l’organisation en question sur l’extérieur. Dans un monde où les ressources que les organisations sont prêtes à consacrer au long terme sont finalement limitées, le travail en réseau et la création puis la mobilisation d’une communauté se révèlent de plus en plus essentiels.

La prospective permet également, similaire au jardinier qui le fait lui avec des graines, de planter des idées suffisamment tôt afin qu’elles puissent germer et fournir les fruits attendus au moment donné. En connaissant la force que peuvent avoir certaines idées, à l’image de frêles plantes perçant le béton, on prend conscience de l’importance stratégique de cette activité et des messages véhiculés.

Anticiper le futur, c’est donc rendre visible des éléments, des relations, des interactions qui ne l’étaient pas forcément auparavant. En rendant ces choses visibles, on passe également du domaine de l’imprévisible au prévisible. Etant en mesure de prévoir, cela nous permet désormais non plus d’observer une situation, mais d’agir afin d’influer sur celle-ci.

Invisible → visible

Imprévisible → prévisible

Observation → action

Q173 | Le défi de l’exponentialité ?

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2 Comments

  1. Bonjour,

    Votre post parle seulement de prospective et pas de prospective technologique (alors que le titre à la fois du blog et du post laisse entendre que c’est votre sujet central).
    C’est dommage, car si il y a peu à redire sur le contenu de ce post-ci en regard de la finalité de la prospective, mettre l’éclairage sur la prospective technologique n’est pas anecdotique.

    Ainsi, pour beaucoup de pratique en entreprises que je peux voir, notamment celles qui ont une intensité technologique significative (soit dans ce qu’elles fournissent, soit dans ce qu’elles utilisent pour le faire), le raccourci est souvent fait prospective = prospective technologique.en très grosse majeure.

    Je pense de mon côté que c’est simplement un aspect de la question prospective et que pour définir des futurs possibles puis souhaitables, il est au moins tout aussi important de prendre en compte des analyses prospectives sur d’autres champs, comme par exemple l’évolution des modes de vie, des aspirations individuelles et collectives (et d’autres).

    Laquelle de ces prospectives « doit primer » ? Sans doute aucune, car la réflexion sur le futur est par nature systémique. Pour autant, on peut comprendre que pour faciliter la réflexion on puisse choisir un angle préférentiel.
    Prendre l’évolution technologique comme facteur structurant en est un : en gros, quelles sont les technologies qui vont émerger et construire de nouvelles façons de faire, sans qu’on sache lesquelles. On est dans du « techno-push », dans une vision technciste du Monde (la technologie va nous résoudre nos problèmes de toute façon).
    Une autre peut-être de considérer les évolutions de la demande sociale sur la façon de « faire société » et donc de définir a priori des futurs souhaitables, puis de regarder les chemins qui peuvent les permettre. La technologie (et d’autres sujets comme la politique, l’économie, la régulation, ….) peut être alors vu comme un « enabler » de ces futurs : la prospective à faire est tirée par un objectif de société plus ou moins lointain, on est dans du « wished-ociety-pull » (je ne sais pas si ça existe, mlais je pense qu’on voit l’idée).

    Tout ça pour dire que ce que vous nommez « prospective technologique » est assez ambigu au final alors que,selon le sens, ça traduit sans aucun doute des orientations très différentes de la prospective et la recherche de futurs souhaitables.

    • Cher Monsieur,

      Merci de votre commentaire.

      Celui-ci est tout à fait pertinent et vous me trouvez d’accord sur l’intégralité des éléments que vous mentionnez.

      Nous sommes conscients que nous abordons le monde de la prospective par l’angle technologique; nous le décrivons ainsi que le regard critique qu’il faut garder par rapport à cela dans la question numéro 5 (https://atelierdesfuturs.org/q005-quels-sont-les-impacts-potentiels-de-la-prospective-technologique/).

      Le « biais » vient du programme de prospective technologique dont je suis responsable et dont nous avons voulu exploiter les différentes leçons que nous y apprenons, ainsi que les différents outils développés durant ces dernières années.

      Ce que je n’arrive pas bien à saisir est votre dernier paragraphe, car nous sommes également à la recherche de futurs souhaitables, ne serait-ce que par l’existence de cette plate-forme d’échange et de rencontre.

      Nous avons encore 110 articles à publier si nous voulons tenir notre promesse, et j’espère que le contenu et les échanges résultant permettront de confirmer ce partage à la recherche de futurs souhaitables.

      Avec mes plus cordiales salutations,

      Quentin

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