Image réalisée par Luc Legay

Synthonésie

Connaissance générée à la demande.
13 novembre 2025
2 mins de lecture

Étymologie

Du grec synthesis (composition) et gnosis (connaissance).

La synthonésie désigne une connaissance produite à la demande par une intelligence artificielle. Le savoir n’est plus un document que l’on stocke et consulte. Il apparait sous une forme recomposée et éphémère.

 

On tourne la page

Pendant des millénaires, le savoir a d’abord circulé par tradition orale. Puis il s’est cristallisé dans des artefacts : tablettes d’argile, papyrus, codex, encyclopédies, fichiers numériques, pages web. Un savoir où chacun pouvait remonter à la source, citer un passage, comparer différentes versions.

La synthonésie fait disparaître le support. Plus de page à annoter, plus de fichier à sauvegarder, plus d’URL à copier. Le savoir n’a plus d’adresse. Il devient un flux contextuel qui se recompose à chaque requête.

On ne lit plus, on ne cherche plus. On sollicite, on invoque.

 

Le palimpseste se dissout

Au Moyen Âge, les moines grattaient les manuscrits anciens pour réutiliser le parchemin. Sous le texte nouveau subsistaient les traces de l’ancien. Un palimpseste révélait plusieurs strates de savoir.

Avec la synthonésie, le palimpseste se dissout. Les connaissances disparaissent dans les profondeurs des réseaux de neurones. Les sources se fondent dans un présent calculé.

La connaissance passée devient matière première, data compressée et broyée pour générer une réponse éphémère.

 

 

La bibliothèque liquide

Wikipédia forme une encyclopédie stable. On peut consulter l’historique des modifications, discuter des sources, débattre de la neutralité d’un article.

Avec la synthonésie, la connaissance se liquéfie. Elle n’existe pas avant d’être générée. Elle disparaît dès qu’on ferme la fenêtre.

La synthonésie promet une efficacité cognitive sans précédent. Elle expose aussi à un risque d’amnésie collective.

Les conséquences de la mémoire volatile

Les bibliothèques fantômes

Des bâtiments remplis de livres que personne ne vient plus ouvrir. Les rayonnages deviennent décor. La poussière s’accumule sur des savoirs figés pendant que la connaissance émerge d’un réseau de neurones.

Faut-il encore conserver ce qui ne sera jamais relu ?

 

Les chercheurs sans notes

Des historiens interrogent l’IA plutôt que les archives. Ils posent des questions à un oracle algorithmique qui synthétise et recompose.

La réponse est-elle correcte et réelle ou générée ? L’IA dit avoir consulté trois cent mille sources.

Qui aura l’idée et le temps de vérifier ces sources ?

Si les sources originale ont disparu, l’IA remplit les trous avec une plausibilité calculée.

L’Histoire devient-elle un récit recomposé à chacune de nos requêtes ?

 

Les preuves variables

Un tribunal demande à une IA d’analyser un dossier complexe. L’algorithme synthétise des centaines de documents et produit ses conclusions. Un avocat soumet ces mêmes documents à une autre IA. Les nouvelles conclusions sont contradictoires.

Une troisième IA doit-elle trancher ?

 

La fluidité contre la mémoire

En refermant les portes des bibliothèques, la synthonésie inaugure l’ère de la fluidité cognitive.

Le savoir coule comme l’eau : impossible à saisir, impossible à retenir.

Pour en savoir plus :

  1. « Lorsque l’IA invente une décision de justice et que le juriste ne la vérifie pas, ce n’est plus une erreur mais une faute ». Le Monde – Campus.
    • Le chercheur en droit Damien Charlotin recense les affaires où des avocats ont été dupés par les erreurs d’une intelligence artificielle juridique.
  2. « When AI ‘Fictions’ Redirect History: Generative Models, Historiography and Misinformation », Eleni Paipeti.
    • Que devient l’histoire quand elle se recompose à chaque requête ? Cette analyse montre comment les modèles génératifs fabriquent des récits plausibles mais mouvants, avec le risque d’effacer les traces, brouiller les sources et remodeler notre mémoire collective.
  3. « IA générative : le risque de l’atrophie cognitive », Ioan Roxin.
    • Comment l’usage quotidien des IA génératives fragilise notre rapport au savoir et pose la question de l’affaiblissement de nos capacités cognitives.

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