Étymologie
du latin ludus (jeu, divertissement, spectacle) et bellum (guerre).
Le ludibellisme désigne la transformation d’un conflit armé en spectacle chiffré. Des drones abattent des cibles. Des systèmes d’armes comptabilisent les objectifs atteints. Des tableaux de bord esthétiques affichent les scores. La guerre devient ludique comme un jeu vidéo.
Jusqu’ici la guerre s’est racontée à travers des récits épiques et marquait les consciences. Les soldats revenaient avec leurs blessures, visibles et invisibles. Les conflits avaient un nom, un visage, une odeur, un poids. Aujourd’hui, la guerre se vit comme une partie de Call of Duty.
L’écran protège du réel
Le ludibellisme s’appuie sur une distance. Distance du pilote de drone installé dans un bunker à quelques milliers de kilomètres de ses cibles. Distance du citoyen qui consulte son écran et découvre les résultats des frappes de la journée.
Cette distance modifie le rapport des citoyens à la violence. Un char détruit n’est plus un équipage de soldats tués, mais un objectif atteint qui rapporte 100 points. Un badge de niveau est déverrouillé. L’écran filtre toute composante émotionnelle.
La mobilisation par les chiffres
Le ludibellisme n’est pas seulement une dérive perceptive. C’est aussi une stratégie de communication.
En affichant publiquement les points marqués, les états-majors influencent l’opinion. Les citoyens suivent en direct la progression des chiffres comme les points d’un championnat de fléchettes.
La gamification de la guerre facilite le soutien populaire. Les statistiques affichées peuvent étayer des partis pris politiques. Le conflit armé se justifie et se valorise comme un produit de grande consommation.
Soldat opérateur et citoyen spectateur
Le ludibellisme annonce une transformation profonde : l’automatisation et la virtualisation du combat.
Aujourd’hui, le soldat est un opérateur à distance du champ de bataille. Demain, des systèmes d’armes autonomes s’affronteront sans intervention humaine. Des algorithmes décideront des cibles. Des systèmes évalueront la menace et riposteront instantanément. La guerre deviendra une confrontation entre machines, signaux électromagnétiques ou attaques cybernétiques.
L’humain ne sera plus qu’un superviseur des résultats. Il consultera les statistiques une fois la bataille terminée. Il commentera les performances des systèmes. Il analysera les taux de réussite pour optimiser l’attaque suivante.
Le ludibellisme total transforme le soldat en joueur, le citoyen en spectateur et la guerre en compétition techno-algorithmique.
Source : sbs-group.army
Ludibellisme en questions
Comment préserver l’humanité dans un conflit quand on ne voit plus l’ennemi comme un être humain mais comme une cible à éliminer ?
Comment maintenir des règles éthiques quand la guerre ressemble à un jeu sans règles préalables ?
Quelles sont les conséquences de l’invisibilisation de la violence résumée à des données sur écran ?