Q034 | Outlook : Dis-moi à quoi ressemble ton calendrier, je te dirai comment tu utilises le(s) futur(s) !

25 mars 2020
3 mins de lecture

Comment repérer voire même évaluer les impacts d’une démarche de prospective sur l’individu, le collectif et l’organisation ? Voilà une question que l’on ne manquera pas de vous poser. Plutôt que de chercher à dresser une liste exhaustive des réponses que vous pourriez y apporter, nous vous proposons ici un test très simple : le test Outlook. L’idée de ce test m’a (Thomas) été soufflée par Rafael Ramirez lors de mon séjour à l’Université d’Oxford durant l’été 2017.

Le test Outlook se présente sous la forme d’un auto-diagnostic qui permet à chaque personne ayant été impliquée de près ou de loin dans une démarche de prospective de mieux comprendre comment, quand et en quoi ses actions et ses décisions sont impactées par les futurs possibles qu’il lui a été donné d’explorer.

Aujourd’hui, l’immense majorité des acteurs au sein d’une organisation planifient leurs activités au moyen de deux services essentiels, la messagerie et le calendrier, tels que ceux proposés par Microsoft Outlook.

Au-delà de simplement refléter les interactions et le planning quotidiens d’un individu, Outlook peut être vu comme un outil managérial fondamental. Utilisé chaque jour, il est devenu essentiel pour interagir avec, influencer, voire diriger ses collègues, ses fournisseurs, ses clients, etc. Outlook est ainsi devenu le vecteur privilégié pour formaliser puis transmettre une requête (sous la forme d’un email) et préparer une action coordonnée (en proposant à un collectif de se réunir en vue de concevoir l’action en question). Là où une télécommande permet au téléspectateur de zapper d’une chaîne à l’autre et de construire le programme qu’il regarde, Outlook permet au décideur de façonner la réalité autour de lui, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de son organisation.

Dès lors, si l’on admet que la prospective vise, selon la formule de Michel Godet, à “éclairer les actions présentes” (“à la lumière des futurs possibles et souhaitables”), alors on doit s’attendre à ce qu’elle ait, concrètement, un impact sur l’utilisation que fera un décideur de sa messagerie et de son calendrier.

Surpris par un futur possible qu’il n’avait jusque-là jamais envisagé, un dirigeant pourrait souhaiter s’entretenir rapidement avec un expert qui n’appartenait pas jusque-là à son premier cercle. Il fixera alors avec celui-ci un rendez-vous dans son calendrier. Par exemple, le dirigeant d’une entreprise du numérique pourrait avoir découvert, à l’occasion d’un exercice de prospective, l’ampleur des tensions géopolitiques et économiques possibles autour de l’approvisionnement en métaux rares – des ingrédients essentiels que l’on retrouve dans la totalité des appareils numériques (smartphones, tablettes, montres connectées, etc.) – et les impacts que celles-ci pourraient avoir sur la continuité de ses affaires.

A contrario, l’exercice de prospective peut aider le décideur à reconnaître qu’il a prévu de consacrer dans les semaines, voire les mois à venir, l’essentiel de son temps de réunion à des sujets solidement ancrés dans le récit officiel du futur, cet horizon que d’aucun considère comme étant le plus probable. Par exemple, le responsable d’un cabinet d’architectes-urbanistes pourrait reconnaître que la majorité de ses interlocuteurs ne lui permettent d’approfondir ses savoirs et ses savoir-faire que dans un contexte à venir où toutes les villes seraient devenues “intelligentes”, bardées de capteurs et productrices de quantités phénoménales de données. En concentrant toute son attention et toutes ses attentes sur ce futur désormais officiel, puisque largement attendu par les acteurs publics et économiques des pays développés (et des puissances émergentes), le dirigeant prend le risque de ne pas imaginer d’autres futurs, alternatifs, à l’instar d’une descente technologique qui verrait au contraire les villes construire leur résilience autour d’infrastructures basses technologies et de modèles de gouvernances distribuées.

En bref, nos usages des services de messagerie et de calendrier disent beaucoup de notre rapport au(x) futur(s). Ils enregistrent, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, qui de notre obstination à ne se préoccuper que du récit officiel du futur, qui au contraire de notre aptitude à explorer inexorablement de nouveaux futurs possibles, qui enfin de notre intention et de notre capacité à agir sur le rapport au(x) futur(s) des autres.

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