À propos des jeux, en général, Albert Einstein aurait écrit qu’ils représentent “la forme d’investigation la plus avancée”.
Il est vraisemblable qu’il ait écrit ces mots en référence aux échecs, auxquels il s’adonnait très régulièrement jusqu’à s’inquiéter dans plusieurs correspondances qu’il en était peut-être devenu accro.
Pour Einstein, les jeux, dont la forme contemporaine la plus représentée aujourd’hui est probablement les jeux vidéo, confrontent les joueurs à des problèmes. Pour les résoudre, il leur revient de faire le meilleur usage possible de ressources disponibles qu’il s’agit tour à tour de protéger, de mobiliser en vue d’en acquérir d’autres, d’échanger avec d’autres joueurs, etc.
Lorsque les jeux vidéo mettent en scène des futurs possibles, ils deviennent simulations de toute la complexité et des interconnections possibles entre ruptures technologiques, nouvelles valeurs, contexte climatique inédit, tensions géopolitiques impensées, etc.
Les jeux vidéo permettent alors aux joueurs d’explorer les conséquences de leurs décisions dans le cadre d’une véritable expérience de pensée et d’anticiper les réactions de nombreuses parties prenantes en interaction les unes avec les autres. Les jeux vidéo permettent également, compte tenu de la richesse et de la complexité de l’environnement dépeint, aussi bien dans ses dimensions sociales et technologiques qu’également écologiques, économiques et politiques, de créer un espace de discussion et de confrontation entre grilles de lecture et interprétations divergentes des lignes de force qui structurent un monde futur possible.
N’investissez jamais dans une technologie sans l’avoir d’abord vue à l’oeuvre dans un jeu vidéo !
Quentin Ladetto
Le programme European Foresight Platform, soutenu par la Commission européenne, considère les jeux (vidéo) comme un membre de plein droit de l’éventail de méthodes créatives du prospectiviste aux côtés notamment de la Causal layered analysis. La Commission, au travers de son Joint Research Centre, s’est d’ailleurs dotée très tôt d’un programme d’étude et de développement d’un jeu sérieux, le Scenario Exploration System, qui permet de “vivre” plusieurs scénarios de futurs possibles et, ainsi, de mettre à l’épreuve des futurs plusieurs projets d’actions publiques.
La plupart des jeux vidéo mettent en scène des artefacts (voitures, motos, armes, etc.) que le joueur peut sélectionner afin de se mouvoir plus facilement, de pouvoir faire face à de nombreux adversaires, etc. En truffant l’univers décrit dans le jeu vidéo d’objets diégétiques, son concepteur crée les conditions propices à la suspension consentie de l’incrédulité du joueur. Ce dernier peut alors faire l’expérience, dans une sorte de voyage aller-retour dans un futur possible, d’un environnement dans lequel il lui faudra peut-être réellement faire face à l’avenir.
Les jeux vidéo donnent à découvrir de véritables mondes futurs possibles. Mis en système les uns avec les autres, les ruptures technologiques, les nouvelles valeurs, un contexte climatique inédit, des tensions géopolitiques impensées, etc. reproduisent toute la complexité d’un environnement plus vrai que nature.
Le travail de prospective technologique réalisé par exemple dans le jeu “Call of Duty: Advanced Warfare” a permi de mettre en évidence et en contexte toute une série de développements ayant lieu dans le domaine militaire.
Sledgehammer Games a effectué un nombre important de recherches sur les avancées technologiques qui vont ou qui pourraient être utilisées à des fins militaires, on retrouve ainsi un arsenal d’armes diverses passant d’armes pouvant imprimer en trois dimension et de façon continue leur propre munition, des armes à énergie dirigée, des grenades tout-en-un, etc.
Mais la principale innovation apportée au jeu est l’exosquelette (ou EXO) qui donne un aspect vertical au gameplay du jeu. L’EXO permet au joueur de faire des sauts plus haut, d’avoir plus de force, d’amortir les chutes à l’aide d’un jetpack, etc.
À chaque fin de niveau, le joueur débloque des points suivant la réalisation du niveau et ces mêmes points peuvent être utilisés sur un « arbre de compétence » permettant d’améliorer l’ensemble de l’EXO tout au long de la campagne.
L’expérience de jeu avec Call of Duty a également permis de mettre en évidence que les éléments d’information présentés au joueur, bien que pertinents, étaient trop nombreux et distrayant dans le feu de l’action. Ils sont par contre plus appropriés pour un observateur à distance de l’action.
Ces retours et interactions entre joueurs et professionnels sont des éléments exploitables et analysables car ils représentent des “retours d’expériences” sur des produits qui n’existent que momentanément et, de surcroît, dans un univers virtuel.