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Q010 | L’art de la prospective : comment s’y mettre ?

30 septembre 2021
5 mins de lecture

D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

Ces trois questions forment le titre de l’une des œuvres les plus célèbres du peintre français Paul Gauguin.

Ces trois questions, nous nous les posons quotidiennement dans le monde incertain et contraint dans lequel nous vivons.

Pour certains, nous sommes en train de faire l’expérience de crises (sanitaire, environnementale, sociale, politique, économique, etc.) sans précédent. Pour d’autres, nous vivons plutôt une époque synonyme de métamorphoses et de réinventions.

Que nous soyons optimistes ou pessimistes, la tentation est grande, face à la complexité des situations auxquelles nous sommes confrontés, “d’entrer dans l’avenir à reculons”, comme le remarquait déjà en son temps Paul Valéry. Pour l’écrivain, l’incertitude nous pousserait à chercher dans le passé (par exemple, en nous remémorant une situation qui ressemble à celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement) les clés des décisions à prendre et des actions à engager.

Or cette manière de procéder trouve ses limites dans un monde en proie à des transformations d’une ampleur et d’une vitesse inédites. Aujourd’hui, la question de la durabilité des modèles politiques, sociaux et économiques, imaginés à l’aube de la première révolution industrielle, se pose à toutes les organisations – entreprises, associations, etc. Aujourd’hui, c’est peut-être aussi pour elles le moment de se réinventer pour contribuer à bâtir un futur “fertile”, créateur de richesses, résilient et inclusif.

C’est dans ce contexte que de plus en plus de professionnels, acteurs du monde des entreprises, du service public ou du monde associatif, ressentent le besoin de renouveler leur rapport au(x) futur(s), de voir plus loin, de voir plus large… et de penser à l’Homme, comme nous y invitait déjà Gaston Berger dans un texte publié en 1959.

De la prospective, Textes fondamentaux de la prospective française 1955-1966, Textes de Gaston Berger Jacques de Bourbon-Busset et Pierre Massé réunis et présentés par Philippe Durance

Futurs Durables : une initiation à la prospective

Le dispositif pédagogique des Futurs Durables, conçu et déployé à emlyon business school, est un exemple de parcours de découverte de la prospective, organisé autour d’un cas réel d’entreprise, dite “apprenante”, et qui vise à atteindre simultanément plusieurs objectifs :

  • Faire découvrir aux participants les fondements de l’analyse du business model (la manière dont une entreprise crée, délivre et capture de la valeur) de l’entreprise “apprenante”;

  • Leur apprendre à expliciter la vision du monde (une représentation simplifiée de l’environnement de l’entreprise) sur laquelle repose le business model de l’entreprise ;

  • Les former à la recherche documentaire et à l’enquête dans le but de repérer des germes de futurs possibles (des transformations déjà à l’oeuvre dans l’environnement de l’entreprise), jusque-là non envisagés par l’entreprise apprenante ;

  • Les initier au design fiction et à la conception d’expériences immersives qui permettront à l’entreprise apprenante de se plonger dans des scénarios prospectifs (des récits de futurs possibles) inédits ;

  • Permettre aux participants d’animer une conversation stratégique avec l’entreprise apprenante et d’amener celle-ci à éclairer et questionner son business model actuel à la lumière des futurs possibles.

L’initiation : un point de départ plutôt qu’un point d’arrivée

Vous l’aurez compris, des parcours de découverte de la prospective, tels que celui des Futurs Durables, existent et sont accessibles quel que soit le niveau de qualification et de responsabilité des participants.

Une chose est sûre : s’initier à la prospective ; explorer les futurs possibles ; éclairer d’un jour nouveau des décisions que l’on s’apprête à prendre ou des actions que l’on se préparer à engager ; parfaire sa capacité à percevoir et à faire sens de l’inédit ; ces ambitions marquent le début d’une aventure, elles précisent une aspiration : celle de se comporter en véritable “philosophe en action”.

Le philosophe en action

par Gaston Berger

Extraits d’un exposé prononcé par Gaston Berger devant les membres
de la Société Internationale des Conseillers de Synthèse le 11 mai 1955

(Première partie)

Ce grand monde, dans lequel l’homme a été jeté comme une misérable petite chose qui pense, a été travaillé à travers les siècles par un grand mouvement de transformation que nous appelons, sans savoir très bien ce que cela veut dire, l’évolution. L’homme, pour la première fois de son histoire a entre les mains la possibilité d’agir sur sa destinée. Sa puissance est si grande, si redoutable, qu’elle se mesure aux forces mêmes de la nature. Il n’est plus comme cet enfant qui pouvait se permettre n’importe quel geste dans la grande forêt ancestrale, parce que la nature était là pour revenir à l’équilibre, compenser ses fautes, amortir ses maladresses. Nous ne pouvons plus amortir nos maladresses. Elles vont trop loin, et notre puissance nous crée l’obligation de la prudence. Si nous agissons simplement pour voir ce que cela donne, le pire peut arriver et le questionneur peut disparaître avec la question même sur laquelle il s’interrogeait.

Penser les transformations

Cette lucidité qui est la marque même de notre époque, il est important qu’elle intervienne, non seulement par la réflexion d’hommes de science, qui cherchent à dégager de grandes lois, mais grâce à des hommes qui pensent l’action et qui réfléchissent sur l’action, au moment où le monde connaît les transformations les plus étonnantes. Réfléchir sur l’action, c’est le propre du chef d’entreprise. Le chef d’entreprise est un philosophe en action.

Nous sommes comme une chrysalide, si elle était douée de conscience. Imaginez-vous cette métamorphose étonnante qui prend une chenille, la détruit, la décompose. Ce passage lui fait regretter la solidité de la feuille ou de la branche sur laquelle elle tendait et détendait ses anneaux, et rêver à cette stabilité terrestre disparue, s’inquiéter et s’angoisser de la gêne que lui procure, à la partie supérieure de son corps, les ailes en train de pousser. Nous regrettons nos anneaux de chenilles et nous souffrons des ailes qui nous poussent.

La prospective consiste à savoir que les ailes poussent : que non seulement nous nous déplacerons plus vite, mais que nous nous déplacerons autrement. Nous essayons toujours de représenter l’avenir sur l’image du passé. Mais ce sont des dimensions complètement nouvelles qui s’ouvrent à notre pensée et à notre action. Nous sommes dans un monde à la fois terriblement angoissant et infiniment riche de possibilités, mais de possibilités qui ne viendront pas toutes seules, qui sont prêtes à être cueillies si nous savons, si nous voulons.

La Prospective, c’est le contraire de la prophétie illuminée. Celui qui s’adonne à la réflexion prospective n’est pas un mage, il ne bénéficie d’aucune illumination particulière, il sait au contraire que le projet, cette chose humaine, coûte du travail. Mais qu’au travail des générations qui nous ont précédés, au travail long, obstiné, patient, têtu, douloureux, des formes vivantes qui ont précédé la nôtre, doit se substituer un travail intelligent. Et alors, nous apercevons autour de nous, quand nous réfléchissons, la permanence de certaines structures qui font que nous aurons demain la satisfaction des mêmes besoins que nous avions hier, mais sous des formes différentes, que nous ne savons pas reconnaître parce que nous les cherchons sous les anciens costumes. Il faut que nous apprenions à les découvrir sous des formes qui nous sont inhabituelles.

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