Q071 | Pourquoi utiliser la science-fiction en prospective ?

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Il est parfois reproché aux scénarios prospectifs de se contenter de prolonger, voire, au mieux, d’accélérer et d’accentuer une ou plusieurs tendances bien connues et déjà à l’oeuvre à l’heure actuelle. Nous serions, en quelque sorte, incapables d’imaginer d’autres futurs que ceux que notre rationalité juge possibles.

Au sein de l’organisation, un autre mal nous guette : le silence organisationnel, ou l’interdiction d’évoquer sérieusement des alternatives au récit officiel du futur qui seraient immédiatement taxées d’iconoclastes.

Comment parvenir alors à voir “loin” et “large” comme nous y invitait déjà en 1959 Gaston Berger dans son essai, L’attitude prospective ? Recourir à la science fiction permet peut-être d’apporter un élément de réponse.

C’est en 1929, dans l’éditorial du premier numéro de la revue Science Wonder Stories, qu’apparaît pour la première fois le terme “science fiction” sous la plume du fondateur de ladite revue et auteur américain, Hugo Gernsback.

Depuis, au gré de hauts et de bas, le genre s’est déployé sous différentes formes : romans, long métrages, séries télévisées etc.

Si l’objet de cet article n’est pas de dresser une liste exhaustive de tous les progrès scientifiques, inventions techniques, configurations sociales inédites etc. anticipés par les auteurs de science fiction, force est de constater que le genre a livré d’innombrables exemples de sa capacité à repérer des signaux faibles largement ignorés du grand public – et même des experts – et à spéculer au sujet des futurs possibles qu’ils pourraient contribuer à façonner. H. G. Wells, auteur en 1895 de l’oeuvre mythique La machine à explorer le temps, expliquait que c’était dans l’écriture de romans de science fiction qu’il s’autorisait à décrire le plus fidèlement possible les futurs que son intuition lui permettait d’envisager. Au contraire, lorsqu’il lui était donné de s’exprimer dans des contextes plus officiels, tels que des discours, il s’auto-censurait et ne se permettait pas de heurter les craintes et les espoirs que le public formait au sujet de l’avenir.

Les oeuvres de science fiction servent en quelque sorte de miroir dans lequel se reflètent les craintes et les espoirs d’une société vis-à-vis de son avenir.

En faisant l’effort de découvrir le genre et ses différentes incarnations (romans, long métrages, séries télévisuelles etc.), vous vous ouvrirez ainsi à un gisement de signaux faibles, de représentations du mondes, de futurs possibles etc. qui nourriront à n’en pas douter vos prochains exercices de prospective.

La science-fiction permet également de faire passer des messages de façon presque subliminale en effaçant les barrières liées au monde réel. Utopique ou dystopique, nous nous trouvons en sécurité dans un environnement (supposé !) virtuel. Nous pouvons donc faire fi des limites imposées par le réel ! Intégrée à un document, l’analyse du monde de la science-fiction offre un éclairage supplémentaire sur les futurs possibles d’un thème donné (Tendances et défis technologiques, DEFTECH Highlights-Urbanity).

Publication « Tendances et défis technologiques » présentant un regard croisé sur les technologies entre fiction et réalité.


De l’autre côté de l’Atlantique, voici un exemple intéressant de recours à la science fiction dans le domaine militaire aux Etats-Unis; le MAD Scientist Laboratory est une initiative innovante dont la finalité et le fonctionnement sont décrits ici.

En comparant a posteriori les anticipations contenues dans une oeuvre de science fiction avec ce qu’il s’est réellement passé, on peut essayer de lever le voile sur la représentation du monde et les intuitions afférentes de l’auteur qui l’ont conduit à privilégier certains futurs possibles plutôt que d’autres.

Que ce soit dans des mondes imaginaires parallèles à notre présent ou projetés dans le futur, il est également possible de mesurer les écarts technologiques nous séparant des différents éléments dépeints. Il est stimulant d’analyser les éléments déclencheurs susceptibles de rendre le futur réalité. Ces éléments deviennent dès lors des indicateurs d’un changement à venir.

Nous avons, en collaboration avec la société envisioning, réalisé l’exercice en 2018 en considérant différents supports :

  • The Neuromancer (Littérature).
    Le défi en littérature est que chaque lecteur, en fonction de son imagination et de son vécu, se fait une représentation individuelle de l’environnement et des éléments présentés dans le récit.

  • 2001 l’odyssée de l’espace (Cinéma).
    Le film ayant été réalisé il y a 50 ans, quels sont les éléments qui sont devenus réalité, lesquels par contre ne le sont encore pas et pourquoi ?

  • Blade Runner 2049 (Cinéma).
    Projeté dans 30 ans, comment l’environnement prédit se conçoit-il ? Quels tendances ont été priorisées ? Quelles sont les incohérences ?

  • Detroit: Become Human (Jeu vidéo).
    Plongé dans un environnement virtuel, le jeu permet d’évoluer dans celui-ci et de tester différents scénarios jusqu’à l’infini !

Une autre initiative réalisée en collaboration avec le festival Numerik Games fut de profiter du concours littéraire “Le prix de l’Ailleurs” pour y suggérer le thème Swiss Wars : Quand la guerre fait réfléchir… sur la Suisse

En ouvrant la réflexion au public, cela a permis de générer des idées ainsi que des pistes de réflexion novatrices.

Publication résultant du concours littéraire de science-fiction "Prix de l'Ailleurs" 2019 sur le thème "Swiss Wars"
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