Si un des buts avoués d’un dispositif de prospective technologique est de détecter les domaines technologiques à caractère disruptif ainsi que d’anticiper leurs impacts, comment concrètement se rendre compte de ces implications? Le monde de la simulation et plus particulièrement la sous-famille du jeu permet d’y apporter quelques lumières.
La simulation est définie comme un outil utilisé pour étudier les résultats d’une action sur un élément sans réaliser l’expérience sur l’élément réel. Quoi de plus pertinent pour faire l’expérience de combinaisons inédites de technologies elles aussi nouvelles !
Le jeu permet d’explorer les futurs possible à moindre frais… et sans risque !
L’idée que nous avons poursuivie dans le cadre du programme DEFTECH est de permettre aux participants d’évaluer la valeur ajoutée par un nouveau système (c’est-à-dire une nouvelle combinaison de technologies) dans une situation tactique donnée.
Le niveau auquel nous avons décidé de placer le jeu est très important; le niveau opérationnel (ou tactique) est particulièrement adapté lorsqu’il s’agit d’étudier la portabilité, l’efficacité, la mobilité, etc. d’un nouveau système. Le niveau supérieur, dit stratégique, ne permet quant à lui que difficilement d’étudier la mise en oeuvre d’un nouveau système technologique.
Bien que présentée sous forme de jeu de guerre (wargaming), la mécanique de jeu a été développée de façon à illustrer l’apport d’un nouveau système technologique dans une situation tactique bien précise. L’analyse stratégique, qui doit permettre d’explorer les circonstances dans lesquelles des décisions peuvent conduire l’un ou l’autre parti à prendre l’avantage voire à l’emporter, nécessite de recourir à d’autres types d’outils, que nous aborderons dans un prochain billet.
En jouant une première fois une situation tactique (Bleu contre Rouge) avec les armes et procédures d’engagement actuelles, puis en rejouant la même situation, mais cette fois-ci en équipant l’un ou l’autre des belligérants avec un nouvel équipement (c’est-à-dire, un nouveau système technologique), il est possible de se rendre compte de l’avantage (ou non) que ce dernier peut conférer. Puisque le jeu permet d’explorer rapidement de nombreuses configurations – différents environnements, différents niveaux d’impact attendus de la part des nouveaux systèmes introduits dans la partie – les joueurs sont en mesure de parfaire leur compréhension et de tester l’importance que les nouveaux systèmes pourraient prendre, y compris dans des situations de conflit encore jamais rencontrées.
La modification des paramètres permet de mettre en évidence quelles fonctionnalités pourraient être décisives dans l’engagement de ces systèmes et de là prioriser certains développements. Un exosquelette, par exemple, avec un autonomie de 4 heures n’apporte peut-être pas grand chose. Si cette autonomie est portée à 24 heures son impact tactique est peut-être tout autre. Il en va de même pour les charges transportables (40 kg vs 400 kg), la rapidité de déplacement, etc.
Lorsque l’on a recours à un tel dispositif de simulation, ce sont avant tout les échanges entre les joueurs, les nouvelles questions et réflexions suscitées qui ont de la valeur. C’est à ce moment que surgissent certains avantages ou désavantages opérationnels qu’il aurait été difficile d’imaginer à la lecture d’un rapport plus formel et surtout beaucoup moins dynamique.
Il est particulièrement intéressant de noter que le dispositif présenté succinctement dans ce billet pourrait facilement être déployé dans le monde civil et commercial.
Prenons le cas des problématiques liées à la logistique urbaine. Le but du jeu pourrait être de livrer un nombre de clients en intégrant des colis de différentes tailles et poids. Les joueurs auraient à leur disposition des drones, des véhicules autonomes, des véhicules de différentes capacités avec chauffeurs, etc. Les avantages auxquels on peut intuitivement s’attendre (par exemple, les drones seraient capables d’atteindre des lieux autrement inaccessibles) se confirmeront dans les différentes situations de jeu, alors que les caractéristiques des nouveaux systèmes techniques introduits seront modifiées d’une partie à l’autre? Rien de mieux que de se plonger dans une partie et relever les défis pour valider et invalider vos intuitions !
Nous avons considéré ici le jeu sous la forme d’un jeu de plateau. Nous réalisons donc un nombre limité de parties, avec des stratégies influencées et limitées par nos connaissances et biais cognitifs. Serait-il possible, en numérisant le jeu et en recourant à des techniques de simulation numérique, de révéler une stratégie optimale, jamais envisagée jusque-là par les joueurs, et de fait d’illustrer comment de nouveaux systèmes techniques contribuent à façonner cet optimal ?
Rendez-vous dans un prochain billet pour une présentation de ces avantages!