Suite à la deuxième étude qu’ils ont menée dans une démarche d’open-prospective, les membres du collectif Le Coup d’Après prennent le temps de faire le bilan de cette approche, en essayant d’en identifier les intérêts et les limites.
Au sein du collectif de prospective créative et design fiction Le Coup d’Après, nous avions bien sûr en tête cet adage. Nous avons plutôt tendance à y souscrire, mais se vérifie-t-il vraiment ? Et si oui, à quelles conditions ?
Cet article est l’occasion de revenir sur notre démarche d’open-prospective, que nous mettons en œuvre dans le cadre de nos Cahiers Prospectifs. Par “open-prospective”, nous entendons une approche ouverte à tous les contributeurs (après sélection), transparente et documentée d’un point de vue méthodologique (accès complet aux sources), en mode laboratoire pour de nouvelles pratiques et dont le résultat est en licence libre et réutilisable (Creative Commons).
Forts d’un premier opus croisant vieillissement de la population et orientations politico-sociétales (“Dans quelle société allons-nous vieillir ?” [PDF]), nous avons de nouveau souhaité intégrer des personnes hors-collectif à notre comité de rédaction, s’agissant de notre deuxième et toute dernière production intitulée “Qui nous nourrira demain ?” [PDF].
Cette démarche aura duré près de deux ans et mobilisé dix contributeurs volontaires. Cette liberté temporelle nous est possible dans la mesure où il s’agit d’une étude “sans client”, et donc sans date de livraison attendue. Pour autant, quel est l’intérêt de s’inscrire dans une telle méthodologie de projet ouverte ? Et est-ce pertinent d’étirer un projet sur autant de temps ?
Constituer une équipe de personnes motivées, aux profils diversifiés.
Revenons à la génèse : constituer notre équipe autour d’un sujet donné, dont le cadrage n’est pas tout à fait défini.
À partir du souhait de départ de travailler sur l’agriculture, nous avons sollicité notre réseau, fait des appels à candidature sur les réseaux sociaux (LinkedIn notamment) pour que nous rejoignent une dizaine de personnes environ.
Nos critères de sélection :
- des profils diversifiés et une appétence pour le sujet
- l’envie de s’inscrire dans une démarche collective
- une capacité à se dégager du temps synchrone comme asynchrone
Des profils diversifiés
De cette diversité naît la richesse de nos échanges, pour aboutir à un contenu plus poussé que si nous l’avions fait seuls. Nous cherchons notamment une bonne complémentarité entre des profils experts du sujet (agronomes, agriculteurs…), des profils non-experts mais détenteurs d’une approche spécifique en sciences humaines (géographes, anthropologues…), et enfin des profils créatifs au sens large (designers, photographes…). S’y connaître en prospective et design fiction n’est absolument pas un prérequis, dans la mesure où ce sont les personnes du collectif qui proposent les méthodologies.
L’envie de jouer collectif
Pas de posture haute dans notre groupe de travail ! Nous accueillons les analyses et idées de chacun et chacune, et nous répartissons l’effort de manière équilibrée, même si les membres actifs du collectif y passent globalement plus de temps. In fine, l’objectif recherché est de proposer une analyse et un contenu de qualité en bénéficiant d’une montée en compétences collective.
Une capacité à contribuer activement
La démarche est bénévole, ce qui la conduit fréquemment à être dépriorisée face aux projets professionnels courants. Nous ajoutons donc une difficulté de taille : compter sur le “temps libre” de chacun et chacune. Concrètement, beaucoup de nos contributeurs ont accepté de poser quelques jours de congés, de travailler le soir ou le week-end, pour participer activement à la démarche. Nous annonçons de notre côté la couleur dès le démarrage : ce projet prend à chacun environ une dizaine de jours sur une période de 18 mois.
Nous annonçons de notre côté la couleur dès le démarrage : ce projet prend à chacun environ une dizaine de jours sur une période de 18 mois.
Fédérer pour expérimenter et produire de la connaissance ensemble
Une fois notre équipe constituée, place aux différentes étapes d’une démarche prospective. Nous nous reposons sur des éléments méthodologiques robustes, mais nous avons aussi à cœur d’utiliser cet espace-temps des Cahiers Prospectifs pour tester et expérimenter. Ainsi, l’approche en open-prospective relève aussi du laboratoire d’innovation.
Pour illustrer, nous pouvons mentionner l’atelier préjugés qui a représenté l’entame de cette démarche. Avec nos sensibilités, nos histoires personnelles et nos approches différentes, nous cherchions à vérifier quels étaient nos biais de perception sur le sujet de l’agriculture, pour mieux s’en prémunir ensuite.
Lors de l’atelier préjugés, nous avons partagé des clichés et des jugements à l’emporte-pièces : les nôtres et ceux que nous pensions que d’autres personnes pouvaient avoir.
L’objectif était de poser une cartographie de nos perceptions, pour ensuite revenir à une phase plus analytique, et valider ou invalider les présupposés que nous avions fait émerger.
Cette phase, au démarrage de la démarche, nous a permis de mieux nous connaître. Elle a également permis au collectif d’ajuster ce format “Atelier préjugés” pour pouvoir le réutiliser en situation de mission-client.
Bénéfices et limites de notre démarche d’open-prospective
Au final, quels bénéfices à une démarche d’open-prospective ?
- un lieu de crash-test pour certaines approches méthodologiques ou créatives, qui permet d’expérimenter sans pour autant mettre en risque une mission client.
- une pluralité de points de vue qui vient enrichir la réflexion et l’analyse, ce qui est plus difficilement atteignable que lorsque l’on reste dans son “entre-soi” professionnel.
- un réseau densifié : nous tissons des liens solides et qui s’inscrivent dans le temps avec les contributeurs des Cahiers Prospectifs. Les sollicitations réciproques ne sont pas rares, et d’autant plus faciles que chacun.e aura appris à bien se connaître dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet exigeant.
- des relais en termes de communication et diffusion. Outre le partage de nos travaux par le collectif lui-même, chaque contributeur partage aussi cette expérience (sur le fond et la forme) avec son propre réseau. L’effet est ainsi démultiplié.
Et quelles limites et points de vigilance ?
- Un nombre de contributeurs et contributrices élevé complexifie l’organisation. De notre point de vue, à une douzaine de personnes, nous étions certainement trop nombreux.
- Accorder les agendas relève du parcours du combattant, et cet obstacle peut jouer négativement sur la dynamique de groupe. Concrètement, plusieurs personnes impliquées au départ se sont progressivement désengagées. Un noyau de 6 à 7 personnes nous semble aujourd’hui être un bon intermédiaire, pour favoriser à la fois la diversité des profils, mais rester aussi efficace dans l’organisation.
- Le facteur temporel : notre démarche s’est trop étirée en longueur, du fait des difficultés à trouver des temps de travail communs et à se synchroniser. La conséquence immédiate est l’effilochage de la dynamique de groupe et de la motivation (individuelle comme collective) sur un temps aussi long. À refaire, nous tenterions probablement de travailler sur des créneaux plus longs et plus condensés, par exemple en bloquant une semaine complète pour faire des avancées significatives de manière ramassée, à la manière d’un design sprint.
- Enfin, nous nous accordons à dire que l’on sous-estime toujours les temps de production. Nous pourrions par exemple feuilletonner les productions, définir des formats de productions plus courts et contraints, publiables au fil de l’eau.
Et si l’on devait recommencer ?
Nouveau sujet, nouvelle équipe !
En ayant ainsi fait notre auto-critique, nous savons désormais quels écueils éviter.
Pour notre prochaine thématique (non définie à ce jour), si vous êtes prêt.e.s à faire des sprints de design prospectif, à participer à une belle aventure collective, et à réfléchir à un sujet sociétal, contactez-nous !
Et vous, qu’en pensez-vous ?
N’hésitez pas à :
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3. rédiger un billet ?