Q079 | Participative ou oligarchique, démocratique ou autoritaire : quelle gouvernance pour faire face aux défis existentiels du 21ème siècle ?

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Source de l'illustration: https://emmaus-etikette.fr

Ce billet est le cinquième d’une série consacrée à la question : comment peut-on modéliser une civilisation ? Pendant 7 semaines, un nouvel article sera publié chaque lundi. Ensemble, ils vous permettront de découvrir le modèle civilisationnel des “pace layers”, imaginé par Stewart Brand.

Partons maintenant à la découverte de la couche de la gouvernance.

Dans le modèle des pace layers, les six couches qui, ensemble, composent une civilisation, sont classées par ordre décroissant de vitesse d’évolution. Il s’agit de la “mode” (fashion dans le texte d’origine) à laquelle nous substituons les activités d’invention et d’innovation ; l’économie (et les modèles économiques) ; les infrastructures ; la gouvernance (et les modèles de gouvernance) ; la culture ; le vivant.

Dans le modèle des pace layers, les six couches sont classées par ordre décroissant de vitesse d’évolution.

Continuons notre exploration du modèle des pace layers avec la couche de la gouvernance.

Le terme de “gouvernance” renvoie à la complexité des processus décisionnels à l’œuvre aujourd’hui dans les domaines politique et économique. Par opposition à la notion, plus traditionnelle, de “gouvernement”, celle de gouvernance présuppose une fragmentation et une diffusion de l’autorité ; compte tenu des dynamiques économiques, sociales et culturelles, aucun gouvernement ne peut plus aujourd’hui gouverner “seul”. Désormais, il lui est nécessaire de partager au moins une partie de son autorité avec d’autres acteurs (entreprises privées, organisations non gouvernementales, etc.).

Face aux défis planétaires inédits auxquels l’Humanité est confrontée, on assiste aujourd’hui à la montée (parfois la remontée) en puissance des acteurs de la société civile. Par société civile, on entend ici l’ensemble des organisations non gouvernementales et à but non lucratif qui agissent, aussi bien dans le court que dans le long terme, comme autant de groupes de pression pour “influencer les politiques [publiques] dans un sens favorables aux intérêts de ceux qu’elles représentent”. La société civile peut donc être comprise comme la forme auto-organisée de la société, qui échappe, au moins en partie, aux cadres fixés par les forces politiques, administratives et économiques.

La Convention citoyenne sur le climat

D’octobre 2019 à juin 2020, la Convention citoyenne sur le climat (que l’on situerait ici dans la couche de la gouvernance) a permis à 150 citoyens tirés au sort de travailler pendant plusieurs mois à l’élaboration de plusieurs mesures visant à réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale. Parmi les 149 propositions auxquelles ce collectif a abouti, l’une d’entre elles consiste à modifier l’article 1er de la Constitution afin de renforcer la responsabilité de la France en matière environnementale. Plus précisément, il s’agirait d’ajouter le nouvel alinéa suivant : “la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique”.

Cette proposition, examinée par le Parlement, n’a finalement pas pu être soumise à référendum, l’Assemblée nationale et le Sénat n’ayant pas adopté le même texte de projet de loi constitutionnelle.

Néanmoins, le fonctionnement et les travaux de la Convention citoyenne sur le climat ont permis d’illustrer une modalité nouvelle selon laquelle la gouvernance peut agir de sorte à reconfigurer le rapport de la couche de la nature avec les autres couches de l’innovation, de l’économie et des infrastructures.

Les États-empires face aux cités-régions autonomes

Dans l’édition 2020 de son rapport de prospective, intitulée “Scénarios de rupture à l’horizon 2040-2050”, l’association Futuribles International propose un scénario qui donne à voir une rupture possible dans la gouvernance mondiale. En voici un extrait, que l’on doit à Jean Haëntjens, économiste et urbaniste, membre du comité de rédaction de Futuribles et conseiller scientifique de Futuribles International :

En 2040, les empires existent toujours – ils ont encore des frontières, des armées et des chefs médiatiques qui paradent dans les sommets internationaux – mais c’est à une autre échelle que se prennent les décisions qui engagent l’avenir de la planète, et notamment son avenir climatique, énergétique et alimentaire. Cette échelle, c’est celle des “cités-régions” et des “villes-pays” qui ont sensiblement accru, dans les démocraties, leur autonomie économique et politique. Les États-providence, surendettés et de moins en moins gouvernables, ont progressivement dû accepter un transfert d’imperium vers ces nouvelles entités.

Dans les pays occidentaux, ces cités-régions rassemblent des populations de quelques millions d’habitants et contrôlent des territoires dont le rayon excède rarement une centaine de kilomètres. Elles sont animées par des métropoles de taille intermédiaire (de l’ordre de 500 000 à trois millions d’habitants) ayant une visibilité internationale. 

Les villes-pays regroupent des populations de l’ordre de 50 000 à 300 000 habitants, et correspondent aux bassins de vie et d’emploi élémentaires. Elles sont soit des sous-ensembles des cités-régions, soit des entités indépendantes. Ces deux formes territoriales fonctionnent sur la complicité entre un pôle urbain central et une couronne rurale qui lui assure une partie de son énergie et de son alimentation. 

C’est à ces deux échelles que se prennent les décisions importantes, celles qui concernent l’urbanisme, les transports, les boucles énergétiques, les circuits alimentaires et les stratégies de résilience (économique, sociale, financière, sanitaire). C’est sur leur capacité à maîtriser ces enjeux vitaux que ces deux niveaux de collectivités ont fondé leur légitimité politique.

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