L’un voulait avoir la Théorie des frottements en vingt volumes, l’autre la Compilation des problèmes électriques, celui-ci le Traité pratique du graissage des roues motrices, celui-là la Monographie du nouveau cancer cérébral.
Les Harmonies Électriques de Martillac, ouvrage couronné par l’Académie des Sciences, les Méditations sur l’oxygène de M. de Pulfasse, le Parallélogramme poétique, les Odes décarbonatées…
L’incertitude est résolue non pas par une technique particulière, un meilleur accès à l’information ou par des qualités qui leur sont propres, mais par une approche qui consiste à créer le futur. Nous ne sommes plus en situation de blocage de type «Nous avons besoin de la prédiction or elle ne fonctionne pas»; nous sommes désormais dans «La prédiction ne fonctionne pas mais ce n’est pas grave car nous n’en avons pas besoin».
Le design fiction se déploie dans l’espace entre l’arrogance de la science factuelle et l’imaginaire sérieusement ludique de la science-fiction, faisant des choses qui sont à la fois vraies et fausses, tout en étant conscient de l’ironie de la confusion – et la revendiquant même comme un avantage. C’est une pratique de design, tout d’abord, parce qu’elle ne fait pas autorité, elle n’a aucun intérêt à définir une vérité canonique. Elle peut travailler confortablement avec le vernaculaire et le pragmatique et parce qu’elle a dans son vocabulaire le mot “personne” – et non “utilisateurs” – avec tout ce que cela implique. Finalement, parce qu’elle peut fonctionner avec esprit, embrasser les situations paradoxales et adopter une position critique. Elle ne présume rien sur l’avenir, si ce n’est qu’il peut y avoir des avenirs simultanés et multiples et même une fin à tout.
Mon père fit construire ce palais pour moi, le saviez-vous ? Il disait qu’il me protègerait du monde. Mais qui nous protège de nous-mêmes ?
Edmond de Luna les convainquit de le garder sur le bateau en leur racontant quelques-unes de ses aventures, à la façon de Schéhérazade. L’astuce consistait à les laisser toujours sur leur faim, comme le lui avait appris un sage conteur de Damas.
« Ils te détesteront pour ça, mais ils ne t’en désireront que davantage.«
Lentement, je fus pris de la certitude absurde que tout était possible, et il me sembla que même ces rues désertes et ce vent hostile respiraient l’espoir. En arrivant place de Catalogne, je vis qu’une volée de pigeons s’était rassemblée en son centre. Ils recouvraient la place comme un manteau d’ailes blanches ondulant en silence. Je m’apprêtai à les contourner, mais je m’aperçus que l’attroupement m’ouvrait un chemin sans s’envoler. J’avançai avec hésitation, en voyant les pigeons s’écarter sur mon passage, puis resserrer les rangs derrière moi. Parvenu au milieu de la place, j’entendis les cloches de la cathédrale sonner minuit. Je m’arrêtai un instant, échoué dans un océan d’oiseaux argentés, et je pensai que ce jour avait été le plus extraordinaire et le plus merveilleux de ma vie.
La Technologie Totale raconte l’histoire d’une conquête invisible, obsessionnelle, l’histoire de ceux qui rêvent de la posséder. L’histoire d’un pouvoir absolu dans l’espace et dans le temps. Le futur lui offre l’un de ses terrains de jeu favoris. Nous sommes en train de construire un monde qui dans le même temps se love au creux du projet de Technologie Totale et se surpolarise par ses infra-idéologies du moment.
L’apprenance est en définitive la condition de l’engagement dans un processus d’individuation visant une liberté positive. lI s’agit bien de se confronter à l’inconnu et de prendre le risque de cheminer avec l’altérité ! .. On trouvera ainsi, sur le fronton du temple de Delphes, les clés de l’apprenance qui nous conduisent vers la sagesse: « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux. »
L’idée qu’on peut assurer une transmission (culturelle) avec des moyens (techniques) de communication constitue d’une des illusions les plus typiques de la « société de communication », propre à une modernité de mieux en nmieux armée pour la conquête de l’espace, et qui l’est de moins en moins pour la maîtrise du temps (restant à savoir si une époque peut à la fois domestiquer l’un et l’autre, ou si toutes les cultures ne sont pas vouées à préférer l’un ou l’autre).
Je m’occupe. Je passe le temps. J’attends la mort. Quand je suis las de moi-même, je deviens un autre, puis un autre, puis encore un autre. j’ai oublié d’où j’étais parti. Je vois bien que cela vous dérange. Mais, si cela peut vous rassurer, je ne m’explique pas non plus comment vous vivez. Vos existences sont si linéaires. Monotones. Tristes. Elles feraient de très mauvaises histoires. Le mienne, au moins, devertira les générations futures.
Dans mes romans, j’appuie mes prétendues inventions sur une base de faits réels. J’utilise pour leur mise en œuvre des méthodes et des matériaux qui n’outrepassent pas les limites du savoir-faire et des connaissances contemporaines.
— Ce ne sont point des moules, répondit le jeune Harbert, qui examinait avec attention les mollusques attachés aux roches, ce sont des lithodomes.
— Et cela se mange ? demanda Pencroff.
— Parfaitement.
— Alors, mangeons des lithodomes.
Le domaine du risque est celui des situations répétées à l’identique. C’est le domaine où prévaut une logique d’optimisation des moyens et des préexistences des buts. Le paradigme est celui de la décision comme choix parmi des options possibles, où l’on distingue la décision de la mise en oeuvre dans un environnement considéré comme largement exogène. C’est le domaine cartésien par excellence.
Le domaine de l’incertitude est celui des situations uniques et inédites. C’est le domaine où prévaut une logique de créativité et d’endogénéité des buts. Le paradigme est celui de la décision comme la construction créative d’un avenir désirable, où la décision et l’action fusionnent dans l’action créative.
Si une situation contient des possibilités, mais qu’elles sont hors de notre modèle [mental], c’est comme s’il n’y avait rien. Nous ne pouvons pas les percevoir. Elles sont hors du champ de vision.
Nous, les mortels, nous ne parvenons jamais à connaître notre véritable destin, pour la plupart ; nous sommes simplement bousculés par lui, renversés. Quand nous relevons la tête et que nous le voyons s’éloigner sur la route, il est trop tard, et nous devons faire le reste du chemin dans le fossé de ce que les rêveurs appellent la maturité. L’espoir est simplement la foi dans le fait que ce moment n’est pas encore arrivé, que nous parviendront à discerner notre véritable destin quand il approchera et que nous pourrons sauter à bord avant de voir s’évanouir à jamais l’opportunité d’être nous-mêmes, nous condamnant à vivre du vide, avec la nostalgie de ce qui devait être et ne fut jamais.
Le capitaine Nemo resta donc, puis il observa ces hommes jetés sans ressource sur une île déserte, mais il ne voulut point être vu. Peu à peu, quand il les vit honnêtes, énergiques, liés les uns aux autres par une amitié fraternelle, il s’intéressa à leurs efforts.
J’ai la manie de toujours vouloir connaître la vérité. Vous n’imaginez pas le nombre de déceptions qu’on encaisse… On vit si bien quand on est abruti…
La fonction principale de notre cerveau, observait Laborit (1976), n’est pas de penser mais d’agir et de rechercher la stabilité interne de son organisation. Le paradoxe du cerveau concernant l’apprentissage, compris comme une transformation structurelle, c’est qu’il recherche cette stabilité alors même qu’il est la condition de l’émergence du nouveau grâce à sa plasticité (Varela). Il s’agit bien, pour a-prendre, de résister à la fixité…, d’accepter de perdre, de réviser ses croyances, ses routines. Cet équilibre entre la stabilité et l’instabilité est bien la marque de l’apprenance. C’est la posture de l’équilibre instable, qui est la condition de l’engagement dans le développement de soi.
— Oui ! Oui ! répondit Harbert, et peut-être pourra-t-on, avec des soins, réveiller en lui quelque lueur d’intelligence !
— L’âme ne meurt pas, dit le reporter, et ce serait une grande satisfaction que d’arracher cette créature de Dieu à l’abrutissement !
L’humanité ne saurait jamais atteindre une véritable conscience morale, de la même manière que l’homme ne pouvait s’élever du sol en tirant sur ses propres cheveux. Pour réussir, il fallait l’aide d’une force extérieure à l’homme.
Quand nous nous sentons des victimes, toutes nos actions et nos croyances deviennent légitimes, même les plus contestables. Ceux qui s’opposent à nous, ou qui, simplement, sont nos voisins, cessent d’être nos semblables et deviennent des ennemis. Nous ne sommes plus des agresseurs, nous sommes des défenseurs. L’envie, la jalousie ou le ressentiment qui nous motivent sont sanctifiés, car nous avons la certitude d’agir pour notre seule défense. Le mal, la menace sont toujours chez l’autre. La peur est le premier pas vers une foi passionnée. La peur de perdre notre identité, notre vie, notre condition ou nos croyances. La peur est la poudre et la haine est la mèche. Le dogme, en dernière instance, n’est que l’allumette qui y met le feu.
Face à l’incertain et au brouillard de l’action, c’est moins de puissance cérébrale que de sagesse dont on a besoin, et la sagesse ne peut s’acquérir que sur le terrain à partir d’une posture d’humilité malheureusement peu commune chez les esprits supérieurs.
En Ukraine […] Aux Européens de s’occuper de leurs problèmes. C’est rappeler à ceux-ci que l’engagement américain sur leur continent ne repose pas sur une solidarité occidentale fondée sur des valeurs communes comme ils s’en gargarisent mais, de manière plus solide, sur la nécessité pour Washington de s’assurer qu’aucune menace ne puisse y apparaître.
Je lui livrai mon pouls avec résignation. Mon docteur tira de sa poche un petit instrument dont j’avais entendu tout récemment parler, et, l’appliquant à mon poignet, il obtint sur un papier préparé le diagramme de mes pulsations qu’il lut rapidement, comme un employé lit une dépêche télégraphique.
Il est très séduisant d’imaginer qu’un courage moyen accompagné d’une grande intelligence produirait des effets plus remarquables qu’une intelligence moyenne jointe à un grand courage. Mais, à moins de se figurer ces éléments dans une disproportion illogique, nul n’a le droit d’accorder à l’intelligence cet avantage sur le courage, dans un domaine [la guerre] qui se nomme danger et qui est par excellence celui du courage.
Il est très séduisant d’imaginer qu’un courage moyen accompagné d’une grande intelligence produirait des effets plus remarquables qu’une intelligence moyenne jointe à un grand courage. Mais, à moins de se figurer ces éléments dans une disproportion illogique, nul n’a le droit d’accorder à l’intelligence cet avantage sur le courage, dans un domaine [la guerre] qui se nomme danger et qui est par excellence celui du courage.
Dans mes romans, j’appuie mes prétendues inventions sur une base de faits réels. J’utilise pour leur mise en œuvre des méthodes et des matériaux qui n’outrepassent pas les limites du savoir-faire et des connaissances contemporaines.
Dans mes romans, j’appuie mes prétendues inventions sur une base de faits réels. J’utilise pour leur mise en œuvre des méthodes et des matériaux qui n’outrepassent pas les limites du savoir-faire et des connaissances contemporaines.
Votre père était un artiste. Ce mot dit tout. J’aime à penser que vous n’avez pas hérité de ses malheureux instincts. Cependant, j’ai découvert en vous des germes qu’il importe de détruire. Vous nagez volontiers dans les sables de l’idéal et, jusqu’ici, le résultat le plus clair de vos efforts a été ce prix de vers latins, que vous avez honteusement remporté hier.
Votre père était un artiste. Ce mot dit tout. J’aime à penser que vous n’avez pas hérité de ses malheureux instincts. Cependant, j’ai découvert en vous des germes qu’il importe de détruire. Vous nagez volontiers dans les sables de l’idéal et, jusqu’ici, le résultat le plus clair de vos efforts a été ce prix de vers latins, que vous avez honteusement remporté hier.
Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.
Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.
Mon père fit construire ce palais pour moi, le saviez-vous ? Il disait qu’il me protègerait du monde. Mais qui nous protège de nous-mêmes ?
Mon père fit construire ce palais pour moi, le saviez-vous ? Il disait qu’il me protègerait du monde. Mais qui nous protège de nous-mêmes ?
– Vous avez mauvaise mine, décréta-t-il.
– Une indigestion, répliquai-je.
– De quoi ?
– De réalité.
– Vous n’êtes pas le seul, trancha-t-il.
– Vous avez mauvaise mine, décréta-t-il.
– Une indigestion, répliquai-je.
– De quoi ?
– De réalité.
– Vous n’êtes pas le seul, trancha-t-il.
Chaque livre, chaque tome que tu vois a une âme. L’âme de celui qui l’a écrit et l’âme de ceux qui l’ont lu, ont vécu et ont rêvé avec lui. toutes les fois qu’un livre change de main, toutes les fois que quelqu’un parcourt ses pages, son esprit grandit et devient plus fort.
Chaque livre, chaque tome que tu vois a une âme. L’âme de celui qui l’a écrit et l’âme de ceux qui l’ont lu, ont vécu et ont rêvé avec lui. toutes les fois qu’un livre change de main, toutes les fois que quelqu’un parcourt ses pages, son esprit grandit et devient plus fort.
En enchevêtrant le ludique et le coercitif, le contrôle politique et la séduction égotique, le public et le privé, en invisibilisant et en hybridant les techniques de contrôle social et de surveillance, l’économie de la donnée permet de maintenir sous contrôle la majorité silencieuse, sans besoin d’actions directes lourdes sur le terrain.
En enchevêtrant le ludique et le coercitif, le contrôle politique et la séduction égotique, le public et le privé, en invisibilisant et en hybridant les techniques de contrôle social et de surveillance, l’économie de la donnée permet de maintenir sous contrôle la majorité silencieuse, sans besoin d’actions directes lourdes sur le terrain.
Puisque nous sommes soldats, il ne faut pas nous envoyer à la bataille en imaginant que nous pourrions ne pas avoir à combattre. Ou que nous pourrions ne combattre que modérément, avec la retenue qui sied à nos pudeurs de démocrates. Un soldat ne peut pas se lancer dans la terrible mêlée sans être happé par cette exigence, puissante, du déchaînement de la violence.
Il s’y confrontera avec toute son énergie, toute son intelligence, tout son courage. Avec tous les moyens disponibles également. Et qui doivent être rassemblés en qualité et en quantité suffisantes pour vaincre. À la guerre, la ratiocination et les calculs de rentabilité exposent au risque de l’impuissance et de la perte de tout crédit.
Quelles que soient la taille et la force de l’ennemi, le combat est un engagement extrême, individuel et collectif, auquel il ne faut se résoudre que si l’on est prêt à en assumer le coût.
Puisque nous sommes soldats, il ne faut pas nous envoyer à la bataille en imaginant que nous pourrions ne pas avoir à combattre. Ou que nous pourrions ne combattre que modérément, avec la retenue qui sied à nos pudeurs de démocrates. Un soldat ne peut pas se lancer dans la terrible mêlée sans être happé par cette exigence, puissante, du déchaînement de la violence.
Il s’y confrontera avec toute son énergie, toute son intelligence, tout son courage. Avec tous les moyens disponibles également. Et qui doivent être rassemblés en qualité et en quantité suffisantes pour vaincre. À la guerre, la ratiocination et les calculs de rentabilité exposent au risque de l’impuissance et de la perte de tout crédit.
Quelles que soient la taille et la force de l’ennemi, le combat est un engagement extrême, individuel et collectif, auquel il ne faut se résoudre que si l’on est prêt à en assumer le coût.
Si la consommation du fer est assurée jusqu’à la fin du siècle, celle de la houille ne l’est pas. Loin de là. Les gens avisés, qui se préoccupent de l’avenir, même quand il se chiffre par plusieurs centaines d’années, doivent donc rechercher les charbonnages partout où la prévoyante nature les a formés aux époques géologiques.
Si la consommation du fer est assurée jusqu’à la fin du siècle, celle de la houille ne l’est pas. Loin de là. Les gens avisés, qui se préoccupent de l’avenir, même quand il se chiffre par plusieurs centaines d’années, doivent donc rechercher les charbonnages partout où la prévoyante nature les a formés aux époques géologiques.
Ce qui doit être clair, c’est que le nouveau concept d’armement est en train de donner naissance à des armes étroitement liées à la vie des populations civiles.
Si notre première remarque est que l’apparition des armements de conception nouvelle élèvera à coup sûr la guerre future à un niveau difficilement imaginable par les individus – et même par les militaires -, la seconde est que le nouveau concept d’armement provoquera un grand étonnement – chez les gens ordinaires comme chez les militaires -, causé par le fait que les choses banales, familières, peuvent aussi devenir des armes de guerre. Nous croyons qu’un beau matin les hommes découvriront avec surprise que des objets aimables et pacifiques ont acquis des propriétés offensives et meurtrières.
Ce qui doit être clair, c’est que le nouveau concept d’armement est en train de donner naissance à des armes étroitement liées à la vie des populations civiles.
Si notre première remarque est que l’apparition des armements de conception nouvelle élèvera à coup sûr la guerre future à un niveau difficilement imaginable par les individus – et même par les militaires -, la seconde est que le nouveau concept d’armement provoquera un grand étonnement – chez les gens ordinaires comme chez les militaires -, causé par le fait que les choses banales, familières, peuvent aussi devenir des armes de guerre. Nous croyons qu’un beau matin les hommes découvriront avec surprise que des objets aimables et pacifiques ont acquis des propriétés offensives et meurtrières.
Les options technologiques ne sont pas matière à débat public, dans aucun cadre. Les innovations sont à la fois aléatoires dans leur surgissement et contraignantes dans leurs implications. Sans raison et sans pitié, contingentes et inexorables. Elles envahissent les sociétés en court-circuitant les Etats, et donc en les déligitimisant.
Sans doute ces derniers s’efforcent-ils d’encourager, de répartir les crédits, de surveiller les débordements. Mais, de plus en plus, ce qui est techniquement optimal prend le pas sur ce qui est socialement légitime.
Le domaine de l’obligatoire relève de moins en moins de le loi ou du règlement, de la directive, fut-elle européenne, ou de l’autorisation, et de plus en plus des normes, protocoles et standards imposées de facto par des acteurs privés, sans visage, sans adresse précise, un sigle en guise de nom. – résultats d’alliances entre groupes ou d’hégémonies industrielles.
Les options technologiques ne sont pas matière à débat public, dans aucun cadre. Les innovations sont à la fois aléatoires dans leur surgissement et contraignantes dans leurs implications. Sans raison et sans pitié, contingentes et inexorables. Elles envahissent les sociétés en court-circuitant les Etats, et donc en les déligitimisant.
Sans doute ces derniers s’efforcent-ils d’encourager, de répartir les crédits, de surveiller les débordements. Mais, de plus en plus, ce qui est techniquement optimal prend le pas sur ce qui est socialement légitime.
Le domaine de l’obligatoire relève de moins en moins de le loi ou du règlement, de la directive, fut-elle européenne, ou de l’autorisation, et de plus en plus des normes, protocoles et standards imposées de facto par des acteurs privés, sans visage, sans adresse précise, un sigle en guise de nom. – résultats d’alliances entre groupes ou d’hégémonies industrielles.
– N’y a-t-il donc aucun remède à cela, demanda Michel.
– Aucun, tant que régneront la finance et la machine ! Et encore, j’en veux surtout à la machine !
– Pourquoi cela !
– Parce que la finance a cela de bon qu’elle peut au moins payer les chefs-d’œuvre, et il faut bien manger, même quand on a du génie !
– N’y a-t-il donc aucun remède à cela, demanda Michel.
– Aucun, tant que régneront la finance et la machine ! Et encore, j’en veux surtout à la machine !
– Pourquoi cela !
– Parce que la finance a cela de bon qu’elle peut au moins payer les chefs-d’œuvre, et il faut bien manger, même quand on a du génie !
En bref, la technologie est en train de militariser les démocraties, à notre insu, sans que l’on soit capable de mesurer l’amplitude de la déflagration. Chaque citoyen devient la cible d’une menace multiforme, soldat passif, malgré lui, sans comprendre réellement en quoi il devient un maillon faible, le point de contact de l’ennemi, sa courroie de transmission intra-étatique. […]
Si les cerveaux sont les ultimes champs de bataille, si la démocratie, bastion des libertés, est désormais militarisées, si le vrai et le faux ne sont plus identifiables, indifféremment solubles dans la post-truth politics, si nous partons du principe, comme Hannah Arendt, que la démocratie ne peut fonctionner que si elle est construite sur une perception commune de la réalité, de faits vérifiables et discutables (au sens du débat démocratique), alors comment fait-on pour éviter la fragmentation du corps social en bulles alternatives, comme éviter l’écourlement civilisationnel des démocraties […] ?
En bref, la technologie est en train de militariser les démocraties, à notre insu, sans que l’on soit capable de mesurer l’amplitude de la déflagration. Chaque citoyen devient la cible d’une menace multiforme, soldat passif, malgré lui, sans comprendre réellement en quoi il devient un maillon faible, le point de contact de l’ennemi, sa courroie de transmission intra-étatique. […]
Si les cerveaux sont les ultimes champs de bataille, si la démocratie, bastion des libertés, est désormais militarisées, si le vrai et le faux ne sont plus identifiables, indifféremment solubles dans la post-truth politics, si nous partons du principe, comme Hannah Arendt, que la démocratie ne peut fonctionner que si elle est construite sur une perception commune de la réalité, de faits vérifiables et discutables (au sens du débat démocratique), alors comment fait-on pour éviter la fragmentation du corps social en bulles alternatives, comme éviter l’écourlement civilisationnel des démocraties […] ?
Il me semble que vous pourriez aller encore plus loin, en montrant, exemples à l’appui, comment nommer une maladie est la plus sûre façon de la faire apparaître.
Il me semble que vous pourriez aller encore plus loin, en montrant, exemples à l’appui, comment nommer une maladie est la plus sûre façon de la faire apparaître.
Quand nous nous sentons des victimes, toutes nos actions et nos croyances deviennent légitimes, même les plus contestables. Ceux qui s’opposent à nous, ou qui, simplement, sont nos voisins, cessent d’être nos semblables et deviennent des ennemis. Nous ne sommes plus des agresseurs, nous sommes des défenseurs. L’envie, la jalousie ou le ressentiment qui nous motivent sont sanctifiés, car nous avons la certitude d’agir pour notre seule défense. Le mal, la menace sont toujours chez l’autre. La peur est le premier pas vers une foi passionnée. La peur de perdre notre identité, notre vie, notre condition ou nos croyances. La peur est la poudre et la haine est la mèche. Le dogme, en dernière instance, n’est que l’allumette qui y met le feu.
Quand nous nous sentons des victimes, toutes nos actions et nos croyances deviennent légitimes, même les plus contestables. Ceux qui s’opposent à nous, ou qui, simplement, sont nos voisins, cessent d’être nos semblables et deviennent des ennemis. Nous ne sommes plus des agresseurs, nous sommes des défenseurs. L’envie, la jalousie ou le ressentiment qui nous motivent sont sanctifiés, car nous avons la certitude d’agir pour notre seule défense. Le mal, la menace sont toujours chez l’autre. La peur est le premier pas vers une foi passionnée. La peur de perdre notre identité, notre vie, notre condition ou nos croyances. La peur est la poudre et la haine est la mèche. Le dogme, en dernière instance, n’est que l’allumette qui y met le feu.
L’enjeu n’est pas tant de savoir quelle force armée va gagner, mais quel récit, quelle version des faits va l’emporter auprès de l’opinion publique. Concrètement, la guerre de l’opinion publique telle que pensée par les Chinois consiste à faire de « l’orientation cognitive » des masses, d’exciter leurs émotions et de « contraindre leur comportement ».
L’enjeu n’est pas tant de savoir quelle force armée va gagner, mais quel récit, quelle version des faits va l’emporter auprès de l’opinion publique. Concrètement, la guerre de l’opinion publique telle que pensée par les Chinois consiste à faire de « l’orientation cognitive » des masses, d’exciter leurs émotions et de « contraindre leur comportement ».
Cet insuccès prouvait-il que l’opération était impossible à réaliser, que les forces dont disposent les hommes ne seront jamais suffisantes pour amener une modification dans le mouvement diurne de la Terre, que jamais les territoires du pôle arctique ne pourront être déplacés en latitude pour être reportés au point où les banquises et les glaces seraient naturellement fondues par les rayons solaires ?
Cet insuccès prouvait-il que l’opération était impossible à réaliser, que les forces dont disposent les hommes ne seront jamais suffisantes pour amener une modification dans le mouvement diurne de la Terre, que jamais les territoires du pôle arctique ne pourront être déplacés en latitude pour être reportés au point où les banquises et les glaces seraient naturellement fondues par les rayons solaires ?
Comment rendre légitimes des approches qui ne correspondent pas aux critères de légitimité admis à un moment donné par la communauté savante ? […] Toute méthode d’analyse un peu nouvelle se heurte à un double-bind.
Soit elle s’apparentera à une démarche déjà homologuée pour désarmer les résistances, auquel cas elle gomme ce qu’elle a d’original pour «rentrer dans l’orchestre». Elle n’a plus lieu d’être.
Soit elle accentue son écart à la norme, auquel cas le milieu ambiant la rejette dans son bruit de fond. Et elle n’a pas d’être du tout. Si, en effet, les procédures qui peuvent un jour la constituer comme savoir étaient d’emblée homologables, c’est -à-dire conformes aux normes déjà reconnues, le problème «novation» ne se poserait pas.
Comment rendre légitimes des approches qui ne correspondent pas aux critères de légitimité admis à un moment donné par la communauté savante ? […] Toute méthode d’analyse un peu nouvelle se heurte à un double-bind.
Soit elle s’apparentera à une démarche déjà homologuée pour désarmer les résistances, auquel cas elle gomme ce qu’elle a d’original pour «rentrer dans l’orchestre». Elle n’a plus lieu d’être.
Soit elle accentue son écart à la norme, auquel cas le milieu ambiant la rejette dans son bruit de fond. Et elle n’a pas d’être du tout. Si, en effet, les procédures qui peuvent un jour la constituer comme savoir étaient d’emblée homologables, c’est -à-dire conformes aux normes déjà reconnues, le problème «novation» ne se poserait pas.
Je m’occupe. Je passe le temps. J’attends la mort. Quand je suis las de moi-même, je deviens un autre, puis un autre, puis encore un autre. j’ai oublié d’où j’étais parti. Je vois bien que cela vous dérange. Mais, si cela peut vous rassurer, je ne m’explique pas non plus comment vous vivez. Vos existences sont si linéaires. Monotones. Tristes. Elles feraient de très mauvaises histoires. Le mienne, au moins, devertira les générations futures.
Je m’occupe. Je passe le temps. J’attends la mort. Quand je suis las de moi-même, je deviens un autre, puis un autre, puis encore un autre. j’ai oublié d’où j’étais parti. Je vois bien que cela vous dérange. Mais, si cela peut vous rassurer, je ne m’explique pas non plus comment vous vivez. Vos existences sont si linéaires. Monotones. Tristes. Elles feraient de très mauvaises histoires. Le mienne, au moins, devertira les générations futures.
Il est illusoire de pouvoir décrire et comprendre un système à partir des données quantitatives. Il est encore plus illusoire de penser qu’on peut en prédire l’évolution.
Il est illusoire de pouvoir décrire et comprendre un système à partir des données quantitatives. Il est encore plus illusoire de penser qu’on peut en prédire l’évolution.
Mais dans la grisaille du monde réel, échappant à l’attention des hommes, flotte cette petite chose qui le transcende, comme un petit grain de poussière qui se serait échappé du pays des rêves pour nous laisser entrevoir l’immensité et le mystère de l’univers, pour nous suggérer que dans cet univers existe peut-être un autre monde, entièrement différent de notre réalité…
Mais dans la grisaille du monde réel, échappant à l’attention des hommes, flotte cette petite chose qui le transcende, comme un petit grain de poussière qui se serait échappé du pays des rêves pour nous laisser entrevoir l’immensité et le mystère de l’univers, pour nous suggérer que dans cet univers existe peut-être un autre monde, entièrement différent de notre réalité…
La Chowbar Society s’est donné deux buts entièrement positifs : nous aider mutuellement et aider les autres ; partager nos connaissances pour construire un avenir meilleur.
La Chowbar Society s’est donné deux buts entièrement positifs : nous aider mutuellement et aider les autres ; partager nos connaissances pour construire un avenir meilleur.
« Par le commencement », avait dit Cyrus Smith. Or, ce commencement dont parlait l’ingénieur, c’était la construction d’un appareil qui pût servir à transformer les substances naturelles. On sait le rôle que joue la chaleur dans ces transformations. Or, le combustible, bois ou charbon de terre, était immédiatement utilisable. Il s’agissait donc de bâtir un four pour l’utiliser.
– À quoi servira ce four ? demanda Pencroff.
– À fabriquer la poterie dont nous avons besoin, répondit Cyrus Smith.
– Et avec quoi ferons-nous le four ?
– Avec des briques.
– Et les briques ?
– Avec de l’argile.
En route, mes amis. Pour éviter les transports, nous établirons notre atelier au lieu même de production. Nab apportera des provisions, et le feu ne manquera pas pour la cuisson des aliments.
« Par le commencement », avait dit Cyrus Smith. Or, ce commencement dont parlait l’ingénieur, c’était la construction d’un appareil qui pût servir à transformer les substances naturelles. On sait le rôle que joue la chaleur dans ces transformations. Or, le combustible, bois ou charbon de terre, était immédiatement utilisable. Il s’agissait donc de bâtir un four pour l’utiliser.
– À quoi servira ce four ? demanda Pencroff.
– À fabriquer la poterie dont nous avons besoin, répondit Cyrus Smith.
– Et avec quoi ferons-nous le four ?
– Avec des briques.
– Et les briques ?
– Avec de l’argile.
En route, mes amis. Pour éviter les transports, nous établirons notre atelier au lieu même de production. Nab apportera des provisions, et le feu ne manquera pas pour la cuisson des aliments.
Nous mourrons, mais nos actes ne meurent pas. Ils se perpétuent dans leurs conséquences infinies.
Passants d’un jour, nos pas laissent dans le sable de la route des traces éternelles.
Rien n’arrive qui n’ait été déterminé par ce qui l’a précédé et l’avenir est fait des prolongements inconnus du passé.
Nous mourrons, mais nos actes ne meurent pas. Ils se perpétuent dans leurs conséquences infinies.
Passants d’un jour, nos pas laissent dans le sable de la route des traces éternelles.
Rien n’arrive qui n’ait été déterminé par ce qui l’a précédé et l’avenir est fait des prolongements inconnus du passé.