Les États-empires face aux cités-régions autonomes
Dans l’édition 2020 de son rapport de prospective, intitulée “Scénarios de rupture à l’horizon 2040-2050”, l’association Futuribles International propose un scénario qui donne à voir une rupture possible dans la gouvernance mondiale. En voici un extrait, que l’on doit à Jean Haëntjens, économiste et urbaniste, membre du comité de rédaction de Futuribles et conseiller scientifique de Futuribles International :
“En 2040, les empires existent toujours – ils ont encore des frontières, des armées et des chefs médiatiques qui paradent dans les sommets internationaux – mais c’est à une autre échelle que se prennent les décisions qui engagent l’avenir de la planète, et notamment son avenir climatique, énergétique et alimentaire. Cette échelle, c’est celle des “cités-régions” et des “villes-pays” qui ont sensiblement accru, dans les démocraties, leur autonomie économique et politique. Les États-providence, surendettés et de moins en moins gouvernables, ont progressivement dû accepter un transfert d’imperium vers ces nouvelles entités.
Dans les pays occidentaux, ces cités-régions rassemblent des populations de quelques millions d’habitants et contrôlent des territoires dont le rayon excède rarement une centaine de kilomètres. Elles sont animées par des métropoles de taille intermédiaire (de l’ordre de 500 000 à trois millions d’habitants) ayant une visibilité internationale.
Les villes-pays regroupent des populations de l’ordre de 50 000 à 300 000 habitants, et correspondent aux bassins de vie et d’emploi élémentaires. Elles sont soit des sous-ensembles des cités-régions, soit des entités indépendantes. Ces deux formes territoriales fonctionnent sur la complicité entre un pôle urbain central et une couronne rurale qui lui assure une partie de son énergie et de son alimentation.
C’est à ces deux échelles que se prennent les décisions importantes, celles qui concernent l’urbanisme, les transports, les boucles énergétiques, les circuits alimentaires et les stratégies de résilience (économique, sociale, financière, sanitaire). C’est sur leur capacité à maîtriser ces enjeux vitaux que ces deux niveaux de collectivités ont fondé leur légitimité politique.”