Les kilos de la colère

11 octobre 2024
6 mins de lecture

Rédaction :
Anne-Caroline Paucot (Propulseurs)
Images :
Midjourney

La planète, juin 2032

Dans une France asphyxiée par le diktat de la minceur, la révolte gronde. Le Parti de la Santé a transformé le pays en un camp de redressement pour «gros». Discriminations légalisées, humiliations publiques, interventions médicales forcées… C’est l’enfer des kilos en trop. Entre tragédies personnelles et résistance collective, le pèse-personne est devenu l’instrument d’une terreur d’État.

La France est à l’arrêt. Partout dans le pays, des millions de personnes déferlent dans les rues, exigeant la démission du Président et la dissolution du Parti de la Santé. Elles refusent de continuer à voir mourir leurs enfants et leurs proches, victimes d’une dictature de la minceur devenue insoutenable.

Dans les rues, dans les médias et sur les réseaux sociaux, des récits glaçants se multiplient.

Alba, 14 ans, s’est jetée du haut de son immeuble après la diffusion d’une vidéo où elle mangeait une tartine de confiture. En surpoids, ce plaisir lui était interdit. Elle avait honte de son corps et était effrayée à l’idée d’être envoyée dans un centre de rééducation alimentaire.

Ariosto, 27 ans, diplômé de Harvard, avait tout pour réussir. Pourtant, après un an de recherche d’emploi infructueuse, il a mis fin à ses jours. Aucune entreprise ne voulait prendre le risque d’engager une personne en surpoids. Malgré tous ses efforts pour maigrir, il n’a jamais atteint le «poids idéal».

Karoline, 34 ans, pleure son bébé de trois mois, mort après une opération de pose d’un anneau gastrique ajustable. Elle avait cru bien faire en acceptant l’opération, espérant la protéger de la tyrannie de la minceur. Dans sa famille, les rondeurs étaient autrefois célébrées comme des signes de beauté et de tendresse. Mais, partout, on martelait qu’il fallait contrer la génétique qui condamnait une mère en surpoids à avoir un enfant en surpoids.

Les héroïnes de cette lutte désespérée sont ces femmes qui se sont immolées dans la vasque des Jeux olympiques de Paris 2024. Évadées d’un camp obligatoire d’obèses, elles ont raconté au monde les souffrances endurées par les gros. Leur manifeste dénonce un quotidien fait de discriminations, de hontes et d’injustices. Il explique qu’aujourd’hui, être gros, c’est être coupable de tous les maux. Les personnes en surpoids, surtout les femmes, sont stigmatisées comme l’étaient les homosexuels autrefois. Leur crime étant visible, elles ne connaissent aucun répit. On les considère comme étant des gloutonnes indociles méritant l’humiliation publique.

(1) L’explosion de l’obésité

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de personnes obèses dans le monde a presque triplé depuis 1975. En 2022, plus de 1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids, et parmi eux, plus de 650 millions étaient obèses. L’obésité ne touche pas seulement les adultes : en 2020, plus de 340 millions d’enfants et d’adolescents âgés de 5 à 19 ans étaient en surpoids ou obèses.

Les taux d’obésité les plus élevés se trouvent dans les îles du Pacifique, avec des pays comme Nauru, Tonga et les îles Cook dépassant 60 % de la population adulte.

Les États-Unis ont l’un des taux d’obésité les plus élevés parmi les pays développés, avec environ 42 % de la population adulte obèse en 2020.

Une sculpture intitulée « Vasquo de Mama » rend hommage aux martyrs  du poids

Si les drames se comptent déjà par milliers, le nombre de victimes augmente. Depuis le début du XXIe siècle, l’explosion des taux d’obésité est alarmante. On estime que, selon les pays, 35 à 60 % de la population est en surpoids. (1)

L’obésité est un problème personnel : les genoux flanchent, les cœurs s’emballent, les artères se bouchent, les dépenses de santé explosent. Quand monter trois marches équivaut à gravir l’Everest, on est condamné à une existence en marge de la société et souvent aussi à une mort prématurée dans un cercueil XXXL.

Pour les politiques, et en particulier le Parti de la Santé, l’impact de l’obésité n’est pas uniquement individuel, mais aussi sociétal. Le ministre de la Santé, Léo-Malik N’Diaye, affirme : «L’épidémie d’obésité constitue une menace à tous les niveaux. Pour la santé physique et psychique de l’individu. Pour l’économie de la société française. Un pays malade ne peut pas concourir dans la même catégorie qu’un pays en bonne santé. Une France en surpoids est un pays handicapé.»

 

Le vrai problème, ce sont les solutions

Pour résoudre ce problème, des solutions drastiques sont envisagées. Elles ne sont pas vues d’un bon œil : «Le vrai problème, ce sont les solutions» dit Dominique Lembournet du FGH (Front des gros heureux) avant d’ajouter : «Lors de la guerre du Vietnam, un officier américain s’exclama : “Nous avons détruit la ville pour pouvoir la sauver”. Le Parti de la Santé a adopté cette même logique.»

Le Parti de la Santé cherche à culpabiliser les gros. S’ils se sentent gros, ils se détesteront et feront régime, espèrent-ils. 

Leur première arme est l’IMGM (Indice de Masse Grasse et Musculaire). Cet indicateur définit qui est dans la norme et qui est gros. À partir d’un IMGM de 40, on devient en surpoids. À 50, on est déclaré obèse, donc malade. On ne peut pas être enveloppé et bien dans sa peau.

L’IMGM sert de base à une série de mesures discriminatoires. Une loi interdit l’embauche de personnes ayant un IMGM supérieur à 42. Le même principe s’appliquant au logement, crée une classe de citoyens de seconde zone, privés des droits les plus fondamentaux.

Le ministre de la Santé ajoute un «impôt kilos» en arguant que les personnes en surpoids génèrent plus de dépenses de santé.

Les églises, cherchant à se réapproprier leur influence, s’attaquent aux parents. Des pasteurs hurlent qu’ils tuent leurs enfants avec des portions généreuses et des desserts à volonté. D’autres promettent que chaque kilo perdu rapproche du paradis, tandis que les plats gras mènent droit en enfer. Certains vont jusqu’à raconter que Saint-Pierre a prévu une porte où ne peuvent passer que les personnes ayant un IMGM inférieur à 40!

L’industrie médicale profite de cette obsession pour promouvoir des solutions miracles aussi dangereuses qu’inefficaces. Des œufs de ténia aux patches «nourrissants et amaigrissants», en passant par des transplantations fécales censées modifier la flore intestinale, rien n’est trop extrême et absurde. La chirurgie bariatrique et la liposuccion sont proposées à prix cassés, transformant des corps sains en champ de bataille.

Maigrir m’aigrit

Les témoignages des victimes de cette politique sont déchirants. Marjolaine confie : «On me dit que je suis un monstre à cause de mes kilos en trop. Alors, je me comporte en monstre, je mange.» Alexandre, après avoir perdu 47 kilos en quelques mois, s’est retrouvé à la rue, car son IMGM n’atteignait toujours pas le seuil fatidique de 40. Alinette résume le paradoxe cruel de cette approche : «C’est leur obsession qui m’a rendue obèse. Plus on me disait de maigrir, plus je mangeais. Maigrir m’aigrit.»

Malgré ces retours alarmants, le ministre Léo-Malik N’Diaye persiste et signe, multipliant les mesures punitives. Dans les restaurants, les personnes ayant un IMGM supérieur à 40 sont contraintes de choisir des menus spécifiques aux portions réduites, pour le même prix. À domicile, elles doivent installer des réfrigérateurs à reconnaissance faciale qui ne s’ouvrent que si l’utilisateur n’a pas dépassé son quota calorique quotidien. L’utilisation des ascenseurs et des escalators leur est interdite, les forçant à s’épuiser en public sous les regards méprisants. Ils ne peuvent plus non plus prendre les transports en commun.

Le comble de l’absurdité est atteint lorsque le ministre déclare que l’obésité est une maladie mentale. Selon lui, des scientifiques l’ont démontré en découvrant que les personnes en surpoids ont un système de récompense cérébral disproportionné. C’est ce dysfonctionnement cérébral qui les conduit à manger toujours plus.

Face à cette escalade de mesures inhumaines, l’espoir réside dans un changement radical de gouvernance. Il est urgent que de nouveaux dirigeants, dotés d’empathie et de bon sens, s’interrogent sur les véritables causes de l’épidémie d’obésité : la prolifération d’aliments ultra-transformés, la sédentarisation croissante, les inégalités économiques qui limitent l’accès à une alimentation saine, le stress omniprésent de la vie moderne. 

Seule une approche holistique, fondée sur la compassion et la compréhension, pourra apporter des solutions efficaces et durables à ce problème de société, sans sacrifier la dignité et le bien-être des individus.

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