La novlangue climatique adore les générations futures. Depuis 1987, le développement durable cherche ainsi, sans grand succès, à « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». Les générations à venir ont ceci de commode, qu’elles ne peuvent pas répondre.
Aujourd’hui, cependant, ces générations futures sont… présentes.
Près de la moitié de la population mondiale est née après le protocole de Kyoto (1997), dans lequel la quasi-totalité des nations ont reconnu la réalité et la gravité du changement climatique. Ces jeunes sont des « enfants du climat » (en anglais, Climate Natives), comme on a pu parler dix ans plus tôt d’enfants du numérique (Digital Natives).
Les enfants du climat ont grandi toute leur vie dans un monde marqué par la perspective, et de plus en plus par la réalité, du changement climatique. Qu’ont-ils à nous dire ?
En 2025, nous avons étudié 54 projets dans 29 pays, par lesquels des jeunes (des enfants aux jeunes adultes) ont pris le temps de formuler et discuter leurs visions du futur dans le contexte du changement climatique.
Authagraph est une projection cartographique équivalente inventée par l'architecte japonais Hajime Narukawa en 1999.
Tout en étant aussi différents les uns des autres que les générations précédentes, trois points communs caractérisent leur vision du monde.
- Ils sont très conscients du changement climatique, et cette conscience pèse sur la façon dont ils imaginent leur futur.
- Ils ont du mal à imaginer à quoi pourrait ressembler un monde qui ne serait pas en crise.
- Enfin, ils ont compris que, sur les sujets écologiques du moins, les adultes censés diriger et donner l’exemple ont abdiqué leurs responsabilités et même, qu’ils mentent souvent.
Ces expériences et sentiments partagés ne signifient pas que les enfants du climat n’ont que ce sujet-là en tête.
Ils se soucient également de justice sociale, ils vivent et souffrent des réseaux sociaux, ils s’inquiètent de la guerre et de la polarisation.
Être Climate Natives ne transforme pas non plus tous les jeunes en militants du climat.
La conscience du changement climatique peut même pousser certains d’entre eux à adopter l’attitude inverse : pourquoi devrais-je faire des sacrifices, alors que ceux qui ont créé les problèmes refusent expressément d’en assumer les conséquences ?
Malgré cette diversité, nous identifions trois attentes largement partagées et que les décideurs feraient bien d’entendre.
Nous rejoignons tout d’abord d’autres enquêtes internationales qui font état, chez les jeunes, d’une gamme d’« éco-émotions » : anxiété, culpabilité, tristesse, colère, impuissance, etc. Ces émotions ne sont pas un problème de riches, comme en témoigne l’impressionnant Eco-anxiety Africa Project.
Elles ont des effets concrets, tant sur les choix de vie, par exemple le fait de faire ou non des enfants, que sur la santé mentale des jeunes – dont l’OMS, avec d’autres, souligne depuis des années l’état préoccupant.
En second lieu, les jeunes qui ont pris part aux projets que nous avons étudiés expriment de fortes attentes en matière d’éducation… mais en rupture avec celle qu’ils reçoivent aujourd’hui.
Pour se préparer à un monde plein d’inconnues, ils demandent de l’interdisciplinarité, du travail collectif, des allers-retours entre pratique et réflexivité, ainsi que des compétences non académiques en matière, par exemple, de gestion de la complexité et de résolution de conflits.
L’engagement militant, soit dit en passant, est un excellent moyen d’acquérir bon nombre de ces compétences, ce qui invite à se demander comment l’on pourrait en reconnaître la valeur éducative.
Fearless Foundation
Les récentes révoltes de la « Génération Z » dans divers endroits du monde soulignent enfin le besoin urgent d’inclure les enfants du climat dans la prise de décision collective.
Pas parce qu’ils seraient intrinsèquement plus sages que leurs aînés, mais parce que le changement climatique fait depuis toujours partie de leur vie.
Puisqu’il semble malheureusement démontré qu’on ne sait pas agir au nom des générations futures, faisons donc place aux enfants du climat !
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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