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#2 Dominique Bourg | Refonder la démocratie

30 mars 2022
19 mins de lecture

Dominique Bourg est philosophe, professeur honoraire à l’Université de Lausanne.

Spécialiste des questions environnementales, il a publié de nombreux ouvrages sur le sujet.

Engagé, il s’est présenté aux élections européennes de 2019 en France à la tête de la liste urgence écologie.

Pour lui, le 24 février 2022 nous a fait entrer dans un monde d’après ; bien différent des aspirations voire des fantasmes nés de la première vague de Covid. Souvenez-vous, c’était en 2020.

Préserver la démocratie, engager sans plus tarder une véritable mutation anthropologique à l’échelle globale ; dans l’échange que vous allez découvrir, Dominique Bourg esquisse des pistes et milite pour un optimisme lucide à la hauteur de celui qui fût le moteur du Conseil National de la Résistance.

Entretien enregistré en mars 2022

Entretien enregistré en mars 2022

Transcript de l’entretien

(Réalisé automatiquement par Ausha, adapté et amélioré avec amour par un humain)

Thomas Gauthier

Bonjour Dominique.

Dominique Bourg

Bonjour Thomas.

Thomas Gauthier

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Remarquable. Alors ça y est, tu es face à l’oracle.

Et tu sais qu’aux questions sur l’avenir que tu vas lui poser, elle va te répondre, et elle va te répondre à tous les coups juste. Par quelles questions est-ce que tu souhaiterais commencer ton entretien avec cet oracle ?

Dominique Bourg

La première question que je lui poserai à cet oracle, c’est de m’indiquer quel sera le devenir et quelles seront les conséquences de la guerre en cours. Ce serait la première question.

La deuxième… On sort un peu d’une actualité plus immédiate, mais probablement qu’il y a un lien entre les deux, c’est quelles seront les conséquences de cette guerre en matière de lutte contre le changement climatique ?

Et la troisième question, c’est presque la même, parce qu’en fait, parler du changement climatique tout seul, ça n’a pas de sens, c’est un des versants des défis qui nous sont posés aujourd’hui. Le climat, ce sont les moyens et la faim, c’est le divan.

Alors, qu’en sera-t-il ? de l’évolution de la vie sur Terre en fonction du déroulé et des conséquences de cette guerre ? Ça, c’est les trois questions que je poserais. Et effectivement, c’est tout.

Elle me répond juste, Thomas, c’est extraordinaire.

Thomas Gauthier

Merci déjà, Dominique. Tu nous invites d’abord à un questionnement sur le court terme, dans la situation d’urgence et d’angoisse que l’on connaît et que certains, évidemment, vivent en direct.

Imaginons maintenant, et peut-être que cette articulation sera un peu déstabilisante, que l’oracle, ce soit toi. Donc, tu viens de poser trois questions.

En supposant que l’avenir prenne une tournure favorable, comment répondrais-tu à la première question que tu viens de poser à l’oracle ?

Dominique Bourg

Je n’ai pas envie de dire n’importe quoi. Donc, si tu veux, c’est très difficile.

Mais si j’ai posé les trois questions, évidemment, j’avais une idée en tête. c’est que suivant la réponse qui va être donnée à la première, la réponse donnée à la seconde et à la troisième sera complètement différente. En fait, en un mot, qu’est-ce qui se passe avec cette guerre ?

En fait, c’est l’impensable, même si on avait beaucoup de raisons de penser que ça pouvait être possible, on ne pouvait pas croire que quelqu’un, un type tout seul, un dictateur, un tyran, puisse décider carrément une forme de génocide aujourd’hui. C’est-à-dire qu’on détruit toutes les infrastructures, on fait crever les gens dans les sièges, on les tue, on les affame, on les déporte.

Et donc ça, que ce soit possible à moins de 1000 km ou en grosso modo à 1000 km d’ici, c’était quelque chose qui n’était pas envisageable. Et le fait que ce soit… non seulement envisagée mais réelle, ça change complètement l’ordre du monde.

Et maintenant je fais le lien avec la deuxième question. Bien évidemment, quelle que soit la réponse qui sera apportée par l’histoire à la première question, de toute façon elle fragilise énormément celle apportée à la deuxième.

Parce que si avec la Russie, ce serait déjà une chose, mais on voit bien que la Chine… est exactement sur la même longueur d’onde, et que la volonté des deux dictateurs est la même, c’est-à-dire d’imposer un ordre du monde sauvage, fait d’empires, écrasant tout à l’intérieur, écrasant leurs voisins à l’extérieur. Il est clair qu’avec ce genre de logique, la réponse au climat et à la réponse aux vivants, le pronostic n’est pas très favorable.

Alors maintenant, on peut imaginer une issue de la guerre qui contraigne, alors qui fasse s’effondrer la Russie, parce que de toute façon, c’est un pays qui depuis un siècle connaît comme sport national l’écrasement des autres. Il faudrait carrément un démembrement de ce pays pour qu’on puisse avoir la paix.

Il faudrait le ramener au grand duché de Moscou, avec des nationalités qui réémergeraient ailleurs. Bon, franchement, c’est pas la perspective qui semble la plus… la plus probable et il faudrait que l’effondrement de ces guettatures entraîne celle de la Chine.

Pas évident, mon cher Thomas.

Thomas Gauthier

Peut-être pour nous ramener dans l’histoire récente, le début de la pandémie de Covid-19. Très tôt lors de cette pandémie, il y a eu beaucoup d’appels à la construction d’un monde d’après, il y a eu une forme d’élan qui s’est… disons structurés dans différents milieux, que ce soit des milieux intellectuels, que ce soit des milieux associatifs.

Et certains aujourd’hui regrettent que finalement, on a l’air d’enchaîner des péripéties, d’enchaîner des crises. Est-ce que d’ailleurs, on emploie les bons mots pour parler des situations qu’on vit ?

On parle de crise en Ukraine, mais est-ce que ce qui est en train de se jouer n’est pas une lame de fond bien plus profonde ? que ce que l’on veut bien en penser ?

Dominique Bourg

Alors déjà, premièrement, pour revenir sur l’expression « monde d’après » , le 24 février nous a fait rentrer dans un monde d’après. On va le découvrir, on ne sait pas encore ce qu’il est, mais c’est déjà là.

C’est très différent des désirs, des aspirations, des fantasmes qu’on pouvait avoir lors de la première vague du Covid. En même temps, ce qui est vraiment dramatique dans cette histoire, c’est que… On voit bien que ça intervient à un moment donné, c’est comme si le passé ne voulait pas nous lâcher, comme si le pire de l’humanité ne voulait pas nous lâcher.

J’ai en tête le sondage qui a été rendu public et qui a été commandité par le Lancet, qui a été publié en septembre, mi-septembre 2021. où il apparaissait qu’à l’échelle internationale, c’était 10 000 jeunes interviewés dans 10 pays, dont les Philippines, le Brésil, l’Inde et le Nigeria, non pas des pays anciennement industriels, trois jeunes sur quatre taxaient leur avenir d’effrayant. Et en même temps, on voit bien qu’il y a dans cette jeunesse une aspiration à plus d’égalité, à changer carrément de système, qui est magnifique.

Et là, on se reprend. les horreurs de l’histoire en pleine poire, dans un contexte qui est déjà celui d’une planète exsangue et par rapport auquel on peut s’interroger sur le devenir de l’humanité et de la vie sur Terre. Donc c’est quand même terrible, c’est quand même très très lourd, et la posture, les décisions à prendre dans un cas comme ça sont difficiles, même si en même temps on est ramené à une situation extrêmement binaire.

On a des pouvoirs monstrueux qui n’hésitent pas. pas à tuer en masse, sans aucune raison, il n’y a aucune raison à l’invasion, on n’avait pas vu ça depuis le nazisme. On tue pour des fantasmes et on tue en masse.

Donc, c’est sûr que ce n’est pas facile de se repositionner. Évidemment, ça relativise les aléas de nos régimes, mais en tout il y a une chose qui est très claire, c’est quand vous avez…

Un système politique est un système pyramidal. Quand vous avez un système autoritaire, de toute façon, ça ouvre les turpitudes, les pires que l’humanité puisse connaître.

Donc déjà la première chose, c’est un système démocratique. extrêmement précieux. Et là, on en a en quelque sorte la preuve, même si nos démocraties, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles ne sont pas parfaites et qu’elles se sont laissées aussi aller à des turpitudes.

Mais au niveau d’intensité, là, on revient presque dans un monde binaire. Et donc, il va falloir à la fois conserver, protéger et aller de l’avant et ne pas perdre cette espèce de fibre. de justice qui était celle de cette jeunesse, cette volonté de faire front à des défis gigantesques.

Il ne faut surtout pas le perdre, quel que soit le côté tragique, plus que dramatique, de la situation qui nous échoua depuis le 24.

Thomas Gauthier

Tu viens d’évoquer, Dominique, un sondage du Lancet et plus particulièrement les réponses apportées par tous ces jeunes qui voient devant eux un futur effrayant. Ça m’amène à te poser une question. question que je n’avais pas envisagée et qui fait lien, je pense, avec plusieurs de tes travaux sur le sujet de comment inventer une démocratie au XXIe siècle. Alors, certains disent bien volontiers que la démocratie, c’est un régime qui est myope, qui se préoccupe essentiellement du présent, qui a de la peine finalement à donner sa place dans les institutions au futur.

Qu’est-ce que la situation qu’on vit nous dit des perspectives ? et plus particulièrement, comment est-ce que les régimes démocratiques pourraient réenchanter le lien que l’on espère avoir avec le futur pour faire que le futur ne soit pas juste une espèce en voie de disparition ?

Dominique Bourg

Je crois qu’on ne peut pas séparer la réponse de la situation qui est celle des démocraties aujourd’hui. Ce système est quand même aujourd’hui un peu en péril. on le voit avec le taux d’abstention.

Alors ce n’est pas la démocratie elle-même qui est en panne, c’est l’étape aujourd’hui qui est celle de la démocratie représentative, d’ailleurs qui représente de moins en moins. Donc là, on aurait besoin aussi en même temps nous de refonder nos… Je ne sais pas si c’était d’ailleurs l’intention du livre que tu as cité.

Pour moi… Tout ce qui se passe aujourd’hui nous rappelle, et je l’ai redit avec les dérives attachées à un pouvoir solitaire, à quel point la collégialité et la démocratie… La démocratie, c’est très simple, c’est la limitation, c’est limiter le pouvoir, limiter la violence.

Ce ne sont pas simplement les élections. La démocratie, c’est trois choses.

Effectivement, c’est le principe de la souveraineté populaire, c’est-à-dire qu’on accède à une parcelle de pouvoir pour un temps, et que parce qu’on y est investi par le souverain… Mais c’est ensuite l’état de droit, c’est-à-dire que les gouvernants, comme les gouvernés, sont assujettis à la loi. Tout ce qu’ils peuvent faire est circonscrit, limité par la loi.

Et puis, c’est la question des droits humains, c’est-à-dire que la majorité, évidemment, n’a pas tous les pouvoirs. Il y a un certain nombre de principes, de droits, de devoirs aussi, qui transcendent ce que le souverain peut décider.

C’est ça, la démocratie. Donc, là-dessus, il n’y a pas à déroger d’un millimètre.

En revanche, effectivement, la… La façon dont cette souveraineté, dont la prise de décision publique peut s’organiser, évidemment la démocratie représentative est quand même défaillante, ça ne veut pas dire qu’on peut y échapper, mais en tout cas il faut insister sur les deux autres volets. Il y a effectivement le principe de la délégation, c’est-à-dire je vais élire quelqu’un qui va décider pour moi, mais il faut ajouter la démocratie participative délibérative, il faut ajouter ce qu’on appelle ici en Suisse les votations. le principe de démocratie directe, ce qui fait que dans l’ensemble, ça devient une démocratie semi-directe, tu as les représentants, mais le peuple aussi peut intervenir, donc il n’y a pas 36 000 instruments sur lesquels agir, mais en tout cas, voilà, ça, il faut le faire, et si on sort de cette aventure, on peut imaginer que cette question de la refondation de nos démocraties, elle aura toute son importance, comme elle l’avait eu d’ailleurs à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Thomas Gauthier

Donc la refondation des démocraties comme un chantier prioritaire pour aller vers un avenir que l’on espère favorable. J’en reviens là avec le fil des questions et la discussion imaginée que tu as avec cet oracle.

Tu nous as donné à entendre déjà quelles pourraient être des perspectives positives ou en tout cas aussi optimistes qu’elles pourraient l’être. Est-ce que tu peux désormais toujours en endossant Le rôle de l’oracle, nous raconter un avenir qui serait beaucoup plus défavorable, toujours en réponse aux trois questions que tu as posées au début de l’entretien.

Dominique Bourg

Ah bien, c’est assez simple, heureusement, c’est d’ailleurs le plus facile à dire, si j’ose. On est déjà, indépendamment de cette guerre, on est dans une situation par rapport au climat et par rapport aux vivants qui est déjà tragique.

En ce qui concerne effectivement le climat, comme tu le sais, d’une part les 2 degrés sont déjà dans les tuyaux, qu’une chose soit claire, il faut arrêter de parler des 1,5 degrés, ça n’a absolument plus aucun sens. Il faut toujours avoir en tête que…

Le climat d’aujourd’hui, grosso modo, c’est les émissions d’il y a 20 ans et que le climat qu’on aura au début de la décennie 2040, on en a déjà décidé. Et dans la décennie 2040, on a déjà décidé qu’on aurait des années à plus de 2 degrés.

Maintenant, ce qui va devenir après, ça va dépendre de ce qu’on va faire, non pas dans les 10 ans, il y a déjà quelques années qui se sont écoulées, dans les 5, 6, 7 ans qui viennent. Et là, malheureusement… Le résultat de Glasgow, ce n’est pas du tout qu’on va réduire nos émissions à l’échelle mondiale de moitié, mais c’est qu’elles vont augmenter d’au moins 14%, c’est des estimations avant la guerre, d’ici à 2030. Ça veut dire de toute façon qu’on va excéder les 2 degrés.

Et puis, ce qui a changé entre-temps, c’est qu’on voit très bien qu’on a des pays, et la Chine vient de le redire, la Russie ouvre un ordre international, il le faut. Un ordre international nouveau, ils sont cinglés ces Chinois, en écrasant un pays.

Donc, c’est tant que veulent les Chinois, on ne nous ennuie plus avec ces sujets de droit humain, etc. Les empires écrasent.

Tu penses bien que dans des conditions comme ça, le changement climatique et le devenir du vivant, ça n’a plus aucun sens. C’est-à-dire que si on n’arrive pas à mettre fin à ces régimes, ce n’est pas la peine de parler. de paix sur Terre, ce n’est pas la peine de parler de vie sur Terre.

Ce sont des régimes qui veulent aller vers la destruction. Il faut la voir en face et n’avoir aucune position simplette et idiote.

J’entends certains, je ne les nommerai pas, mais parler de non-alignement, c’est du crétinisme pur. Il n’y a pas de non-alignement face à l’horreur.

Il n’y a pas de non-alignement face à un génocide. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Donc, il faudrait peut-être réfléchir un peu, voir la gravité de la situation et au moins moralement se positionner à minima de manière correcte.

Thomas Gauthier

Ta réponse, Dominique, elle est évidemment choquante dans le sens où elle stimule la réflexion, elle est une réflexion honnête et profonde. Et je me demande en quoi est-ce que… pour continuer dans notre échange, on a des repères, on a des moments historiques qui peuvent nous être aujourd’hui dans cette situation complètement hallucinante pour en faire sens et pour dégager des chemins d’espérance.

Qu’est-ce que l’on peut bien aller chercher dans notre histoire qui va nous être utile et que l’on a peut-être oublié trop rapidement, qui aujourd’hui ne structure pas les… les raisonnements et les prises de position des dirigeants. Qu’est-ce que l’histoire peut pour notre avenir finalement aujourd’hui ?

Dominique Bourg

On pourrait revenir par exemple au discours à l’appel du 18 juin du général de Gaulle. En plus, c’est assez étonnant ce qui nous arrive aujourd’hui, puisque la dictature poutinienne, c’est une dictature vintage.

En fait, elle ne tient qu’en… Maintenant, le récit de la Deuxième Guerre mondiale, en faisant comme si on était toujours dans la Deuxième Guerre mondiale, et en tronquant complètement les choses. Effectivement, le stalinisme était un vainqueur du nazisme, mais déjà c’est mal parti, puisque le stalinisme était aussi horrible que le nazisme.

Il a fait autant de morts. Donc déjà, quand on parle, on voit à quel point le fruit était pourri.

C’était effectivement un des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale, et aussi horrible que le vaincu. Et on le retrouve aujourd’hui.

On le retrouve aujourd’hui avec cette Russie dont je rappelle que de la Finlande aujourd’hui, c’est un pays qui a eu encore une fois comme espoir national d’écraser les eaux. Mais voilà, maintenant, si on imaginait 30 secondes, je ne sais pas si vous pouvez être l’esprit d’un Français plus ou moins structuré en juin 1940.

Évidemment, personne, vu la profession, ne s’attendait à un écrasement aussi fort et aussi rapide. des armées alliées. Certains l’avaient compris, moi j’avais relu il y a une vingtaine d’années l’analyse dans le cadre de la Société Française de Philosophie de Raymond Aron des rapports de force en 1938.

Raymond Aron dit « la défaite est certaine » et il décrit pourquoi. Il y a toujours des gens qui sont plus malins et qui arrivent à voir.

Il y a une masse qui s’illusionne malheureusement. Mais quand on voit le courage de De Gaulle, on a affaire à une défaite cuisante.

Souvenez-vous, regardez une fois, je me souviens d’un petit film, film qui était dans les actualités de l’époque où on voit des gens, qui voient les Allemands défiler, donc juste après la défaite sur les Champs-Elysées, et on voit des gens qui les regardent et qui pleurent. Et donc, malgré un présent qui peut être absolument horrible, vous avez des gens qui arrivent à s’extraire de leurs émotions présentes, à s’extraire d’un moment vraiment où… qui semble s’effondrer, pour arriver à voir plus loin et à redessiner un avenir possible.

C’est ce qu’avait fait De Gaulle à l’époque et je crois que c’est très important. Et qu’en dehors de ça, il y a une idée de l’humanité qu’on doit de toute façon défendre et à laquelle on doit être attaché.

L’humanité est marquée par des possibles divers, il y a des possibles qui sont des possibles noirs. On l’a avec ce qui nous arrive aujourd’hui.

Et on le voit, par exemple, dans la résistance ukrainienne, on le voit dans le personnage de Zelensky, etc. On voit que l’humanité, ce n’est pas simplement Poutine.

C’est aussi ces Ukrainiens qui résistent. C’est aussi l’élan de solidarité qu’il y a ailleurs.

Il faut à la fois essayer de s’appuyer sur ça. Et quoi qu’il arrive, c’est cette idée-là de l’humanité à laquelle on doit de tout son être adhérer, ne pas céder, ne pas céder au désespoir. garder une boussole très claire qu’est-ce que je dois faire, à quoi je dois donner mon assentiment, et ça, ne jamais perdre de vue et savoir que quoi qu’il advienne, c’est ça l’Orient, et ça vaut indépendamment de tout.

Thomas Gauthier

Tu ouvres avec ta réponse d’autres champs de questionnement, là aussi que je n’avais pas prévu d’aborder avec toi. Je te propose… si tu le veux bien, un pas de côté vers la notion de contrat social dont on reparle quasi rituellement avant chaque élection, et en particulier avant chaque élection présidentielle en France.

Ce que je crois en comprendre, c’est que le contrat social, c’est finalement cet objet fictionnel qui unit un peuple avec une élite. Cette élite, quelque part, conserve la capacité à se maintenir au pouvoir pourvu qu’elle reste légitime.

Pour rester légitime, elle rend des services sociétaux au peuple. Ces services sociétaux doivent être sans cesse renouvelés.

Il semblerait qu’historiquement, ces services sociétaux nécessitent que les sociétés deviennent de plus en plus complexes, de plus en plus sophistiquées. Et on le voit bien quand on entend…

Les Russes nous parlaient d’une utilisation multiple de missiles hyper véloces ou que sais-je, hypersoniques, qu’il y a une course à la complexité, notamment dans le secteur de la défense, dans le secteur militaire. Et quiconque remporterait cette course à la complexité pourrait peut-être sortir vainqueur des conflits comme celui qu’on est en train de vivre.

Comment est-ce que l’on réconcilie l’idée que pour se protéger, La course à la complexité ne semble pas être une option, alors qu’en même temps, on sait que cette course à la complexité, c’est une course à l’utilisation de toujours plus de matières premières et de toujours plus d’énergie, et on sait que cette course est mortifère. Comment est-ce que d’un côté, on crée les conditions d’une sécurité, d’un monde apaisé, et en même temps, on pacifie la relation qu’on a avec le substrat biophysique dont on ne peut pas s’extraire ?

Comment est-ce que l’on résout ? ce paradoxe ?

Dominique Bourg

Première chose, déjà, sur le fond, si l’humanité ne sait pas assumer une véritable mutation vers à la fois le respect d’autrui et le respect de ce qui l’entoure, du vivant de façon générale, et pas simplement des autres humains, dans une volonté de sobriété, je veux dire, l’espèce va disparaître. Je n’ai absolument aucun doute là-dessus. soit on est capable Peut-être que cette guerre avec ces horreurs va nous y aider, si on est capable d’assumer une mutation anthropologique et à l’échelle globale.

C’est un peu ce qu’avait fait le CNR en France, le Conseil national de la résistance. On a préparé pendant la guerre, avec les ordres de la guerre, on a su préparer un programme de renouveau fondamental de justice.

Il nous faudrait un CNR à l’échelle globale. Soit on arrive à faire ça et on pourra s’en sortir, sinon franchement, nous sommes très mal partis.

Maintenant, pour revenir à la question de l’élite, moi je ne vois jamais ce mot-là au Saint-Louis. Il y a des élites.

Et tout le monde, d’une manière ou d’une autre, peut émarger en quelque sorte à une élite particulière. Il y a des élites morales, il y a des élites de la générosité, il y a des élites de la sensibilité, il y a des élites, que sais-je moi, artistiques, manuelles, il y a plein d’élites.

Et en tout cas, en ce qui concerne le pouvoir, c’est très différent. quand on cultive un don on doit On peut le cultiver toute sa vie. Le pouvoir, je rappelle, dans une démocratie, c’est un temps limité.

Et donc, les élites politiques, c’est des élites qui ne le sont qu’à un moment donné et qui doivent être au service des autres. Et si elles n’arrivent pas à l’être, il faut les évacuer.

Elles n’ont pas du tout à jouer ce rôle. Donc là, soit cette jeunesse qui a ce désir de justice, soit elle arrive à donner le là.

Peut-être qu’il y aura un avenir à l’humanité sur cette terre. Soit elle est écrasée, comme elle est en ce moment en Ukraine, par la brutalité, la grossièreté de fou.

Je ne vois pas comment l’humanité peut s’en sortir. On s’est mis dans une phase extrêmement délicate.

Si en même temps, on prenne partout le pouvoir les plus horribles de l’espèce, on est assez mal barré.

Thomas Gauthier

Tu as, tout au long de cet entretien, parlé de… la manière dont tu t’engages, de différentes manières. Je ne vais pas revenir sur tes propos.

Cela étant dit, les auditeurs de ce podcast sont aussi à la recherche de repères, de repères réflexifs, de repères pour l’action. Est-ce que tu peux peut-être, en conclusion de notre échange, tout simplement nous faire vivre ?

Comment est-ce que toi, tu pratiques au quotidien la recherche de l’accord entre actes et paroles ? Comment cela se traduit-il ? dans tes prises de position et je pense que ce podcast et cet entretien en est déjà une démonstration à quoi ça ressemble pour Dominique Bourg l’engagement du quotidien ça ressemble il

Dominique Bourg

y a deux choses c’est assez compliqué parce que il y a des choses on a l’impression que l’esprit par lui-même un peu en flottant comme ça peut arriver Pour la compréhension de certaines choses, c’est important, mais pour le changement, ce n’est jamais suffisant. Effectivement, tu parlais de Gandhi, il y a des choses pour lesquelles, effectivement, une harmonie minimale entre ce qu’on raconte et ce qu’on fait est vraiment indispensable.

Et puis, c’est le plus dur. La cohérence dans un parcours de vie, c’est sans doute la chose qui est la plus difficile.

Moi, je ne peux attendre pas à y arriver. Mais en tout cas, je prétends au moins essayer.

Et donc, alors c’est des choix très simples, des choix de vie, bon, je n’ai pas une possession en quelque sorte. Avec un divorce, j’ai tout largué et je suis un peu libre comme l’air.

Et pour moi, c’est vraiment très important d’avoir avec moi un bagage pas trop lourd. Le seul qui pèse encore, ce sont les livres.

C’est dingue.

Thomas Gauthier

Merci beaucoup Dominique pour ta sincérité, pour l’humilité, pour les repères que tu nous as partagé. Je te souhaite une excellente suite et d’avoir toujours à l’avenir l’impact que tu as eu sur moi et sur d’autres à travers tes travaux jusque-là.

Merci beaucoup Dominique.

Dominique Bourg

Merci Thomas, à bientôt.

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