Le sage/stratège envisage et « planifie » la difficulté « au stade de la facilité » est-il dit, de même qu’il « accomplit de grandes choses au stade où elles sont encore infimes » : ainsi « les choses difficiles à faire dans le monde doivent être entreprises au stade de la facilité, de même que les grandes choses dans le monde doivent être entreprises au stade de leur intimité ». Car c’est de l’infime que le sage attend l’effet. Au lieu donc d’affronter directement la difficulté, il aborde la situation en se situant au départ de l’évolution qui la conduira à se développer dans le sens souhaité; de même, au lieu d’entreprendre d’emblée de grands exploits, il débute par une intervention minimale, qu’on n’aperçoit pas, mais qui, par ce qu’elle génère d’elle-même, à titre de condition, permet ensuite d’atteindre aux plus grands résultats.

Il ne « fait » rien, en somme, n’engage rien, sans que la situation qu’il aborde n’y soit préparée : ce qui est stable, en repos, est-il constaté, « facile à tenir », ce qui est fragile « est facile à briser ». Autant dire que, pour commencer de prendre en main et de tenir, il faudra d’abord qu’on soit parvenu à cette stabilité; ou que, pour songer à briser, il faudra d’abord que soit advenue cette fragilité.

Tout l’art est dans cette capacité à prédisposer (l’autre ou le monde : par exemple, prédisposer l’autre à « écouter », ou à être défait, etc.). Aussi n’intervenant manifestement que pour répondre à l’inclination des choses, le sage/stratège ne « fait »-il rien de « difficile »; et, puisqu’il se contente d’amorcer discrètement des processus qui se développeront d’eux-mêmes, il ne fait rien non plus de « grand ». Mais c’est par là même qu’il est en mesure d’accomplir ce qui finalement « sera grand ».