Q170 | Pourquoi et comment éveiller les jeunes, dès 5 ans, à penser leur futur ?

24 août 2023
4 mins de lecture
Copyright : Andrea DeIannoy

Une étude britannique publiée en 2018 a montré pour la première fois, au niveau mondial, que les stéréotypes de genre s’installent très tôt, dès l’âge de 6 ans, et qu’ils ont un impact sur les aspirations professionnelles des jeunes.

Une étude de l’OCDE de 2021 a également identifié la présence de normes sociales genrées chez des enfants de 5 ans, quand on leur demande ce qu’ils souhaitent devenir quand ils seront grands. Leurs aspirations précoces sont clairement influencées par les attentes et les stéréotypes traditionnels, ce qui signifie que les enfants limitent leurs ambitions professionnelles dès le plus jeune âge. Et c’est encore plus le cas dans les milieux défavorisés. En s’appuyant sur ces différents constats, cette étude de l’OCDE invite les systèmes éducatifs qui souhaitent améliorer significativement les résultats et la motivation des élèves à se concentrer davantage sur la qualité, la réactivité et l’efficacité de leurs politiques en faveur des jeunes enfants.

Cette préconisation peut sembler surprenante. Ne devrait-on pas plutôt se focaliser sur les adolescents et les jeunes adultes, c’est à dire sur celles et ceux qui se retrouvent confrontés à des choix d’orientation concrets et imminents ? Pourquoi « embêter » les petits avec des informations sur les métiers dont ils ne sauront que faire ?

Eh bien, que les sceptiques se détrompent ! Les « petits » sont avant tout des curieux, des découvreurs ! Et si certains stéréotypes de genre peuvent être décelés à un très jeune âge, ils sont (encore) loin d’être des biais.

Mon expérience de ces dernières années m’a permis de constater que les jeunes enfants se montrent très enthousiastes de rencontrer de vraies ingénieures, policières, avocates, pompières, et leur poser des questions concrètes sur leurs métiers. L’impact est immédiat et l’effet durable.

Les enfants rapportent à la maison leurs découvertes et en parlent souvent pendant des jours. Ces rencontres précoces peuvent influencer leur perception des métiers, rendre concret le besoin d’apprendre et combattre les images reçues sur ce qu’ils/elles peuvent ou ne peuvent pas envisager de faire de leurs futurs.

Fort heureusement, l’égalité entre filles et garçons, notamment en matière d’orientation scolaire et professionnelle, est prévue par la loi, selon l’article 10 de la Loi sur l’Enseignement Obligatoire (LEO). L’école veille à cette égalité et l’État déploie d’ores et déjà d’importants efforts pour gommer les disparités en termes d’égalité des chances entre les sexes. Beaucoup de ces efforts concernent les filles et visent à combler le gouffre historique qui sépare les femmes et les hommes sur le plan professionnel.

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Mais l’école est-elle la seule responsable d’assurer l’égalité entre filles et garçons ?

Qu’en est-il de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ? La RSE désigne la responsabilité des entreprises quant aux effets de leur activité sur la société et l’environnement. Elle embrasse une large palette de thèmes dont les entreprises doivent tenir compte. En Suisse le cadre de référence en matière de RSE est l’Agenda 2030 des Nations Unis et ses 17 objectifs. 

Sa mise en œuvre au niveau national est inscrite dans la Stratégie de la Confédération pour le développement durable. Parmi les principaux défis, on trouve l’égalité des sexes (objectif 5). Cet objectif vise notamment l’égalité salariale et une représentation féminine adéquate dans les instances décisionnelles et les fonctions dirigeantes des entreprises.

Et si on ajoutait à cela l’égalité des chances, qui se joue à l’école ? 

Les entreprises pourraient ainsi être encouragées à travailler conjointement avec l’école afin d’ouvrir les horizons professionnels des jeunes. Envisager une telle action conjointe public-privé n’est certes pas tâche facile, car si les élèves sont de potentiels futurs employé·e·s, ils sont aussi de potentiels consommateur·trices qui doivent être protégés de « toute forme de propagande commerciale », comme le prévoit à juste titre l’article 11 de la Loi sur l’enseignement obligatoire. 

Mais cela n’est pas impossible ! L’exemple de l’action « Futur en tout genre » (Journée Oser tous les métiers dans le canton de Vaud) montre bien qu’avec la volonté (politique) on y arrive. Cette action très bien venue reste néanmoins ponctuelle, puisqu’elle ne se déroule qu’une seule journée par année.

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Imaginer des initiatives plus ambitieuses susceptibles d’intéresser les entreprises sans perturber ni leur rythme ni celui des écoles est le pari qu’à fait l’association MOD-ELLE, qui propose aux entreprises, dans un cadre agréé, de permettre à leurs employées d’intervenir auprès des élèves pour leur faire découvrir leurs métiers.

« Travailler ensemble ! » N’est-ce pas là un idéal autour duquel le monde de l’éducation et celui de l’entreprise devraient naturellement se rejoindre pour un futur meilleur ?

L‘activiste américaine pour les droits des enfants, Marian Wright Edelman, l’avait bien dit : « You can’t be what you can’t see. » – Vous ne pouvez pas être ce que vous ne pouvez pas voir.

En d’autres termes, comment les jeunes pourraient-ils se projeter dans des métiers dont ils ignorent l’existence ? Montrer aux jeunes à quoi pourrait ressembler leur futur, cela également avec des initiatives telles que Le Dico des Métiers de Demain, tout au long de leur scolarité, peut à la fois les encourager à ouvrir leurs horizons et résoudre l’inadéquation grandissante entre leurs aspirations et la réalité du terrain.

C’est un pari à prendre, qui va bien au-delà de l’égalité de chances.

 

Copyright : Andrea DeIannoy
Le Dico des métiers de demain pour imaginer les métiers et les compétences de demain

A lire également dans la continuité de ce billet : Pourquoi faut-il enseigner et démocratiser la prospective ?

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