Q155 | Comment la prospective réconcilie-t-elle développement durable et finance ?

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Le parlement Européen a adopté de nouvelles règles de reporting pour les multinationales (21 avril 2021) : en plus de leurs résultats financiers, toutes les entreprises concernées devront révéler l’impact de leurs activités sur les personnes et sur l’environnement. Pour les entreprises qui ne l’avaient pas vu venir, cette directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) est une contrainte majeure. Et qu’on ne s’y trompe pas, un coup de peinture verte sur la façade ne suffit pas.

Seulement voila, il faut bien reconnaitre que jusqu’à présent, le modèle économique et la stratégie de l’Organisation –  Organisation est utilisé dans ce billet à titre volontairement général, autorisant (et incitant !) la démarche Prospective aux organisations non commerciales – sur une disponibilité infinie de ressources naturelles et des coûts peu contraignants de l’énergie fossile.

Les objectifs de croissance de l’Organisation sont, jusqu’à présent, encore peu regardants sur les facteurs sociétaux qui permettent la transformation des matières premières, en témoigne la quantité de porte-containers qui sillonnent le monde pour approvisionner les consommateurs de produits réalisés dans des pays à faible coût de main d’œuvre. Les postulats sur la croissance de l’économie sont un peu mis à mal avec cette CSRD.

Effectivement, force est d’admettre que le modèle de croissance adopté jusqu’à présent se heurtera un jour à la réalité de l’écosystème planétaire qui est délimité d’une part par les lois de la physique et d’autre part par la quantité finie de matière première disponible.

Les lois de la physique ne se négocient pas

Cette double matérialité de reporting financier et ESG est donc souvent perçue comme une injonction contradictoire, en tout cas pour les objectifs du court terme : la révolution industrielle, débutée à la fin du XVIIIème siècle n’a clairement pas intégré les impératifs de la biosphère. Pire, les besoins de l’anthropocène reposent sur l’absorption et la destruction du vivant.

« Je compare la situation à celle du début des années 1990 lorsque la norme ISO9000 faisait son entrée dans l’industrie. Ceux qui ont vécu cette époque se rappellent qu’il a fallu beaucoup de persévérance pour démontrer l’avantage d’une structure qualité appropriée intégrée dans la stratégie de l’entreprise. »

La révolution industrielle, débutée à la fin du XVIIIème siècle n’a clairement pas intégré les impératifs de la biosphère.

Le rôle de la Prospective est de projeter l’Organisation au-delà de sa prévisibilité afin de vérifier la viabilité de la stratégie en cours et d’envisager les alternatives possibles.

En intégrant les Objectifs de Développement Durable (ODD) dans les ateliers de Prospective, l’Organisation se donne les moyens de se projeter dans un avenir régénératif, contributif.

La Prospective permet à la Gouvernance qui la pratique d’anticiper les changements pour faire converger les ODD avec les objectifs financiers, afin de se transformer avant d’en subir les contraintes.

« Les exemples récents d’entreprises disparues sont hélas nombreux, faute d’analyse prospective et de capacité à se projeter et se transformer. »

Plusieurs méthodes sont disponibles pour considérer les risques liés à l’incertitude. C’est en les identifiant et en analysant les moteurs du changement et les risques que les mutations d’environnement font peser sur l’Organisation que les Scénarios des Futurs sont élaborés.

La construction de ces scénarios fournit des indications sur l’avenir de l’Organisation, permettant ainsi d’en révéler les forces, faiblesses, menaces ou opportunités, en vue de l’élaboration des stratégies. C’est cette analyse qui placera la Gouvernance certainement face à des choix difficiles quant à l’évolution du modèle économique de l’Organisation, faisant inévitablement intervenir l’éthique en arbitre de l’avenir.

D’une façon ou d’une autre, les changements attendus sont en relation avec les rejets de CO2, les limitations de quantité de matière et la façon de permettre à l’espèce humaine de perdurer. Ces sujets peuvent paraitre éloignés des objectifs spécifiques de l’Organisation mais la finalité reste constante, comment faire mieux avec moins dans le contexte actuel et projeté.

Objectifs de développement durable
La triple bottom line, ou en français triple performance, triple résultat ou triple bilan, est la transposition de la notion de développement durable en entreprise.

Des entreprises qui alignent leurs objectifs financiers sur les objectifs de développement durable (ODD) sont disponibles. Par exemple, l’aéroport d’Heathrow, que nous connaissons bien, dispose d’un plan qui vise un impact net zero en 2050, basé sur l’observation que personne ne prendra l’avion à destination des côtes, villes ou îles tropicales qui sont submergées par les eaux.

En matière de références, la Global Reporting Initiative (GRI) fournit des lignes directrices aux entreprises pour rendre compte de leur performance en matière de développement durable de manière transparente et normalisée. Et en 2022, plus de 680 institutions financières ont exigé de leurs clients de révéler leur impact environnemental (ADEME, Laurent Babikian). Le mouvement est en marche.

La Prospective est cette anticipation qui confère à l’Organisation la résilience nécessaire à maintenir son activité au-delà de l’horizon du prévisible. Intégrer les ODD est une façon d’assurer que les consommateurs de demain seront toujours présents.

C’est bien l’esprit de cette CSRD : par la double matérialité, introduire une convergence des objectifs du Vivant avec l’Economie.

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