Extraits

s'inspirer pour mieux imaginer

Apporter une bonne idée pour répondre à une urgence vitale ne suffisait pas à changer les choses. On ne changeait rien avec une simple idée, même belle. Car  le pouvoir se cachait dans les forteresses. Encore n’était-ce là qu’un aperçu de la question : les forteresses s’appuyaient sur des fondations qui couraient jusqu’au centre de la Terre. Pour mieux résister au changement.

Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Discours du 25 juillet 1914

Je m’occupe. Je passe le temps. J’attends la mort. Quand je suis las de moi-même, je deviens un autre, puis un autre, puis encore un autre. j’ai oublié d’où j’étais parti. Je vois bien que cela vous dérange. Mais, si cela peut vous rassurer, je ne m’explique pas non plus comment vous vivez. Vos existences sont si linéaires. Monotones. Tristes. Elles feraient de très mauvaises histoires. Le mienne, au moins, devertira les générations futures.

Quant à l’amélioration des climats, était-elle si désirable ? En vérité, il n’y aurait que les Esquimaux, les Lapons, les Samoyèdes, les Tschoultchis, qui pourraient y gagner, puisqu’ils n’avaient rien à y perdre.

Jules Verne
Sans dessus dessous

— Ce ne sont point des moules, répondit le jeune Harbert, qui examinait avec attention les mollusques attachés aux roches, ce sont des lithodomes.
— Et cela se mange ? demanda Pencroff.
— Parfaitement.
— Alors, mangeons des lithodomes.

Jules Verne
L’île mystérieuse

Si nous nous demandons quelle sorte d’intelligence correspond le plus au génie martial, l’expérience et l’investigation nous diront que c’est davantage celle qui scrute que celle qui crée, celle qui embrase plutôt que celle qui dissèque, que c’est davantage aux têtes froides qu’aux têtes chaudes que l’on confiera le salut de nos frères et de nos enfants, l’honneur et la sécurité de notre patrie.

Or, même celui qui a lui-même échafaudé son plan est facilement déconcerté par rapport à sa conviction première lorsqu’il le voit de ses propres yeux.
Il doit s’armer d’une confiance inébranlable en lui-même pour repousser l’assaut apparent du moment. Sa conviction antérieure se vérifiera dans le développement de l’action, quand disparaîtront les décors intercalés par le destin à l’avant-scène de la guerre avec leur peinture outrée du danger, et quand l’horizon se sera élargi. Tel est l’un des plus profonds abîmes qui séparent le projet de son exécution.

Il n’y a en réalité jamais de score final dans le monde du changement continu. Ce qu’on appelle « victoire » est en fait un temps d’avance en début de partie. Par ailleurs, les organisations qui ont vraiment du succès ne sont pas celles qui se lancent pour vaincre la concurrence mais celles qui se concentrent sur la globalité de l’environnement plutôt que sur la compétition.

Face à l’incertain et au brouillard de l’action, c’est moins de puissance cérébrale que de sagesse dont on a besoin, et la sagesse ne peut s’acquérir que sur le terrain à partir d’une posture d’humilité malheureusement peu commune chez les esprits supérieurs.

Philippe Silberzahn
Bienvenue en incertitude, 2018

Le domaine du risque est celui des situations répétées à l’identique. C’est le domaine où prévaut une logique d’optimisation des moyens et des préexistences des buts. Le paradigme est celui de la décision comme choix parmi des options possibles, où l’on distingue la décision de la mise en oeuvre dans un environnement considéré comme largement exogène. C’est le domaine cartésien par excellence.

Le domaine de l’incertitude est celui des situations uniques et inédites. C’est le domaine où prévaut une logique de créativité et d’endogénéité des buts. Le paradigme est celui de la décision comme la construction créative d’un avenir désirable, où la décision et l’action fusionnent dans l’action créative.

Philippe Silberzahn
Bienvenue en incertitude, 2018

Après avoir été briquetiers, potiers, fondeurs, forgerons, nous saurons bien être maçons, que diable !
– Raffineurs ! répondit Pencroff. C’est un métier un peu chaud, je crois ?
— Très chaud ! répondit l’ingénieur.

Jules Verne
L’île mystérieuse

Les histoires ont une fonction cognitive fondamentale : elles sont le moyen par lequel le cerveau émotionnel donne du sens aux informations recueillies par le cerveau rationnel. […] Nous avons besoin de rêver, d’imaginer quelles maisons nous pourrions habiter, dans quelles villes nous pourrions évoluer, quels moyens nous utiliserions pour nous déplacer, comment nous produirions notre nourriture, de quelle façon nous pourrions vivre ensemble, décider ensemble, partager notre planète avec tous les êtres vivants.

Petit à petit, ces récits d’un genre nouveau pourraient mâtiner nos représentations, contaminer positivement les esprits et, s’ils sont largement partagés, se traduire structurellement dans des entreprises, des lois, des paysages…

Cyril Dion

Tout le monde me connaît mais personne ne peut me raconter. Personne ne me connaît même si tout le monde a entendu mon nom. Si tout le monde parle ensemble, cela donne quelque chose qui me ressemble mais n’est pas moi. Toutes les actions de tout le monde me construisent. Jej suis le sang dans les rues, la catastrophe impossible à oublier. Je suis la marée à l’oeuvre sous les fondations du monde, que personne ne voit ni ne sent. Je me déroule au présent mais ne suis contée que dans le futur, où l’on pense alors parler du passé sauf que l’on ne parle, encore et toujours, que du présent. Je n’existe pas mais je suis tout.

Voilà, vous me reconnaissez. Je suis l’Histoire. Faites-moi belle.

Le progrès n’est point aux aérostats, citoyens ballonistes, il est aux appareils volants. L’oiseau vole, et ce n’est point un ballon, c’est une mécanique !

Jules Verne
Robur le conquérant

Votre père était un artiste. Ce mot dit tout. J’aime à penser que vous n’avez pas hérité de ses malheureux instincts. Cependant, j’ai découvert en vous des germes qu’il importe de détruire. Vous nagez volontiers dans les sables de l’idéal et, jusqu’ici, le résultat le plus clair de vos efforts a été ce prix de vers latins, que vous avez honteusement remporté hier.

Jules Verne
Paris au 20e siècle

Cet insuccès prouvait-il que l’opération était impossible à réaliser, que les forces dont disposent les hommes ne seront jamais suffisantes pour amener une modification dans le mouvement diurne de la Terre, que jamais les territoires du pôle arctique ne pourront être déplacés en latitude pour être reportés au point où les banquises et les glaces seraient naturellement fondues par les rayons solaires ?

Jules Verne
Sans dessus dessous

Le capitaine Nemo resta donc, puis il observa ces hommes jetés sans ressource sur une île déserte, mais il ne voulut point être vu. Peu à peu, quand il les vit honnêtes, énergiques, liés les uns aux autres par une amitié fraternelle, il s’intéressa à leurs efforts.

Jules Verne
L’île mystérieuse

Le lien causal entre une technique et une culture n’est ni automatique ni unilatéral. […]

Des innovations techniques rendent possibles ou conditionnent l’apparition de telle ou telle forme culturelle (pas de science moderne sans imprimerie, pas d’ordinateurs personnels sans microprocesseurs) mais elles ne les déterminent pas nécessairement.

« Par le commencement », avait dit Cyrus Smith. Or, ce commencement dont parlait l’ingénieur, c’était la construction d’un appareil qui pût servir à transformer les substances naturelles. On sait le rôle que joue la chaleur dans ces transformations. Or, le combustible, bois ou charbon de terre, était immédiatement utilisable. Il s’agissait donc de bâtir un four pour l’utiliser.

– À quoi servira ce four ? demanda Pencroff.
– À fabriquer la poterie dont nous avons besoin, répondit Cyrus Smith.
– Et avec quoi ferons-nous le four ?
– Avec des briques.
– Et les briques ?
– Avec de l’argile.

En route, mes amis. Pour éviter les transports, nous établirons notre atelier au lieu même de production. Nab apportera des provisions, et le feu ne manquera pas pour la cuisson des aliments.

Jules Verne
L’île mystérieuse

Si la consommation du fer est assurée jusqu’à la fin du siècle, celle de la houille ne l’est pas. Loin de là. Les gens avisés, qui se préoccupent de l’avenir, même quand il se chiffre par plusieurs centaines d’années, doivent donc rechercher les charbonnages partout où la prévoyante nature les a formés aux époques géologiques.

Jules Verne
Sans dessus dessous

Nous mourrons, mais nos actes ne meurent pas. Ils se perpétuent dans leurs conséquences infinies.
Passants d’un jour, nos pas laissent dans le sable de la route des traces éternelles.
Rien n’arrive qui n’ait été déterminé par ce qui l’a précédé et l’avenir est fait des prolongements inconnus du passé.

Jules Verne

Les êtres sauvages, commença-t-il. Ca m’a toujours paru un peu erroné de dire ça d’eux. Ils ne sont pas sauvages. En tout cas, pas comme la plupart des gens le conçoivent. Observez-les. voyez comment il sont les uns envers les autres. Ils sont plus dociles que nous. Je crois que c’est parce qu’ils savent d’emblée comment aimer et que nous, nous devons l’apprendre. Je vois cela en eux. Comme l’amour les rend dociles. Pas seulement entre eux. La nature. Son mystère. L’attraction de la lune. Le ciel. toute l’atmosphère qui s’en dégage. C’est ce qui m’attire. Cette grande ouverture qu’ils offrent. c’est ce que j’essaie de ressentir quand je suis avec eux. Ce que j’esaie de voir et de saisir, si j’ai de la chance. Cette authenticité.

Oui ! concert électrique ! et quels instruments ! D’après un procédé hongrois, deux cents pianos mis en communication les uns avec les autres, au moyen d’un courant électrique, jouaient ensemble sous la main d’un seul artiste !

Jules Verne
Paris au 20e siècle

[…] Puisque la façon dont on voit le monde est le reflet de son identité individuelle et collective, on ne peut pas penser la complexité de celui-ci à partir d’un corps social homogène sans quoi on s’expose à des surprises douloureuses. Il faut donc […] induire des mécanismes permettant aux opinions divergentes constructives de s’exprimer. C’est la meilleure protection contre les cygnes noirs. […]

La conversation stratégique considère l’ensemble, pas le sommet; elle est démocratiques, pas élitiste; elle s’inscrit dans un flux, pas dans un calcul a priori; elle accueille les surprises, elle ne les évite pas.

Une condition de la réussite de la conversation stratégique est de rendre ses hypothèses et croyances explicites, et de les revisiter régulièrement pour les tester et voir si elle sont encore valables.

Philippe Silberzahn
Bienvenue en incertitude, 2018

« … L’oeil humain  est fait pour survivre dans la forêt. C’est pour cette raison qu’il est sensible au mouvement. N’importe quelle chose qui bouge, même à la périphérie la plus extrême de notre regard, l’oeil la capte et transporte l’information au cerveau. En revanche, tu sais ce que l’on ne voit pas?  » J’avais secoué la tête.

« Ce qui reste immobile , Vadia. Au milieu de tous les changements, nous ne sommes pas entraînés à distinguer les choses qui restent les mêmes. Et c’est un grand problème parce que, quand on y pense, les choses qui ne changent pas sont presque toujours les plus importantes. »

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