C’est un immense plaisir que d’accueillir cette première contribution de Christian Royer en direct du Québec ! La prospective francophone traverse non seulement les frontières, mais également l’Atlantique !
Dans ce nouveau paysage de changement accéléré et exponentiel, d’incertitude et de complexité, quoi de plus à propos que de profiter de l’ouverture d’esprit ainsi provoquée pour que chaque organisation développe sa nouvelle théorie des affaires bien imprégnée de ses aspirations, ses valeurs et les nouvelles possibilités qui lui sont accessibles grâce à la pensée prospective.
Pourquoi une théorie des affaires
La théorie des affaires est une sorte de théorie unifiée ou unifiante de l’organisation, c’est la théorie de l’être d’où découle ses actions.
Dans la théorie des affaires traditionnelle, le changement, l’amélioration continue ou pas et l’innovation sont possibles, on adopte de nouvelles méthodes, de meilleures pratiques, de nouveaux outils et technologies.
On peut changer beaucoup en avant-plan et même ce qui se trouve au milieu mais quand on arrive à changer ce qui est en arrière-plan, les hypothèses, modèles mentaux, la philosophie ou en d’autres mots, cette main invisible qui semble nous diriger, on se libère de contraintes impératives importantes, on peut ainsi, je crois, véritablement libérer le potentiel humain et celui de l’organisation.
Pourquoi changer
Généralement, quand on pense au futur, on se pose naturellement des questions sur la pertinence et la continuité de nos activités commerciales par la modification de ses activités ou sa structure (le numérique). Serons-nous en mesure de continuer à faire ce que nous faisons en faisant les changements ou adaptations nécessaires ou seront nous appeler à disparaitre.
Que ce soit dans l’organisation où nous travaillons ou des organisations avec lesquelles nous travaillons, on constate souvent la résistance au changement ou sa lenteur à adopter de nouvelles pratiques, de nouvelles solutions ou technologie ; on se repose sur le connu, à faire davantage ce qui nous réussit sans vraiment explorer de nouveaux sentiers sauf lorsque la réalité nous obligent, la force des choses nous fait alors changer.
Mais nous savons que le futur nous appelle à des transformations plus importantes que ce que nous faisons, il nous demande de questionner et réinventer qui nous sommes, nos structures et nos façons de faire et je crois que la pensée prospective est la seule voie possible afin de faire découvrir à une organisation l’importance de l’ouverture, l’acceptation de l’incertitude, la réception du nouveau, du différent, du radical, l’inclusion, la co-création, etc, non pas comme une mode qui passe mais comme un mode qui reste.
Chacun de nous pouvons témoigner à quel point la mentalité est déterminante dans l’avancement et la croissance d’une organisation. Trop souvent des méthodes, pratiques et solutions ne sont pas adoptées et adaptées parce que la mentalité sous-jacente n’est pas propice à ce genre de changement ou évolution.
Afin d’avancer dans le sujet du billet, je vous propose de revoir ce qu’est la théorie des affaires, ses parties et comment la prospective peut nous aider à développer une nouvelles théorie des affaires.
Définir la théorie des affaires
Déjà on peut détecter par notre expérience en travaillant dans une organisation et aussi à titre de client d’autres, que la théorie des affaires prédominantes protège les façons de faire, les avancés et marchés acquis à tout prix.
La structure est hiérarchique et inflexible, elle parait forte mais en fait elle est fragile, elle s’impose plutôt que de s’adapter et le changement en est un de dernier ressort.
Cette définition n’est pas exhaustive mais plutôt indicative. Je compte sur vous pour la compléter afin qu’elle décrive bien le paradigme qui la caractérise et à partir duquel vous définissez votre propre expérience de ce paradigme.
Les parties de la théorie des affaires
Peter Drucker dans The Theory of the Business, (HBR 1994) soulève qu’une théorie des affaires comporte 3 parties.
1. Les hypothèses sur l’environnement de l’organisation
La société et sa structure, le marché, le client et la technologie. Ces hypothèses définissent ce pour quoi une organisation est payée.
2. Les hypothèses sur la mission spécifique de l’organisation
Ces hypothèses définissent ce qu’une organisation considère comme des résultats significatifs; en d’autres termes, ils indiquent comment il envisage de faire une différence dans l’économie et dans la société en général.
3. Les hypothèses sur les compétences de base nécessaires pour accomplir la mission de l’organisation.
Ces hypothèses sur les compétences de base définissent où une organisation doit exceller afin de maintenir son leadership.
Peut-on en ajouter une quatrième ?
À ces trois hypothèses, je suggère des hypothèses ontologiques de l’organisation
Ces hypothèses définissent la manière d’être d’une organisation, sa philosophie, ses valeurs, ses perceptions ou modèles mentaux.
Comment lier tout ça à l’approche prospective ?
Pendant plusieurs années, j’ai travaillé avec l’approche connue des 3 horizons de Mc Kinsey et ne m’aventurais pas dans l’horizon du futur par ignorance et parce que je faisais cette même erreur de l’intellect, celle de considérer le futur un peu loin, difficile à définir et bref moins pertinent.
Lorsque j’ai étudié la pensée anticipative avec “Institute For The Future” j’ai découvert non seulement un outil puissant mais essentiel, un outil d’exploration systématique de ce qui est possible et aussi un outil d’expression qui permet d’aller là où nos originalités autrement réprimées sont les bienvenues. Bref, c’est une méthode, un outil d’ouverture d’esprit et surtout d’exploration par l’utilisation de l’imagination, cet attribut propre à nous les humains.
L’approche prospective est la méthode et outils privilégiés à utiliser afin de répondre à toutes nos questions sur le futur et en particulier je crois, afin d’articuler une nouvelle théorie des affaires qui soit innovante, libéralisante et antifragile. Nous n’avons plus à suivre, nous prenons les devants.
En effet, en tenant compte des tendances et signaux forts et faibles, des moteurs de changements on peut dégager des scénarios afin de sélectionner la théorie préférée de nos affaires, nous pouvons répondre aux questions soulevées par nos quatre (4) hypothèses:
- Quel est l’environnement projeté de l’organisation ?
- Quelle est sa mission spécifique ?
- Quelles sont les compétences requises ? *
- Que devons-nous être/devenir comme organisation ? **
Il faut se libérer du passé et de sa théorie des affaires et aller de l’avant avec un nouvelle théorie
Les avantages d’une nouvelle théorie des affaires
En articulant et adoptant une nouvelle théorie des affaires, une organisation se donne le droit et le privilège de :
- Adopter une théorie qui lui est propre (proprietary) plus congruente et holistique.
- Passer du mode réactif au mode proactif, sortir du status quo avec un profond sentiment de pertinence et direction.
- Acquérir de meilleures informations afin de mieux définir son nouveau modèle d’affaires.
- Augmenter sa pertinence auprès de son marché.
- Comprendre et activer l’inclusion, la mobilité sociale, la diversité, la coopération, la co-création.
- Libérer son plein potentiel de même que les ressources de ses “humains (généralement appelé ressources humaines).
- Passer d’un régime d’exception à un régime d’inclusion.
- Dégager ses aspirations sociales, environnementales, politiques, économiques.
- Et bien plus que je vous invite à trouver!
Je crois que si les organisations profitent bien de cette ouverture qu’offrent les perturbations actuelles et l’opportunité de s’engager dans la pensée prospective, nous arriveront à influencer et faire évoluer sinon transformer, à petits pas et victoires d’abord, la pensée économique traditionnelle qui nous irrite et accable de plus en plus.
À votre succès.
* Au sujet des compétences, nous avons développer au cours des années une approche introspective qui permet aux organisations de voir entre autre choses des compétences, habilités et innovations qu’elle ne voit pas ou plus.
** En se référant à la notion “du travail à faire” de Clayton Christensen, nous nous demandons qui devons-nous être comme organisation afin de (1) gagner le droit de faire le travail pour notre client et (2) de le faire avec grande pertinence et cohérence.