Après avoir zoomé sur les compétences nécessaires à l’anticipation et leurs articulations, arrêtons-nous un instant sur les équipes d’anticipation, incarnées par des cellules ou services et leur position dans l’organisation.
Jusqu’à présent, nous avons repoussé l’échéance… Nous avons explicité l’activité d’anticipation en faisant des détours par les ambitions des organisations, par la démarche d’anticipation, les modèles mentaux de l’anticipation (les prismes) et les compétences nécessaires à cette activité. Notre intention était jusqu’à présent de souligner les sujets moins visibles qui entourent l’anticipation. Cherchons désormais à clarifier le “qui ?” : qui anticipe, qui commandite, et pour qui ?
Notre grille d’analyse : cibles et rattachement organisationnel
Avant de présenter brièvement les cellules, voici comment nous avons procédé pour les identifier. Nous avons combiné les cibles principales des types de cellule identifiées pendant les interviews et leur rattachement hiérarchique. Cela nous a permis, entre autres, de dépasser le clivage public/privé dans notre analyse.
Ensuite, nous avons identifié quatre types de cellules. Nous avons choisi de les nommer par leur rattachement organisationnel après avoir écarté des appellations qui pourraient porter à confusion quant à leur rôle (éminence grise, hackeur interne, etc.). Voici les quatre types de cellules :
- Rattachée à la direction générale ou la stratégie : au service de la direction générale et des actionnaires
- Rattachée à une direction transverse : au service du “produit/service” (R&D, marketing, innovation) ou des processus (RH, RSE ou Communication)
- Décentralisée (logique de réseau/communauté) : souvent mobilisable en fonction des besoins
- Indépendante, mais financée par la structure : apporte, grâce à sa liberté, un regard externe enrichissant
À la question “quel est le type de cellule idéale ?” nous sommes tentés de répondre : cela dépend de vos enjeux. Ce choix organisationnel enrichit certaines dynamiques mais implique des renoncements ou augmente certaines difficultés.
Par exemple, si la cellule est rattachée à la direction générale ou au service stratégie, il faut s’attendre à devoir renforcer la transversalité. A l’inverse, si la cellule est indépendante de l’organisation, il est probable que les messages qu’elle porte soient plus facilement ignorés par la direction générale. Il faudra donc renforcer son influence et sa communication interne.
Ainsi, le tableau ci-dessous résume les cibles, avantages et inconvénients de chaque type de cellule.
Position dans l’organisation | Rattachée à la direction générale (D.G.) ou la stratégie | Rattachée à une direction transverse | Décentralisée (Logique de réseau/communauté) | Indépendante, mais financée par la structure | |
Rattachée à l’innovation, R&D ou marketing | Rattachée à la RH, RSE ou Communication | ||||
Cibles principales | Interne : directions et managers Externe : actionnaires | Interne : direction générale, direction concernée Externe : clients/usagers et partenaires | Interne : direction générale, managers et collaborateurs Externe : partenaires et futurs collaborateurs | Interne : forces vives intéressées par les sujets traités et direction générale Externe : partenaires | Directions, collaborateurs, partenaires, communautés d’intérêts, clients/usagers |
Avantages | Prise directe avec les instances de décisions stratégiques | Inclination plus forte à créer des interactions entre différents acteurs | Mobilisation plus rapide des personnes concernées et diffusion plus fine des contenus produits Porosité plus grande avec l’extérieur | Plus grande capacité à penser contre les intérêts de l’organisation ou à défricher des sujets non traités en interne Possibilité d’activer un double discours entre les décisions du présent et les préoccupations du futur | |
Proximité plus fortes avec les attentes des clients et des usagers | Sensibilité plus forte aux enjeux organisationnels et de transformation interne | ||||
Inconvénients | Risque d’éloignement des spécificités opérationnelles | Dépendance aux autres entités pour avancer | Possible distance avec les instances de décision stratégique (risque d’être plus “consultatif” que “prescriptif”) | Difficulté de faire infuser et mettre en mouvement l’organisation | |
Possible désintérêt de la dimension organisationnelle | Risque d’éloignement des attentes des clients et des usagers |
Une proximité avec la direction générale facilitante pour maximiser l’impact
Les recherches académiques confirment et s’accordent sur ce qui paraît, à première vue, logique : plus la cellule prospective est proche de la direction générale, plus l’influence de la cellule est forte sur la marche de l’organisation (Rohrbeck, R., & Gemünden, H. G. (2011) ; Daheim, C., & Uerz, G. (2008)).
Et plus l’alignement avec la direction est facilité pour les prises de décisions et les investissements.
Néanmoins, privilégier cette seule option serait limitant pour les apports de l’anticipation dans une organisation.
En effet, notre précédent article sur les effets de l’anticipation souligne les aspects organisationnels trop souvent ignorés, comme la circulation de l’information, la fabrique d’un consensus et l’innovation organisationnelle.
La transversalité pour concrétiser les directions stratégiques
Allant dans le même sens que les travaux sur l’apprentissage organisationnel et la prospective de Philippe Bootz et les travaux de recherche sur les cellules en réseau, notre étude souligne l’importance de la transversalité auprès des personnes interrogées.
Plus la cellule prospective est capable de franchir les silos naturels de l’organisation (R&D, production, marketing, RH, etc.) plus les axes présentés sont ré-appropriés.
Ils renforcent ainsi l’organisation, la rendant plus pérenne.
Ce bénéfice de pérennité joue aussi en faveur de la cellule elle-même, participant à son ancrage dans l’organisation par les échanges avec de nombreuses parties prenantes.
Dans les organisations qui l’encouragent, la porosité avec l’externe ajoute des bénéfices complémentaires du même ordre.
Ainsi, la gouvernance interne de l’anticipation joue un rôle essentiel dans l’efficacité et la pérennité de celle-ci. Et si la transversalité, en tant que premier principe d’action, devenait une obsession pour les cellules d’anticipation ?
En synthèse
La problématique
Dans quelle mesure le rattachement de la cellule d’anticipation joue sur l’efficacité de celle-ci ?
Les pistes de réponse
L’adaptation aux enjeux de l’organisation prime sur un supposé “rattachement idéal” à la direction générale.
Nous identifions quatre types de cellules, en fonction de leur rattachement:
- Rattachée à la Direction Générale ou la stratégie
- Rattachée à une direction transverse : au service du “produit/service” (R&D, marketing, innovation) ou des processus (RH, RSE ou Communication)
- Décentralisée (Logique de réseau/communauté)
- Indépendante
Les directions d’action
Bien que plus efficace pour l’organisation dans la remontée d’information et la mise en action, le rattachement à la direction générale est pertinent mais n’est pas la panacée.
En revanche, la transversalité devrait être une obsession d’une cellule d’anticipation : ce principe d’action renforce l’organisation dans la durée en la rendant plus apprenante et pérennise ainsi l’activité d’anticipation.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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