Les idées naissent on ne sait où, ni exactement comment ou quand. Dire que tout était réfléchi depuis le début serait largement réinterpréter ce qui s’est produit. C’est grâce à un choix de travail “en communauté” – et la possibilité de pouvoir le faire – que discuter les différents projets d’un dispositif de prospective les uns avec les autres, ouvre de nouveaux horizons. Et c’est sûrement parce que rien n’incite à le faire que des idées surgissent!
On pourrait appeler cela “Le livre, le cahier et l’animation” en analogie à un célèbre western germano-hispano-italien et je suis prêt à parier qu’une petite musique vous trotte dans la tête, à moins que vous ne la sifflotiez déjà.
Le livre
Dans l’environnement militaire, il y a eu l’avant et après Red-Team – fondée en 2019 – en matière de récits de science-fiction dans l’anticipation de défense. (La hasard a voulu que, la même année, au mois d’octobre, soutenu par le dispositif de prospective deftech, sortait en toute discrétion et avec un camouflage médiatique des plus impressionnant “Swiss Wars”, dans le cadre du Prix de l’Ailleurs 2019.)
Aussi, devant l’engouement suscité par l’initiative de l’AID, nous avons lancé un projet rédactionnel mené avec Frédéric Jaccaud. Le projet devait présenter des situations sur territoire helvétique.
Plutôt qu’une description de technologies de rupture utilisées de manière spectaculaire, l’intention est ici de voir comment des situations de la vie quotidienne pourraient se trouver bouleversées par des usages technologiques.
Considérant l’environnement de travail, les récits doivent intégrer d’une façon ou d’une autre des éléments sécuritaires. Carte blanche a été donnée aux auteurs, libres de choisir les situations de la narration. Chaque récit est illustré d’images, introduit par un contexte, facilitant le glissement du lecteur vers ces univers parallèles et terminé par des questions afin de stimuler une discussion.
Illustrations et mise en page par Maxime Schertenleib
Interview dans l’émission SUPER FLUX de Couleur3 du 19 janvier 2024
Une fois la maquette de 181 pages terminée, et après un : “wow, quand même !”, nous nous sommes dits que c’était un document trop volumineux pour être utilisable en ateliers. En échangeant avec les Propulseurs l’idée de cahiers individuels par récit est apparue. “Le jeune homme et son IA”, l’une des nouvelles du livre, à servi de pilote. Et plus qu’un simple cahier, c’est un “set” intégrant une animation graphique (motion design) de l’histoire, qui a vu le jour.
Le cahier
La logique aurait voulu que nous fassions pour chaque cahier un extrait du livre avec sa couverture. Mais cela ne s’est pas exactement passé comme cela. Trop facile, peut-être,
Ce qu’il faut rappeler ici est que dans le contexte du dispositif d’anticipation, le but recherché n’est pas d’obtenir un prix littéraire. Mais plutôt d’interroger les parties prenantes quant à leur état de préparation par rapport au scénario proposé.
Sous l’impulsion d’Anne-Caroline Paucot, nous avons opté pour une mise en forme simple. Le texte de l’histoire originale en page droite, et des questions spécifiques aux différents passages du texte, en vis-à-vis, à gauche.
Pendant ce temps, le graphisme a été repris par Sophie Brakha. Ce qui donna un résultat très différent de l’original. Plus abstraites et moins descriptives, les illustrations adoptent un style en rupture avec celui de la version originale. Ce parti pris graphique transforme la perception générale du récit. Par exemple sur la rudesse du milieu perçu, sur le ressenti des protagonistes, etc.
Et là, en découvrant les 82 pages de cette version revisitée , un nouveau “wow !”.
Nous avions ainsi produit deux documents très différents. Chacun d’eux permettant d’inspirer débats et ateliers à leur façon.
Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que “Le jeune homme et son IA” a une fin ouverte.
Si cela est totalement dans l’esprit du projet et facilite la transition vers des activités prospectives, on s’est rendu compte que ce choix s’est imposé de lui-même. Car en cours de projet, nous avons réalisé que chacun d’entre nous avait interprété différemment la fin du récit ! Nos affinités personnelles avec l’environnement militaire, technologique, ou celui de la montagne sont-elles à l’origine de nos différentes façons d’interpréter un même récit ?
Nous tenions un filon intéressant annonciateur d’échanges passionnés !
Mais cette sensation ou cette diversité de perception est-elle la même si l’on donne vie au récit, et donc par là-même définissons pour le lecteur les aspects visuels des différents éléments ? C’est là que commence l’aventure du motion design !
L’animation
Une nouvelle aventure allait s’écrire avec Anatole Persuy et l’équipe du Studio MiaMiam ! Le processus de déconstruction de l’histoire et conception de l’animation est décrite en détail dans un autre billet.
Nous avons dû faire des choix, parfois drastiques, pour adapter le récit aux contraintes de durée du format. Et répondre aussi à des questions nouvelles. Que faut-il pour avoir un impact auprès du spectateur ? Comment le plonger rapidement dans l’histoire ? Comment ne pas le lasser ? Tout cela en respectant le budget alloué !
Le récit de départ est là. Pourtant, tout l’ environnement graphique est à imaginer. C’est un drôle d’exercice à faire. Rédiger un script qui tient en 300 mots, à partir d’un texte initial de plus de 7000 mots ! Un sacré défi au cours duquel on découvre l’étendue des possibles… D’autant plus avec une fin ouverte ! Nous avons donc dû faire preuve de créativité.
D’itérations en itérations, de détail en détail, nous sommes arrivés à un fjlm de deux minutes et 54 secondes que vous trouvez ici :
Comme vous avez pu le remarquer, le graphisme de l’animation est le même que celui du cahier.
Chronologiquement, si l’un fut réalisé avant l’autre a, nous avons attendu que toutes les planches de la vidéo soient terminées pour les réutiliser dans la mise en page du cahier.
Par l’effort consenti, une mise en valeur maximisée nous a semblé couler de source.
Conclusion
En partant d’une histoire initiale, nous avons finalement créé trois produits. Chacun avec sa spécificité et son usage:
- Pour la version livre, le centre de gravité est la technologie dans le récit. Celui-ci met en situation concrète et fait un zoom dans le détail de ce qui pourrait être un cas d’usage de la technologie.
- Dans le cahier, ce sont les questions que l’usage de la technologie suscite qui représentent l’élément principal. Le récit est là comme support de réflexion.
- L’émotion est au cœur de l’animation et permet de sensibiliser le spectateur aux différentes interprétations possibles.
Pour l’anecdote, l’animation constituait initialement pour nous la finalité du projet. Mais après sa première projection, l’idée de l’utiliser comme point de départ pour d’autres réflexions est devenu une évidence pour tous.
Cela prouve, une fois de plus, que le plus intéressant de l’aventure est le chemin, avant la destination.
Pour la petite histoire, nous avions présenté l’organisation du site dans le billet Q124. Si certaines personnes ont changé, la philosophie de relecture est restée la même. Si je le mentionne, c’est que je tiens ici à remercier Luc pour ses remarques et simplifications du texte initial. Pour ceux qui connaissent Google Docs, voici ce qui m’est apparu après son passage 😀 !
Merci sincèrement pour l’amélioration de la fluidité de la lecture. Je me suis cependant demandé un instant si le titre ne s’appliquerait pas également à ce billet 😀 !
