En prospective, nous avons pris l’habitude de représenter les futurs sous forme de cônes, de branches, ou encore de trajectoires.
Ces visualisations ont une vertu pédagogique évidente. Elles rappellent que le futur n’est ni unique, ni écrit à l’avance.
Mais elles installent aussi, souvent à notre insu, un biais tenace, celui de croire que le futur serait un objet que l’on pourrait observer de l’extérieur, presque indépendamment de ceux qui auront à y faire face.
Or, pour une organisation, une collectivité ou une institution, le futur n’existe jamais “en général”. Il n’existe que par les effets qu’il produit et par la capacité, ou l’incapacité, à y répondre.
C’est ce déplacement du regard que propose FARO (Futures Assessment and Response Outlook), un outil conçu pour compléter, dépasser et opérationnaliser l’usage classique du cône des futurs.
FARO ne cherche pas à décrire le futur. Il cherche à qualifier la relation entre un futur donné (évènement, rupture, transformation, etc.) et un acteur donné.
Deux thermomètres plutôt qu’un cône
FARO repose sur une analogie volontairement simple : celle du thermomètre, bien connue pour décrire les niveaux de maturité technologique (TRL).
Là où le cône suggère une projection dans le temps, le thermomètre indique un état. Il permet de visualiser à la fois le positif (opportunité) et le négatif (menace) du point de vue de l’acteur, l’intensité des effets et surtout leur caractère relatif.
Comme pour la température, il n’existe pas de valeur absolue. Ce qui est supportable pour certains peut être critique pour d’autres.
L’outil se compose de deux thermomètres indissociables, qui forment un couple :
- le premier mesure l’impact du futur sur l’organisation ;
- le second mesure la capacité de réponse de l’organisation face à ce futur.
L’impact du futur sur l’organisation est évalué sur une échelle allant de “Transformateur” (+ 5) à “Dévastateur” (- 5), en passant par des niveaux intermédiaires – tels que “structurant”, “substantiel”, “sensible” – et un point neutre (0). Il s’agit ici de se poser une question simple mais exigeante : si ce futur advenait, que ferait-il concrètement à notre organisation ?
La capacité de réponse de l’organisation face à ce futur est évaluée sur une échelle symétrique, allant de “Optimale” (+ 5) à “Antagoniste” (- 5). Elle permet d’objectiver ce qui est souvent laissé dans l’implicite, à savoir l’écart entre les intentions affichées et les capacités réelles, entre la volonté stratégique et les modes de fonctionnement existants.
Ces deux mesures n’ont de sens que l’une par rapport à l’autre. Un futur à fort impact positif peut rester stérile si la capacité de l’organisation à agir et à saisir les opportunités est faible. Et un futur à impact négatif modéré peut devenir critique si l’organisation est structurellement inadaptée.
|
Impact du futur |
Valeur |
Capacité de réponse |
|
Transformateur |
5 |
Optimale |
|
Structurant |
4 |
Hautement compétente |
|
Substantiel |
3 |
Compétente |
|
Sensible |
2 |
Partiellement capable |
|
Mineur |
1 |
Minimement capable |
|
Neutre |
0 |
Neutre |
|
Mineur |
-1 |
Légèrement incohérente |
|
Sensible |
-2 |
Incohérente |
|
Substantiel |
-3 |
Fortement inadaptée |
|
Critique |
-4 |
Gravement inadaptée |
|
Dévastateur |
-5 |
Antagoniste |
Impact du futur sur l’organisation
5 | Impact extraordinairement positif, change la trajectoire ou crée un avantage massif. |
4 | Reconfigure des pans importants de l’organisation, avantage stratégique clair. |
3 | Gains mesurables, amélioration notable des performances. |
2 | Effets visibles et utiles, mais non déterminants. |
1 | Impact positif faible mais réel. |
0 | Rien ne se passe / pas d’effet significatif. |
-1 | Perturbation faible, coût limité. |
-2 | Désorganise partiellement, effet négatif visible. |
-3 | Affecte clairement les opérations ou performances. |
-4 | Fragilise fortement le modèle d’affaire ou l’activité. |
-5 | Rupture majeure, destruction de valeur, menace existentielle. |
Capacité de réponse de l’organisation
5 | L’organisation est en capacité de répondre pleinement à la situation en saisissant l’opportunité ou en éliminant la menace |
4 | Améliore nettement la situation et exploite presque totalement l’opportunité. |
3 | La préparation corrige efficacement les enjeux et permet de tirer un bénéfice réel de la situation. |
2 | Contribue à stabiliser ou améliorer modérément la situation ; des limites demeurent. |
1 | Réduit légèrement l’intensité ou les effets de la situation ; impact positif faible. |
0 | L’organisation peut ou non saisir l’opportunité ou subir la menace |
-1 | Complique légèrement la situation ; elle manque d’alignement avec ce que la situation demande. |
-2 | Déstabilise partiellement la situation ou s’écarte des besoins associés au futur. |
-3 | Renforce clairement les problèmes en allant à rebours de ce qu’exige la situation. |
-4 | Détériore fortement la situation parce qu’elle contredit ce qu’il faudrait faire. |
-5 | L’organisation ne peut répondre qu’en aggravant fortement la situation. |
Logique de réflexion
Le cône des futurs tel que représenté normalement ne prend pas en compte les impacts, ni les entités sur qui ces futurs agiront. Il donne également l’impression qu’il est possible d’observer quelque-chose, alors que bien souvent il est difficile de voir quelque-chose ne serait-ce qu’à cause de nos biais cognitifs, que tout est linéaire et que les futurs sont éloignés du présent.
Le dernier ajustement est celui de distinguer des impacts positifs (opportunités) et négatifs (menaces) de ces futurs sur une organisation tout en reliant cette information à la capacité de réponse de l’organisation en question.
Tout futur quel qu’il soit aura toujours un impact relatif à l’entité la considérant (individu, organisation, gouvernement, etc), de même qu’un événement peut être considéré par certains comme totalement surprenant alors que pour d’autres cela ne provoque pas le moindre effet de surprise.
Et pour celles et ceux qui préfèrent un doux regard à droite, c’est ici – sourire :
Un outil pour agir, pas seulement pour imaginer
Utiliser FARO, c’est accepter de déplacer la discussion prospective vers des questions plus inconfortables mais plus opérantes. Non pas “quel futur est le plus probable ?”, mais plutôt “quel futur met réellement sous tension l’organisation ?” ; Non pas “que faudrait-il idéalement faire ?” mais “que sommes-nous réellement capables de faire ?”
Dans un travail collectif, FARO agit comme un catalyseur d’échanges sincères et précis. Pour un futur donné, il devient possible de visualiser rapidement s’il s’agit d’une opportunité mal préparée, d’une menace sous-estimée, ou d’un angle mort critique pour l’organisation.
L’outil permet aussi de comparer des futurs entre eux, non pas selon leur degré de plausibilité, mais selon leur niveau de gravité ou d’opportunité pour l’organisation.
Enfin, FARO ouvre un espace de discussion autour de l’ambition de l’organisation. Un écart conséquent entre un futur fortement impactant et une organisation limitée dans sa capacité de réponse ne signale pas seulement un risque. Il révèle un choix, souvent implicite. Investir, transformer, renoncer ou contourner : ces options deviennent visibles et discutables.
À la manière d’un indicateur de type DEFCON, les valeurs du cadre d’analyse FARO évoluent dans le temps, au fil des apprentissages, des transformations organisationnelles et des modifications de l’environnement dans lequel opère l’organisation.
En ce sens, FARO n’enlève rien à la création de scénarios ni aux ateliers. Il agit ensuite comme un phare, faro en italien et en espagnol, qui ne révèle pas tout, mais indique où se trouvent les écueils et où soufflent les vents favorables : les futurs qui affectent l’organisation et ce qu’elle est vraiment en mesure de faire pour y répondre.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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