François Pitrel est journaliste environnement et climat sur la chaîne d’information en continu BFMTV.
L’année dernière, il a co-écrit un docu-fiction intitulé “2050 : ouvrons les yeux !”. Dans cette émission d’anticipation, il s’agissait de proposer aux téléspectateurs 2 scénarios contrastés des effets de la crise climatique.
D’un côté, on découvre comment nous avons réussi à atteindre la neutralité carbone et à limiter le réchauffement climatique à 1,7 degré. De l’autre, le scénario du pire s’est produit et le réchauffement dépasse 2,4 degrés.
Dans l’échange à suivre, François Pitrel s’interroge sur le caractère systémique du changement climatique et alterne réflexions personnelles et questions de société.
Entretien enregistré le 9 janvier 2023
Remerciements : agence Logarythm
Entretien enregistré le 9 janvier 2023
Remerciements : agence Logarythm
Transcript de l’entretien
(Réalisé automatiquement par Ausha, adapté et amélioré avec amour par un humain)
Thomas Gauthier
Bonjour François.
François Pitrel
Bonjour.
Thomas Gauthier
Alors ça y est, vous êtes face à l’oracle, vous allez lui poser trois questions sur l’avenir. Par quelles questions est-ce que vous souhaitez commencer ?
François Pitrel
Alors, je me suis pas mal pris la tête sur les questions. Je pensais pas que j’allais être autant, on va dire, questionné par le fait d’avoir juste trois questions comme ça et de se… projeté comme ça dans l’avenir.
Mais la première qui m’est venue, c’est un truc très perso. C’est, est-ce que mes enfants, j’ai trois enfants, est-ce que mes enfants vont connaître dans leur chair la guerre et est-ce que je devrais les laisser partir peut-être un jour parce qu’ils devront être mobilisés ?
Et est-ce qu’ils vont peut-être connaître la guerre sur leur sol, sur leur territoire ? Enfin, voilà, ça, c’est la première question que je me suis posée.
Et je me la suis posée parce que les différentes projections qu’on peut voir quand on fait, alors on en parlera peut-être tout à l’heure, mais quand on fait une fresque du climat, c’est une sorte de jeu de société qui permet de voir un peu les tenants et les aboutissants autour du dérèglement climatique et la fin de la fresque du climat, on voit toutes les conséquences que peuvent… occasionner le réchauffement climatique et les diverses conséquences que ça occasionne. Et bien la dernière, une des dernières, c’est en effet des conflits armés.
Et des conflits armés pas forcément dans des endroits lointains, parce que les conflits armés peuvent avoir énormément de causes et la question des ressources avec le réchauffement climatique va être hyper importante. C’est-à-dire qu’il y a des pays, alors la question de l’eau c’est pas forcément… cas en France, mais il y a des pays qui déjà sur certaines zones sont en conflit, pas encore armés pour savoir qui va pouvoir bénéficier de l’eau de certains fleuves.
Est-ce qu’ils auront encore de l’eau pour toute leur population ? Ça va créer des déplacements, ça va créer énormément de tensions et de conflits. Et donc voilà, ma première question c’est ça, est-ce qu’à cause des répercussions du réchauffement climatique et des différents contre-coups, que ça va occasionner, c’est-à-dire que d’abord on a le réchauffement des sécheresses, donc des famines, des déplacements de population, et puis du coup des ressources en eau qui continuent de se tarir, et donc forcément peut-être des luttes pour obtenir des ressources en eau, c’est toute une série de boucles qui se mettent en action et qui peuvent aboutir à des conflits parfois armés, on le verra peut-être dans les années à venir, en tout cas c’est une de mes craintes.
Thomas Gauthier
Pour réagir à cette première question… à jour Je vous propose peut-être pendant quelques secondes en tout cas de nous tourner vers le passé. Pendant plusieurs décennies, le système de gouvernance internationale a peu ou prou permis d’éviter un chaos nucléaire.
On sait que les Nations Unies ont été mises en place pour éviter justement qu’un conflit nucléaire se déclare entre les superpuissances qui étaient et que sont toujours les États-Unis et la Russie. Qu’est-ce qu’il y a à dire aujourd’hui sur vous des différents discours ? positif de gouvernance nationaux internationaux pouvant ou ne pouvant pas prévenir ce type de conflit dont vous parlez la gouvernance internationale à semble-t-il réussi à interdire un conflit nucléaire de mettre la planète sans dessus de chou est ce que cette même gouvernance internationale est selon vous à la hauteur des enjeux qui se cache derrière votre première question à l’oracle ben
François Pitrel
ma crainte c’est Précisément que cette gouvernance internationale, elle ne soit plus assez forte pour que des pays, même européens, tenus par une personnalité ou un gouvernement peut-être un peu plus conservateur, qui prône un peu plus le pli sur soi, qui forcément va être un peu moins sympa avec ses voisins, un peu moins sympa avec ses alliés. Ça peut créer des tensions si plusieurs pays se retrouvent dans la même situation. Et on voit que pas mal de pays européens, on a aujourd’hui des gouvernements souvent post-fascistes, on va dire.
C’est-à-dire qu’ils ont aspiré de Mussolini en Italie. En Autriche, ils ont eu des gens qui étaient un peu, avec certaines acquaintances avec l’extrême droite, parfois historiquement nazis.
Donc il y a un repli nationaliste qui, pour moi, n’est pas un bon signal. pour cette gouvernance internationale, parce que généralement, on voit bien avec la Russie, les pays qui sont dans cette démarche un peu de repli sur soi, ils s’écartent des règles internationales et on se rend compte qu’en fait, on n’arrive pas trop à leur faire appliquer cette gouvernance internationale. Ils s’en foutent un peu des sanctions, les Russes, parce qu’ils ont les moyens de s’en foutre, mais en tout cas, pour l’instant, ils s’en foutent.
Et là, ça fait partie des choses sur lesquelles j’ai des gros, gros doutes sur le statu quo. Alors la guerre nucléaire, je n’y crois pas trop parce que c’est un truc un peu fou et on n’arrive pas à se l’imaginer.
Mais par contre, des conflits peut-être plus classiques comme celui qu’on est en train d’expérimenter en Ukraine, je dis expérimenter parce qu’en tout cas, on commence à toucher du doigt ce que ça veut dire la guerre de nouveau sur le sol européen. Et on se rend compte qu’en fait, c’est une guerre qui ressemble très, très fortement à celle qu’on a eue il y a un peu plus de 100 ans. dans les tranchées à Verdun.
Ce sont des tranchées, ce sont des combats de corps à corps avec des types qui sortent des bois et qui font des attaques. Évidemment, il y a des drones, il y a de la technologie, il y a la menace nucléaire derrière, mais c’est aussi une guerre très classique.
C’est aussi de ce type de guerre-là que j’ai peur.
Thomas Gauthier
Pour reprendre cette analogie avec des conflits passés, on a pu voir lors de ces conflits passés qu’au-delà de l’État régalien qui… étaient en tête, je dirais, des efforts de guerre et des efforts de défense. Le secteur privé aussi a été largement mobilisé.
On pense peut-être plus lors de la Seconde Guerre mondiale à la mobilisation du secteur économique, du secteur productif et industriel pour outiller les armées et les doter des équipements dont ces armées avaient besoin. Quel pourrait être, selon vous, le rôle que le secteur économique au sens large pourrait jouer dans l’empêchement. d’un conflit ou de conflits multiples liés au dérèglement climatique.
C’est quoi les nouvelles bases d’un contrat social, peut-être pour utiliser un gros mot, qui viendrait lier puissance publique, puissance économique et société civile ? Alors bien sûr, ma question est très très vaste.
Je serais ravi de tous les éléments de réponse que vous pourrez proposer, même si à nouveau, vous n’avez pas eu le temps de vous y préparer.
François Pitrel
Ouais, j’avoue, ça c’est une question qui me dépasse un peu. J’ai des notions en politique et en diplomatie, et sur les questions environnementales.
Après, là-dessus, j’avoue, je suis un peu comme tout le monde. J’observe que certaines entreprises peuvent profiter de la guerre dans certaines situations, peuvent profiter du réchauffement climatique, peuvent détourner les questions climatiques. pour les mettre à leur avantage en faisant ce qu’on appelle du greenwashing, c’est-à-dire verdir sa façade et puis en réalité continuer de produire des gaz à effet de serre dans de fortes quantités et donc se donner une bonne image et puis finalement pas forcément régler le sujet, est-ce que ça ne serait pas la même chose dans une situation conflictuelle ?
C’est-à-dire qu’on aurait des entreprises qui se mettraient du côté… Du côté des fabricants d’armes, en gros, il y a certaines sociétés qui aujourd’hui investissent beaucoup l’Ukraine pour être présents.
Et au jour où les Ukrainiens vont dire, on va de nouveau devoir construire des infrastructures, on a besoin de gens. Et ça, ce sont les entreprises privées qui vont s’y mettre.
Comment ces contrats sont faits ? Quel est le jeu que jouent ces entreprises dans ce genre de conflit ?
C’est toujours un peu complexe. Là-dessus, je n’ai pas de réponse toute faite. mais j’ai…
Il est vrai, pas forcément une très forte confiance dans le secteur privé pour résoudre ce genre de problème systémique. Le secteur privé, souvent, il va se mettre du côté où le vent souffle.
Voilà, je me trompe peut-être, et c’est sûrement pas une énorme généralité, parce que j’y connais pas grand-chose et je suis pas chef d’entreprise, mais voilà, mais ça c’est tout à fait personnel.
Thomas Gauthier
Alors je vous propose de repasser devant l’oracle, on a passé une petite dizaine de minutes devant lui déjà, vous avez une deuxième opportunité de le questionner sur l’avenir, qu’est-ce que vous voulez lui demander maintenant ?
François Pitrel
Ma deuxième question, c’est quand est-ce qu’on aura plus de pétrole ? En fait, comme tous ceux qui ont écouté un peu les speeches et les livres de Jean-Marc Jancovici, qui a maintenant beaucoup beaucoup de surface médiatique, mais qui en fait prêche un peu dans le désert depuis une dizaine d’années, on se dit qu’il y a un jour, qui n’est pas si lointain, on va se retrouver peut-être sans pétrole.
Et ça… c’est pas une question de réchauffement climatique c’est bien si en plus on se passe du pétrole rapidement pour éviter que le réchauffement climatique ne s’aggrave mais c’est aussi une question tout simplement physique et or on a du pétrole dans absolument tout ce qu’on fait, tout ce qu’on mange, tout ce qu’on consomme tout ce qu’on produit dans 80% des cas il y a du pétrole dans ce qu’on a aujourd’hui dans notre quotidien en tout cas on est lié à du pétrole dans 80% des temps Et j’ai l’impression que ce jour pourrait arriver de plus en plus vite et il ne sera pas forcément vécu par nos arrière-petits-enfants, mais peut-être par nous, même peut-être d’ici peu de temps. J’aimerais bien savoir quand, parce que ça, c’est une question qui m’angoisse un peu.
Parce que là, encore une fois, quand on lit un peu les rapports de l’Agence internationale de l’énergie, quand on regarde un peu les publications des gens qui sont un peu spécialistes sur la question, On se rend compte que la ressource en pétrole, elle commence fortement à baisser, et que quand cette ressource en pétrole baisse, c’est toute l’économie qui s’effondre, parce qu’il y a la courbe de la production de pétrole et la courbe du PIB, elles sont intimement liées. Ça c’est un des trucs que m’a appris le travail de Jean-Marc Jancovici et de ses copains, de Carbon4 notamment, c’est que les deux courbes peuvent quasiment se calquer, c’est-à-dire que quand le PIB baisse, on se rend compte que la production de pétrole, elle baissait. Oui, quand elle augmente, c’est pareil.
Quand la reprise se fait en 2008, c’est parce que le pétrole de schiste a été largement employé et qu’on a de nouveau une production pétrolière qui remonte. Les deux sont intimement liés et on a plein d’indicateurs qui montrent que la production de pétrole va baisser, elle va baisser durablement et elle pourrait même un jour baisser de façon extrêmement rapide parce que ça ne va pas faire une grande courbe en cloche comme souvent on voit en économie.
Les cycles, voilà, ça monte, et puis arrivé au pic, on redescend à peu près au même rythme. La plupart des gens qui suivent ces questions-là disent que, non, avec le pétrole, ça ne va pas se passer comme ça.
Il y a un moment, en fait, on va se retrouver face à une sorte de mur, et ce jour-là, eh bien, ça risque d’être un sacré bordel. Donc, j’ai l’impression qu’on va vivre ce jour-là dans pas si longtemps que ça.
Donc ça, c’est vrai que c’est une grosse question que je me pose.
Thomas Gauthier
Je rejoins vos propos, c’est une immense question que vous venez de poser, qui forcément appel de multiples sous-questions. Je reviens peut-être un instant avec vous sur les travaux de Jean-Marc Jancovici et de ses acolytes Carbon4, Hachette Project, etc.
Vous avez employé l’expression « prêcher dans le désert » depuis une dizaine d’années. Vous êtes vous-même fin connaisseur du milieu des médias.
Comment peut-on s’expliquer aujourd’hui en 2023 3. Désormais, donc un peu plus de 50 ans après la publication du rapport au Club de Rome des chercheurs du MIT, que cette lecture du monde à travers les déterminants physiques et biologiques continue d’être le fait de quelques experts qui très longtemps ont été sûrement moqués puisque leur lecture du monde paraissait peut-être apocalyptique, paraissait catastrophiste.
Comment on s’explique aujourd’hui en 2023 au vu des… connaissances sur lesquelles on est toutes et tous assis, qu’il nous reste extrêmement difficile de comprendre aussi le monde à travers sa substance physique et biologique, et pas juste à travers des conventions sociales et économiques qui nous obsèdent au quotidien.
François Pitrel
C’est dément comme question, en fait. C’est abyssal parce qu’en fait, il faudrait se plonger dans les neurosciences, il faudrait voir comment fonctionne le cerveau humain, qu’est-ce qui fait qu’on a envie de faire un truc et pas un autre, qu’est-ce qui fait qu’on a envie d’entendre quelque chose et pas une autre.
Je crois que c’est dans le livre Sapiens, que l’auteur, dont le nom m’échappe, où il explique justement que notre cerveau, il a été façonné par des milliers et des milliers d’années d’évolution. Et qu’un des facteurs qui le fait fonctionner, c’est souvent l’immédiateté du profit.
C’est-à-dire qu’il y a des expériences qui ont été menées par exemple sur des enfants qui sont assez marrantes, qu’on peut voir en ligne sur YouTube, où on voit le gamin, il est face à un chamallow. Et le chamallow, on lui dit, si tu ne le manges pas…
Je reviens tout à l’heure, t’en auras un deuxième. Et en fait, 8 fois sur 10, le gamin mange le chamallow avant que l’adulte ne revienne dans la pièce.
Et ça, ça vient d’un truc vraiment apparemment extrêmement lointain dans notre cerveau, qui est issu en fait de notre évolution, et qui, lorsqu’on se retrouvait avec des sources de nourriture sucrées face à nous, comme on avait très peu de sucre dans la nature de façon naturelle, ou très peu en tout cas en abondance, dès qu’il y avait du sucre, on en bouffait le maximum. quitte à vider l’arbre de cerise parce qu’on ne savait pas si on allait pouvoir en retrouver sur notre chemin un jour. Et j’ai l’impression qu’avec le pétrole, c’est un peu pareil.
On est face à une sorte de truc sucré qui sert à tout, qui tient dans très peu de place pour faire énormément d’énergie. Et c’est un super bonbon qui fait fonctionner toutes nos machines, tous nos appareils, qui nous a totalement révolutionné la vie.
Et du coup, quand on nous dit « il n’y en aura plus » , on a plutôt envie d’entendre le mec qui va nous dire « si, si, vous n’en faites pas, il y en aura encore » . Et ça, je pense que c’est lié à ça.
Mais parce que oui, concrètement, les mecs comme Jean Covici, et puis pas que lui, ils disent ça depuis des années, et de façon extrêmement documentée, rationnelle. Voilà quoi.
Et nous, on est tous collectivement à se dire, « Ouais, mais non, mais on en retrouvera encore du pétrole, il y en aura, je suis sûr ! » Et puis, en fait… Plus ça va, plus on dit peut-être qu’ils avaient raison.
Thomas Gauthier
Et je rajouterais même que même la sagesse populaire, mieux vaut tenir que courir, nous enjoint de saisir ce qui s’offre à nous aujourd’hui plutôt que d’espérer que demain, quelque chose d’encore plus satisfaisant nous sera proposé. C’est intéressant peut-être pour revenir sur certains de vos propos, d’essayer de saisir avec vous les poids relatifs de la parole de différents experts qui sont bien souvent mobilisés, qu’il s’agisse de les mobiliser comme conseillers auprès des décideurs, à la fois publics et privés, qu’il s’agit aussi de les mobiliser dans les médias, sur la place publique, il semblerait, alors je suis moi-même physicien de formation, je partage cette information avec vous pour expliquer peut-être la suite de mon propos, que la parole des physiciens, la parole des ingénieurs, la parole aussi… de plus en plus des chercheurs et scientifiques experts en sciences du climat, continuent d’avoir un rôle assez limité, même si on a quelques figures, je pense évidemment à Valérie Masson-Delmotte, que l’on entend beaucoup, on a quelques figures qui sortent, je dirais, des rangs, mais cette parole semble être convoquée à la marge dans une capsule, sans, je dirais, être saisie dans ses implications systémiques d’autres experts, d’autres… écoles de pensée d’autres disciplines bien évidemment les économistes me viennent en tête semble dominer le débat public et avoir finalement la voix la plus importante quand il s’agit de raconter la société telle qu’elle est et telle qu’elle vient.
Que vous inspire cette remarque. Est ce qu’elle est selon vous fondée ?
Est ce qu’elle est pas du tout au contraire confirmée par rapport à ce que vous même vous vivez dans dans vos activités?
François Pitrel
Sur la place des économistes dans la façon dont on pense un peu notre société, dont on pense nos politiques, à la fois je trouve que vous avez raison parce que peut-être que d’autres types de sciences devraient être invoquées plus souvent et c’est peut-être lié à peut-être tout simplement à une méconnaissance de la question scientifique par les journalistes et les politiques. mais pas seulement, aussi du grand public, peut-être de notre formation initiale aussi. On ne fait pas porter ces questions-là forcément très longtemps dans nos études générales.
Après, on se spécialise quand on devient lycéen ou étudiant, mais avant, ça reste une petite matière, la physique, la chimie, la biologie. On met beaucoup plus d’accent sur d’autres sujets, les maths par exemple.
Et peut-être que faire plus de concret et moins de maths, mais après, moi, je ne suis pas ministre de l’économie. Mais voilà, c’est des trucs comme ça.
Mais en effet, je veux que, à bonder dans votre sens, pourquoi ces gens-là ne prennent pas plus de place ? Peut-être qu’on n’a pas aussi trouvé notre…
Quand je dis nous, c’est-à-dire les gens qui essayent de faire comprendre ces questions climatiques, on n’a pas trouvé notre Mahatma Gandhi. Ce n’est pas Greta Thunberg, en tout cas.
Ce n’est pas Valérie Mastelmotte, clairement, même si elle a un espace médiatique intéressant aujourd’hui. C’est encore personne, vous demandez à qui est Valérie Masson-Delmotte dans la rue, à quelqu’un, 9 fois sur 10, ils n’en ont absolument aucune idée.
Donc voilà, je pense que ça doit être porté par des gens au-dessus de ça, ou en tout cas qui arrivent à transpercer un petit peu tous les plafonds, qui deviennent… Vraiment, est-ce que ça peut passer par le monde de la culture aussi ?
Mais il faut que ça soit des gens sérieux. Je vois parfois certaines personnalités qui essayent de porter sur la télévision, dans la radio, dans les médias en général, la question climatique, qui sont des acteurs ou qui sont des chanteurs.
Le problème, c’est qu’ils sont d’accord pour dire qu’il faut qu’on sauve la planète, mais ils sont un peu nuls sur le fond. C’est-à-dire que quand on leur pose deux ou trois questions, on se rend compte que derrière, il n’y a pas grand-chose.
Et ça décrédibilise vachement tous leurs combats parce qu’on leur dit alors qu’est-ce qu’il faut faire ? Et ils disent je ne sais pas.
Et oui c’est normal, ce n’est pas leur boulot. Et ça manque d’un quelqu’un comme ça, quelqu’un qui politiquement aurait une surface énorme, quel que soit son parcours, quelle que soit sa fonction, qui ferait un peu l’office de monsieur loyal ou madame loyal.
Si c’était une madame loyal, ça serait peut-être encore mieux, ça changerait. Mais qu’il soit quelqu’un comme ça, on pourrait vraiment… À chaque fois qu’il parle, tout le monde dirait, OK, il faut qu’on l’écoute.
Ce n’est pas encore le cas, je trouve, sur la question climatique. On n’a trouvé personne.
Nous, par exemple, je travaille sur une chaîne d’info en continu. C’est toujours compliqué de trouver des gens qui ne sont pas des vieux militants.
On tombe toujours sur Yann Arthus-Bertrand. Avant, il y avait Nicolas Hulot.
Mais on retombe toujours sur les mêmes. Il n’y a pas vraiment de personnes qui ont, en France en tout cas, émergé.
Et Greta Thunberg, c’est autre chose. C’était un truc un peu fou qui s’est terminé parce qu’elle a déclaré elle-même qu’elle s’arrêtait.
Et donc, qu’elle allait arrêter d’incarner la lutte comme ça. Et en plus, elle n’a pas forcément eu…
Elle a eu aussi beaucoup de détracteurs. Je crois que même dans sa classe, pour l’avoir rencontrée, on en avait discuté un petit peu une fois.
Je crois qu’elle était totalement minoritaire dans sa classe, Greta Thunberg. C’est-à-dire qu’il y avait… à peine 3 ou 4 élèves de sa classe qui étaient d’accord avec elle, les autres disaient, bah attends, c’est super le réchauffement climatique en Suède, il va faire bon toute l’année, qu’est-ce que tu nous emmerdes ?
Donc voilà.
Thomas Gauthier
Alors il vous reste François, une troisième et dernière opportunité de poser une question à l’oracle, que voulez-vous lui demander ?
François Pitrel
Alors c’est une dernière question perso encore une fois, c’est-à-dire que la première question était vraiment centrée sur est-ce que mes enfants vont vivre la guerre, expérimenter la guerre dans leur chair ? Et là, ma question c’était plutôt Est-ce que je vais rester dans le même mode de vie que celui que j’ai actuellement ?
C’est-à-dire que je suis un citadin, je prends mon petit vélo tous les jours, je fais attention à ce que j’achète, je fais attention un peu à ce que je fais dans mon quotidien et tout ça. Je travaille dans un média qui est national.
Mais est-ce que je ne vais pas devoir tout plaquer ? Est-ce que je ne vais pas devoir vraiment tout faire repartir à zéro pour vivre dans un endroit où je serai peut-être plus résilient face aux aléas, face aux pénuries ?
Parce que le réchauffement climatique, le dérèglement climatique, les questions de ressources en énergie comme on l’évoquait juste avant… Ça va peut-être provoquer des gros remous, peut-être parfois une certaine forme d’effondrement de nos sociétés. Or, vivre dans un endroit peut-être plus proche de la nature, où les ressources en alimentation sont vraiment en bas de chez moi, dans mon petit potager, que je partagerai éventuellement avec d’autres gens, où les…
Les questions d’approvisionnement ne sont plus liées à des circuits logistiques extrêmement complexes. Parce qu’aujourd’hui, comme je suis parisien, avant que les pommes de terre arrivent dans mon frigo, elles ont fait pas mal de petits voyages.
Et des fois, ce n’est pas toujours très simple comme voyage. Donc, s’il n’y a ne serait-ce qu’un petit rouloge de cette chaîne logistique qui se brise, en fait, moi, je n’ai plus à manger.
Je crois que la ville de Paris… je ne sais pas si ce chiffre est exact, je ne sais pas d’où il sort mais j’avais lu ça dans un livre de Pablo Servigne que la ville de Paris à trois jours d’autonomie s’y réagissent la plateforme logistique qui approvisionne toute l’île de France en nourriture ferme, trois jours d’autonomie au bout de trois jours il n’y a plus rien à manger à Paris et ça je trouve ça totalement dingue, c’est à dire qu’on a un flux logistique autour de nous qui est extrêmement fort, extrêmement puissant d’une efficacité de plus en plus forte parce qu’on voit bien avec les applications aujourd’hui Je peux commander un paquet de chips sur une appli, sur mon téléphone, et elle arrive une demi-heure plus tard chez moi. Et ces circuits logistiques sont totalement fous, tellement complexes, mais je pense qu’ils ne sont pas viables sur la durée.
Enfin, de tout ce que je lis et de tout ce que je comprends, il va falloir qu’on simplifie tout ça à l’avenir. pour des raisons de consommation d’énergie, et puis aussi de raison de santé, parce qu’on est produit qu’on trouve dans l’agroalimentaire, transformé et tout, ce n’est pas super pour la santé. Mais voilà, et donc aller vivre dans un endroit où on est un peu plus proche de ces ressources-là pour juste avoir ce qu’il nous faut pour manger, c’est un vrai questionnement pour moi, même si je n’y suis pas du tout prêt alors que je suis averti sur la question.
Mais c’est un tel changement, je ne sais pas du tout faire planter des choux, je n’ai pas du tout la main verte. Je suis nul, mais il ne faudrait pas que je m’y plonge très sérieusement pour le jour où il y a l’Arabie Saoudite qui dit « Ah désolé, on n’a plus de pétrole » .
Et là, en fait, tout mon flux logistique qui m’approvisionne à Paris, il est cassé.
Thomas Gauthier
La question que vous posez à l’oracle, elle est vertigineuse. Pour ne pas dire autre chose, j’ai envie peut-être de prolonger ce questionnement en faisant référence à un… terme que vous avez employé à quelques reprises en formulant cette question, le terme de complexe ou complexité.
Vous parlez de modes de vie aujourd’hui, en particulier en milieux urbains qui sont complexes, qui sont appuyés sur des chaînes logistiques dont on a beaucoup de peine à comprendre le fonctionnement, dont on a beaucoup de peine à imaginer aussi pouvoir faire sans. Comment, selon vous, peut-être d’après ce que vous captez de l’ambition ou de ou de l’intention ou de la sensibilité du grand public, comment imaginez-vous que cette décomplexification puisse être un acte individuel en ce qui vous concerne, que peut-être vous allez entreprendre, mais serve potentiellement de pilier à un projet de société ?
Est-ce qu’on peut imaginer selon vous, je suis un petit peu navré de vous retourner la question, mais est-ce qu’on peut imaginer selon vous, Une organisation de la société, on va parler de la société française pour parler d’un périmètre que l’on comprend à peu près, est-ce qu’on peut imaginer qu’un projet de société repose au moins en partie sur un choix collectif, ensuite traduit par des actes individuels, coordonnés peut-être avec d’autres actes individuels, vers moins de complexité ? Comment est-ce que la chose peut s’articuler dans un climat, je dirais, apaisé et de non-violence ?
Je reviens à votre première question. L’oracle, puisqu’il me semble que la dimension de violence latente est une dimension qui vous préoccupe, comment est-ce que l’on fait, peut-être pas machinarien, mais comment est-ce que l’on redirige notre projet, notre envie, notre horizon vers moins de complexité ?
François Pitrel
Je ne suis pas politique et je ne suis pas du tout spécialisé sur ces questions logistiques, mais en tout cas… Je vois bien en fait la tension que ça met dans la société dès qu’il manque un peu de quelque chose.
Et du coup je ne suis pas très optimiste là-dessus. Moi j’ai le sentiment que…
Enfin, il y a deux choses. Au moment où il y a une pénurie de quelque chose, c’est un peu le bordel.
Et c’est un peu la bagarre. Alors quand c’est juste du PQ, ça va.
Quand c’est des trucs un peu plus vitaux, ça peut être un peu plus problématique. Après, il y a plein de sociologues qui nous expliquent que dans les vrais gros moments de crise, le comportement le plus commun, le plus facile à repérer dans la société, c’est finalement l’entraide. Ça, c’est un signal un peu d’espoir, mais ça passe par un moment de crise totale.
C’est-à-dire qu’on s’est aperçu de ça, par exemple, après l’Ou-Gargan-Catrina. Là, je vous revois à ce livre de Pablo Servigne qui s’appelle « Comment tout peut s’effondrer » , qui est hyper riche. et qui raconte justement qu’après l’ouragan Katrina, il y a eu des alertes des shérifs de la Nouvelle-Orléans qui après l’ouragan disaient attention il y a des pilleurs, dans les quartiers ils sont armés, c’est très dangereux, faites attention.
Et en fait on s’est rendu compte au bout d’une dizaine de jours, les journalistes ont essayé de retrouver des pillages, des scènes de pillages, des témoignages de pillages et ils se sont rendu compte qu’il n’y en a pas eu. il n’y en a pas eu parce qu’en fait ils n’ont pas existé et ce shérif a même dû démissionner et on s’est rendu compte qu’avec les études sociologiques ont été menées par ailleurs dans les années qu’on suivit que c’était l’inverse qui s’était passé après l’ouragan la quasi totalité des actes humains que du quotidien c’était des actes faits pour s’entraider on se serrer les coudes finalement et ça c’est hyper encourageant mais ça veut dire que c’est ce qui se passe quand il ya un gros gros moment de crise Est-ce qu’on est capable, pour revenir à votre question, de prévenir une grande crise en s’organisant autrement pour devenir résilient c’est à dire beaucoup moins sensible à un choc c’est à dire que si par exemple il fait 50 degrés on a des bâtiments qui sont adaptés si on a plus de pétrole pendant quelques jours ou d’électricité ben en fait on a une façon de vivre qui n’en est plus ultra dépendante donc on peut s’organiser enfin voilà tout si on a plus assez de man de nourriture à bain là aujourd’hui ce serait le bordel mais dans un contexte où on est un peu plus prêt à s’en… à anticiper tout ça collectivement, finalement, ce n’est pas très grave d’avoir une petite rupture d’approvisionnement. Est-ce qu’on est capable de faire ça en amont aujourd’hui ?
Je trouve ça beaucoup trop ambitieux et complexe, à mon avis, et on n’y arrivera pas. Mais ça ne veut pas dire que ça n’aura pas lieu dans certaines parties de la société.
Il y a des gens qui vont s’organiser, il y a des endroits où ça se passera bien et des endroits où ça se passera mal. Mais collectivement, au niveau d’un territoire comme celui de la France, j’y crois moyennement.
Je pense que je suis beaucoup plus confiant dans un Peut-être parce que je suis breton, mais je pense qu’il y a des échelles beaucoup plus petites pour fonctionner que le niveau aujourd’hui national en France, qui sont plus efficientes et qui correspondent plus aussi à un besoin local. C’est-à-dire qu’on ne va pas fonctionner de la même façon quand on a une ouverture à la mer que quand on vit en plein centre de la Beauce.
Et ça, je crois à l’organisation locale, à la façon d’anticiper les choses localement. Mais par contre, au niveau national, je crois qu’on n’y arrivera pas.
Mais ça, c’est totalement personnel. Je ne suis pas politique, encore une fois.
Je vous livre mon truc. C’est absolument pas journalistique, ce que je vous fais là.
Thomas Gauthier
Alors je vous propose maintenant de passer à la deuxième partie de cet entretien. On a pas mal épuisé l’oracle avec les trois questions que vous lui avez posées.
Maintenant je vous propose de regarder dans le rétroviseur, regarder du côté de l’histoire. Est-ce que vous pouvez ramener aux auditrices et aux auditeurs deux ou trois événements dans l’histoire ?
Elle peut être récente, elle peut être plus lointaine, voire beaucoup plus lointaine, qui selon vous… peuvent servir aujourd’hui de repères, de boussole peut-être, et même nous aider à nous projeter vers les futurs possibles. Que nous raconte l’histoire ?
François Pitrel
Alors j’ai choisi de vous parler d’une histoire que je trouve absolument incroyable, je ne suis pas sûr qu’elle soit très connue. Est-ce que vous connaissez l’histoire de l’île de Nauru, dans le Pacifique ?
Thomas Gauthier
Je ne la connais pas.
François Pitrel
Cette petite île… est minuscule, elle fait quelques kilomètres carrés. Et cette petite île, pendant une vingtaine d’années, entre les années 70 et les années 90, ça a été l’endroit au monde où le PIB était le plus élevé.
C’était les gens les plus riches du monde. Pourquoi ?
Parce que sur cette petite île au fin fond du Pacifique, il y avait une ressource qui s’appelle le phosphate. Le phosphate, ça sert à faire de l’engrais pour faire pousser les plantes.
Et en creusant le sol de ce petit îlot, je crois qu’il fait à peine 12 km², il y a entre 10 et 15 000 habitants, je crois, c’est vraiment minuscule, mais c’est un état. Eh bien, les ressources en phosphate étaient telles, et le nombre d’habitants tellement faible, que très rapidement, la plupart des habitants n’ont plus eu à travailler.
C’est-à-dire qu’il n’y avait quasiment plus personne à bosser. Les ressources étaient incroyablement fortes et il y avait des revenus gigantesques.
Or, cette petite île s’est totalement effondrée économiquement au début des années 2000, parce qu’il n’y avait plus de phosphate et qu’ils ne l’ont pas anticipé. Or, pendant ces 20 années, ils ont consommé de façon totalement délirante.
Ils sont devenus obèses. 45% de la population est devenue diabétique parce que… Ils ont commencé à consommer exactement comme ils voyaient dans les films à la télévision, notamment les films et les séries américaines.
Des grandes marques type McDo, Subway, Starbucks se sont installées et tout le monde ne faisait que consommer ça. Ils ont acheté des voitures dans des quantités incroyables, alors qu’il y a une toute petite île et une seule route.
C’est-à-dire que le dimanche, les gens faisaient le tour de l’île en voiture. C’était un immense embouteillage, mais tout le monde allait en voiture.
Et quand on avait un problème, genre sa voiture crevait, Les gens étaient tellement riches que plutôt que de la faire réparer, ils ont racheté une nouvelle. C’était le délire le plus total.
Sauf qu’au début des années 2000, la ressource en phosphate a commencé à se parir. Et là, ça a été terrible.
C’est-à-dire que quasiment du jour au lendemain, le pays s’est effondré. Il n’y avait plus rien à bouffer.
Plus rien ne pouvait pousser sur l’île parce qu’ils ont creusé leur île dans tous les sens. Elle est ravagée.
On ne peut plus rien y faire pousser. Et cette petite île, pour moi, c’est une allégorie, c’est-à-dire une sorte d’expérimentation de ce que pourrait être notre vie sur la planète si on ne fait pas gaffe dans les années à venir.
C’est-à-dire qu’on va creuser, on va prendre toutes les ressources, on va tout manger. Jusqu’au jour où on va se dire, merde, on aurait dû prévoir un petit peu plus là.
Et il faut peut-être préserver ses ressources. Et cette petite île a expérimenté ça.
Elle est toujours dans une situation catastrophique aujourd’hui. La seule façon de subvenir aujourd’hui à leurs besoins, et encore dans des manières très très restrictives, c’est d’accueillir des migrants que l’Australie ne veut pas.
Et donc il y a un centre de migrants pour lequel l’Australie leur donne de l’argent. D’autres pays aussi, d’autres pays ici, donnent un petit peu de sous.
Mais voilà, et aujourd’hui, ils n’ont plus rien. Et ici, il y a aussi les ressources en pêche, c’est-à-dire qu’ils autorisent certains gouvernements à pêcher dans leur zoo territorial et en échange d’un peu d’argent.
Mais cette situation est absolument dramatique. Or, ils ont vécu des années de faste comme on n’en aura jamais à ce niveau-là, même dans les pays les plus développés.
C’était la folie totale. Les gens racontent que pendant un an, lors des anniversaires, par exemple, on va offrir un arbre et à la place des fruits de l’arbre c’est des billets de banque enfin voilà c’était la folie la plus totale et ils ont tout mangé en quelques années.
Thomas Gauthier
Ce qui est assez incroyable alors dans le récit que vous faites de cette île c’est que c’est peut-être presque une sorte de fonction avance rapide que nos sociétés pourraient faire aujourd’hui, si elle souhaitait s’imaginer dans un monde de l’après pétrole dont vous parliez aussi un petit peu plus tôt dans la question.
François Pitrel
Exactement.
Thomas Gauthier
Je trouve très intéressant aussi dans cette anecdote, dans cette histoire, c’est qu’elle peut être vécue de l’intérieur. On peut très bien imaginer et étudier, et j’imagine du coup que c’est un objet d’étude pour différentes disciplines, comment une société très autonome, d’après ce que vous en dites, peut… précipiter sa fin à la manière dont Jared Diamond nous parlait de civilisations plus anciennes, qu’il s’agisse de l’île de Pâques ou d’autres, qui ont chacune précipité leur fin, vraisemblablement même si cette thèse est contestée, en surexploitant des ressources dont elles disposaient.
François Pitrel
Oui, exactement. Et donc je vous invite, il y a une BD qui s’appelle Les Vieux Fourneaux, qui est une BD assez marrante, qui, dans un de ses premiers tomes, revient sur cet épisode.
C’est comme ça que je l’ai découvert. Et je me suis dit, c’est pas possible, c’est quoi cette histoire ?
J’en avais jamais entendu parler. Et en fait, j’ai été voir un petit peu, et si, exactement, il y a eu…
D’ailleurs, on peut encore le voir, il y a un reportage fait par Arte au début des années 2000. On voit encore, c’est les images les plus récentes en français que j’ai trouvées, où on peut voir un petit peu la façon dont il fonctionne après coup, parce que du coup, c’est devenu une catastrophe humanitaire, ce truc.
Et en effet, on est sur un truc, et c’est ça, ils ont fait avance rapide. Voilà, c’est exactement ça.
Le seul souci, c’est que j’ai l’impression qu’ils ne se sont pas rendus compte qu’ils étaient assis sur un truc qui était une ressource finie, qui allait se tarir un jour. Et j’ai l’impression que nous, c’est pareil.
Voilà, exactement. C’est un parallèle.
Thomas Gauthier
Alors, après ce premier repère historique, je vous demande forcément de nous en partager un deuxième, s’il vous plaît.
François Pitrel
Le deuxième repère historique, j’en ai un peu parlé tout à l’heure. mais en fait C’est les grandes catastrophes type Katrina aux États-Unis, mais ça peut être aussi ce qu’on a vécu au Pakistan. Je trouve qu’on apprend beaucoup de l’état de nos sociétés et de la façon dont elles sont organisées par les grandes catastrophes climatiques qui nous frappent.
Ce n’est pas un événement en particulier qui me touche ou que je vais essayer de développer, c’est vraiment… Ces catastrophes climatiques qui se multiplient et qui vont continuer de se multiplier dans les années à venir, quelle que soit la trajectoire climat qu’on va emprunter, on sait que les événements climatiques sévères vont être de plus en plus nombreux.
Et à chaque fois que ces événements climatiques interviennent, on se rend compte du niveau soit d’impréparation, soit de désorganisation, et souvent aussi du niveau de dépendance qu’on a face à certaines choses. et je trouve qu’on apprend énormément de ces choses là donc voilà par exemple moi j’ai vécu en tant que reporter la grande tempête de xinthia qui s’était déroulée en charente alors on disait que c’était une tempête qui n’arriverait qu’une fois tous les 100 ans le documentaire que j’ai écrit il ya quelques mois montre que ce genre de d’événements climatiques devrait être beaucoup plus fréquent genre tous les cinq à dix ans à partir des années 2050 en France Et donc ça veut dire que des événements où la mer rentre, submerge une partie de nos côtes et rend inhabitable une partie de notre littoral, c’est quelque chose qui en fait va arriver dans très peu de temps. Et j’ai l’impression qu’on ne s’y prépare absolument pas, qu’on investit toujours autant dans des résidences secondaires au Cap Ferret, qui est un endroit qui est quasiment au niveau de la mer, où il y a sûrement une durée de vie qui se compte en à peine quelques dizaines d’années.
Enfin voilà, j’ai l’impression qu’on est totalement encore à côté de la plaque là-dessus. Or, ces événements climatiques sévères nous montrent qu’il faut absolument qu’on s’adapte, qu’on mette en place des…
OK, le réchauffement climatique, on a merdé. Il va falloir qu’on limite au maximum, mais il va avoir lieu.
Le réchauffement, ça y est, il est enclenché. On va faire 1,5, 2 degrés, peut-être plus.
Et ça va avoir des répercussions. Maintenant, préparons-nous.
Et en fait, toutes ces catastrophes passées montrent qu’on est mal préparé. On a des organisations territoriales, on a des digues qui n’existent pas.
On a des plans d’occupation des sols qui sont erronés. On a des populations qui ne sont pas situées au bon endroit.
Et ça, pour éviter que ce soit catastrophique, et qu’on n’ait pas des bilans humains trop lourds, au-delà de la catastrophe économique que ça peut occasionner, il y a aussi des fois juste le bilan humain immédiat. Je crois que là, il faut qu’on apprenne beaucoup plus de ces moments où le climat nous a dépassés, pour qu’on arrive à survivre un petit peu mieux dans les années à venir. parce que j’ai le sentiment, mais parce que voilà, peut-être que je suis trop aussi sur ces questions-là, qu’on n’est pas prêt.
Thomas Gauthier
Alors j’entends à travers ce repère historique que malheureusement notre bibliothèque des catastrophes ne fait que s’étoffer au fur et à mesure des semaines, des mois et des années qui passent. On a une capacité de fabriquer de la mémoire collective autour de ces catastrophes qui est apparemment insuffisante, en tout cas pour orienter nos prochaines décisions, nos prochains actes.
On reviendra un petit peu sur ce sujet de… de mémoire et par parallèle avec la mémoire du passé, je vous proposerais d’évoquer une notion qui d’après moi a été incarnée quelque part dans l’émission 2050 ouvrons les yeux, qui serait celle de mémoire des futurs, mais gardons ça peut-être pendant quelques instants, avez-vous peut-être un dernier repère historique que vous souhaiteriez partager ?
François Pitrel
Alors là comme ça, du coup j’en avais préparé que deux. Après, ça va peut-être être un peu du déjà vu, c’est le rapport mi-dose. ce fameux rapport qui définit un peu les limites de notre planète et qui dit que la croissance économique au bout d’un moment elle pourra plus continuer indéfiniment parce qu’on va se retrouver face à des limites physiques et ce rapport qui en fait contrairement à ce que beaucoup de gens pensent n’a pas été écrit par monsieur denis minos mais par sa femme en grande partie ça fait partie des oubliés EES de l’histoire, eh bien, ce rapport, il est aujourd’hui, il s’avère être juste, quoi.
C’est-à-dire que tout ce qu’ils avaient un peu calculé, les trajectoires qu’ils avaient imaginées, elles ont été recalculées plein de fois et tout, mais leur intuition était la bonne. À l’époque, ça avait fait déjà un petit peu de bruit, mais personne n’avait vraiment pris en compte leurs conclusions dans leur politique, en tout cas les hommes politiques des différents pays développés. On dit « Ouais, c’est un gros travail, hyper intéressant, mais c’est sûrement pas pour tout de suite, on aura le temps de s’y pencher. » Et puis, en fait, aujourd’hui, on se rend compte qu’on a perdu 50 ans.
Thomas Gauthier
Alors, le rapport Meadows, c’est vrai, a eu un écho peut-être plus particulier de l’année dernière, puisque c’était ses 50 ans, ça a été l’occasion à Dennis Meadows, l’un des rescapés de l’équipe du MIT, de… s’exprimer. Peut-être une question plus directement liée à votre pratique professionnelle, aux communautés que vous fréquentez.
Quel est le niveau de sensibilité ou de connaissance du rapport Meadows dans les communautés que vous fréquentez ? Est-ce que c’est un rapport dont entre guillemets tout le monde a entendu parler et tout le monde connaît les principales conclusions ?
Ou alors est-ce que ça reste un objet dont seuls quelques initiés sont friands ?
François Pitrel
Ah bah si, clairement, personne. Franchement, traité de roi homme, ça dit quelque chose.
Il y a des trucs comme ça qui peuvent ressurgir un peu de vieux souvenirs de fac, mais non, non, la plupart des gens ne savent pas du tout ce que ça veut dire, ni ce que c’est. C’est seulement les gens qui sont plongés comme vous et moi dans ce genre de sujet qui ont découvert l’existence de ce rapport, que moi-même j’avais oublié il y a quelque temps quand je me suis replongé sur ces questions. de ressources, de limites planétaires, de tout ce que vous voulez, que j’ai redécouvert l’existence de ce truc.
Et c’est pareil, il y a un bouquin qui est hyper bien sur le réchauffement climatique et le fait qu’on savait dès les années 60… En réalité, les données sur la concentration de carbone dans l’atmosphère et ses conséquences sur le réchauffement climatique, c’est quelque chose qui est tout à fait accepté dans la communauté scientifique dès les années 60-70.
Et il y a toute une équipe de chercheurs et de personnalités qui essayent de mettre toutes leurs forces pour faire en sorte que les gouvernements américains notamment prennent en compte cette question dans leur politique publique. et en fait… On se rend compte qu’ils ont du mal à faire émerger Al Gore, déjà à l’époque, l’ancien vice-président américain, qui est très investi sur la question, et en fait, ils se prennent des portes dans la figure.
Et le poids des lobbies, notamment, fait que la question est refermée à la fin des années 80-90, et qu’on l’oublie, finalement, jusqu’à un passé récent avec la COP 21 en 2015, qui a un peu fait ressurgir ça au niveau mondial. Mais sinon, en fait, ça fait longtemps qu’on aurait dû se pencher sur cette question-là.
C’est pareil, c’est un jalon historique qu’on a un peu laissé de côté, et donc malheureusement que peu de gens encore ont en tête ou connaissent.
Thomas Gauthier
Alors on va peut-être arriver à la troisième et dernière partie de cet entretien, après avoir posé des questions par rapport au futur, après s’être remémoré des parties d’histoire, on va se parler du présent, et peut-être dans votre cas plus particulier aussi, du passé proche. Ce que j’aimerais maintenant vous demander, c’est simplement de partager avec les auditrices et les auditeurs les différentes façons dont vous vous engagez au sens large.
Je ne parle pas d’engagement militant, mais plutôt de rapport au monde, de façon de travailler, de façon de sensibiliser. Et j’aimerais forcément, s’il vous plaît, que vous reveniez avec nous sur l’aventure de 2050, ouvrons les yeux, qui a été en tout cas dans les communautés que je fréquente, un vrai moment. un moment où très important qui a démontré à un large public qu’une chaîne de grande audience, une chaîne nationale, pouvait se saisir de sujets aussi complexes que le dérèglement climatique, que l’anticipation de manière à la fois très professionnelle, très nuancée, très étayée.
Racontez-nous s’il vous plaît les coulisses de 2050.
François Pitrel
Ah ben alors vous me faites plaisir, c’est gentil parce qu’on a beaucoup travaillé avec Isabelle Quintard qu’il a réalisatrice avec myriam almak et la rédactrice en chef de lignes rouges avec un autre journaliste qui s’appelle etienne grelais avec un autre journaliste qui appelle clément granon était une petite équipe frédéric boisset ça c’est des gens qui sont pas connus que vous voyez pas à la télé et qui travaille dans une entité de bfm tv qui ne fait que des longs formats et du documentaire est un des journalistes il ya un petit peu moins d’un an à cette idée un peu folle d’imaginer 2050 en documentaire en se disant ben voilà sur quoi on pourrait avoir des changements dans notre quotidien imaginons la vie en 2050 et c’est là où en fait moi je me suis rendu compte du niveau de connaissance finalement de mes collègues parce que moi c’est quelque chose forcément puisque je traite surtout moi des questions d’environnement et de climat dans mon quotidien c’est des choses sur lesquelles je suis un peu averti et je me suis rendu compte du gap qu’il y avait entre moi et mes collègues sur ces questions-là. C’est-à-dire qu’ils n’avaient pas du tout pris conscience de la gravité de la situation sur le plan climatique, de l’urgence de la situation sur le plan climatique, du mur énergétique face auquel on est en train de se confronter.
Et du coup, ça a été énormément de discussions, de débats, de lectures. pour moi, vraiment hyper enrichissant, parce que ça m’a fait me replonger dans plein de choses, des lectures que j’avais repoussées, en me disant, de toute façon, ça parle de 2050. Et donc, voilà, on s’est tous remis à réfléchir à ces questions-là, et puis après, il a fallu commencer à imaginer comment on fabrique, qu’est-ce qu’on filme, parce que nous, notre boulot, d’habitude, c’est de partir dans un endroit dans le monde, de voir à quoi ça ressemble, de revenir avec des rushs, et puis de les monter, et puis d’en faire un résumé.
Je appelle ça un reportage ou un documentaire. Là, c’est l’inverse.
C’est-à-dire que c’est de la fiction, on imagine quelque chose, on ne sait même pas si ça arrivera, et on a zéro image pour l’illustrer. Comment fait-on ?
Et avec quels moyens fait-on ? Parce qu’on ne fait pas du cinéma, nous, on ne fait pas de l’animation.
L’idée est assez rapidement arrivée de dire, qu’est-ce qu’on sait faire nous à BFM TV ? Une émission.
On sait faire des émissions de télé. Donc faisons une émission de télé qui se passe en 2050 et dans laquelle on va pouvoir dérouler… différents éléments, on imagine un futur proche, et puis on essaye de faire quelque chose qui donne envie.
Parce que c’était ça aussi la demande. On avait tous été marqués par la série, enfin le film sur Netflix qui s’appelait Don’t Look Up, que je vous conseille si vous ne l’avez pas vu, qui parle d’une météorite qui arrive sur la Terre, c’est une allégorie du réchauffement climatique.
Et on s’est dit, mais nous, journalistes aujourd’hui dans une grande chaîne, il ne faut pas qu’on soit traités de gens qui soient dans la même situation, qui ne veulent pas regarder au-dessus d’eux et qui ne veulent pas regarder un peu plus loin que le bout de leur nez. Et donc, on s’est dit, il faut qu’on en fasse quelque chose aussi de positif, dans le sens où il faut donner, pas envie, mais il faut donner les clés aux gens qui ont envie de se pencher sur cette question.
Voilà, qu’est-ce que je peux faire ? Quels sont les leviers qu’on va pouvoir actionner collectivement ?
Qu’est-ce qui ferait qu’en 2050, on ne soit pas dans une situation trop catastrophique ? D’un point de vue climatique et donc politique, parce que ça a créé, comme je vous l’ai dit au tout début de la discussion, plein de boucles. d’action de rétroaction le réchauffement climatique ça peut engendrer pas mal de conséquences si on le limite on limite ses conséquences en tout cas des conséquences négatives et ben voilà donc faisons un journal qui explique comment on a fait mais une édition ce pas une édition spéciale mais mais ne soyons et puis après on est arrivé le petit génie sur votre épaule vous savez comme dans les films de disney vous avez le petit génie blanc et le petit génie le petit diable en rouge celui qui a la bonne conscience et la mauvaise conscience, et il y a la mauvaise conscience qui dit « Eh, dis-leur quand même que ça risque d’être la merde. » Donc on s’est dit, il faut qu’on fasse une autre partie dans le documentaire, qu’on fasse un coup de théâtre, et qu’on dise, voilà, par contre, si on ne fait pas certains efforts, si on ne met pas en place certaines choses, voilà ce qui risque d’arriver.
Donc voilà, ça a été énormément de réunions, on a été totalement libre pour les gens qui se posent des questions sur la liberté des médias, etc. On a fait exactement ce qu’on voulait, au rythme qu’on voulait, interviewé les gens qu’on voulait.
On a été pris avec aucun lobby. On a par contre parlé à plein de gens.
Ils ne sont pas tous présents dans le documentaire ou dans les remerciements, mais on a vraiment énormément consulté, et notamment des scientifiques, pour nous donner un peu leur avis sur… ça a été révisé scientifiquement, c’est-à-dire que nos textes, on les faisait relire. par plusieurs personnes spécialistes d’un sujet, spécialistes des transports, spécialistes de l’agriculture, spécialistes de l’énergie, pour être bien sûr que ce qu’on dit était plausible. L’idée, ce n’était pas que ce soit souhaitable ou envisageable, c’était juste, est-ce que c’est plausible ?
Est-ce que se retrouver avec, par exemple, la Seine à sec en plein milieu du mois d’août, est-ce que c’est plausible ? Alors, sous certaines contraintes, oui.
Ce n’est pas forcément quelque chose qui arrivera très souvent, mais c’est possible que ça arrive en 2050. Est-ce que Dunkerque pourrait être submergée par les flots plusieurs fois en quelques dizaines d’années, de la rendre quasiment inhabitable une partie de cette région du Dunkerquois ?
Oui, c’est plausible. Donc voilà, tout ça, ce n’est pas sorti seulement de nos lectures ou de nos têtes.
On a à chaque fois essayé de faire en sorte que ce soit très carré. Tant que ça peut l’être, puisque évidemment, personne ne sait ce qui va se passer en 2050.
Mais d’un point de vue scientifique, c’était plausible.
Thomas Gauthier
Et alors, au-delà des deux scénarios qui, comme je le disais un petit peu plus tôt, sont tous les deux très nuancés, tous les deux plausibles, et vous avez indiqué là, à l’instant, les façons dont vous avez procédé pour garantir cette plausibilité, ce qui était assez particulier dans cette émission d’anticipation, c’est que la parole a aussi été donnée à la première ministre, Elisabeth Borne, lui permettre de raconter finalement Quels pourraient être les actes posés par le gouvernement pour orienter la société française dans une direction que l’on jugerait plus souhaitable ? Qu’est-ce que l’on peut dire de cette manière d’interagir très particulière, j’imagine, pour une personnalité politique ?
Est-ce qu’il y a des anecdotes que vous avez retirées de cette invitation que vous lui avez faite ? Il me semble qu’elle a pleinement joué le jeu.
Qu’est-ce qui restera selon vous de cette rencontre entre un gouvernement présent et des situations futures possibles ?
François Pitrel
Honnêtement pas grand chose, il n’y avait pas grand chose dans l’interview. Elle était plus venue pour incarner le truc, histoire de dire non non mais on est là, on y réfléchit.
Et elle pouvait s’engager sur rien, donc franchement il n’y avait pas grand chose dans cette interview. Par contre, après, dans la discussion qu’on a pu avoir avec elle, elle trouvait que l’exercice était hyper intéressant, qu’elle ne pouvait pas dire qu’elle était d’accord sur le fond avec plein de trucs qu’on mettait dans le sujet.
Voilà, par exemple, le crédit carbone. Pour ceux qui veulent regarder le sujet, je ne vais pas m’attarder dessus.
En gros, que chaque personne, comme on a un compte en banque, on aurait un compte carbone et qu’on pourrait dépenser jusqu’à la limite de ce qu’on a en carbone chaque année. Ça, elle dit, oui, non, je ne vais pas m’engager sur un truc pareil, sachant que le fait d’augmenter 6 centimes l’essence il y a 3 ans, ça a foutu le feu à la France. Je ne vais pas m’engager sur un truc pareil à l’antenne.
Mais on sent que sur le fond, elle trouve que c’est une excellente idée. Elle dit juste, moi, je pense que ce n’est pas applicable.
Elle a peut-être raison. Mais voilà, j’ai trouvé qu’elle était hyper intéressée par la démarche et qu’elle avait envie d’être présente sur un événement comme celui-là, mais aussi pour des raisons tout à fait politiques.
C’était la COP qui, je ne sais plus, elle se terminait ou elle commençait. C’était le premier jour ou le dernier jour de la COP en Égypte.
Il y avait un timing médiatique qui faisait que ça avait du sens pour elle d’être là, mais pas forcément beaucoup d’intérêt d’annoncer des choses. Donc voilà, je retiendrai juste. que même pour elle, c’était dur de le dire ouvertement, mais évidemment, on était plutôt dans le vrai, même selon elle, elle a la confiance à peu près, beaucoup plus que nous même, de tout ce qu’implique la transition écologique et énergétique, parce qu’elle, ça la coltine au quotidien, c’est quelqu’un qui connaît très bien ce sujet-là, et qui malheureusement aussi est tenu par plein d’impératifs politiques.
Thomas Gauthier
Alors j’ai une dernière question peut-être à vous poser avant de conclure notre échange. Avez-vous eu des retours particuliers de la part des téléspectatrices et téléspectateurs ? Ça peut être des commentaires laissés ici ou là, ou peut-être même des messages qui vous auraient été adressés.
Et puis, question corollaire, est-ce que ce type d’exercice d’anticipation, d’émission d’anticipation, pourrait devenir peut-être dans un format plus léger, puisqu’on ne peut que mesurer les efforts qui ont été fournis pour produire cette soirée ? Est-ce que des… des moments d’anticipation pourraient, selon vous, trouver leur place dans la grille des programmes d’une chaîne de grande audience ?
François Pitrel
Alors, les retours qu’on a eus sont vraiment très bons. On est très content parce que malheureusement l’audience le jour même a été assez mauvaise, voire médiocre.
C’est-à-dire qu’on n’a pas fait beaucoup plus d’auditeurs qu’un jour normal. Or, c’était une édition spéciale qu’on avait essayé de… de teaser, c’est-à-dire d’annoncer un peu à l’avance sur l’antenne, en disant « Regardez, lundi, on fait un documentaire incroyable d’anticipation. » Et puis finalement, il y avait Hanouna en face et les Inconnus qui faisaient leur comeback et du coup, on s’est fait éclater.
Donc il y a eu très peu de gens par rapport… Enfin, il y a eu des gens, il y a eu 300 000 téléspectateurs à peu près, mais c’est malheureusement dans la moyenne de ce qu’on fait d’habitude quand il y avait 2 millions de personnes qui regardaient Cyril Hanouna. faire un retour sur ces frasques avec un député de la France Insoumise. Voilà, ça c’est le monde des médias malheureusement, les gens disent tout ce qu’ils veulent regarder Arte, et puis en fait quand tu regardes les chiffres, ils ne sont pas forcément sur Arte.
Bon voilà, après les retours des gens qui l’ont vu, ils sont extrêmement forts, extrêmement bons, les scientifiques notamment qui nous ont beaucoup remercié de cet exercice de pédagogie qu’on a fait autour de cette question du réchauffement climatique et des crises à venir. C’était quoi la dernière partie de la question ?
C’était sur…
Thomas Gauthier
Est-ce qu’un rendez-vous…
François Pitrel
Ah oui, un rendez-vous… Je suis dans une chaîne d’infos qui fonctionne par rapport à l’actualité.
C’était vraiment un truc un peu événementiel par rapport à un événement qui était la COP. Et donc, on colle un peu ce genre de sujet par rapport à un agenda médiatique.
Après, là, on a une réflexion sur un autre… Sujet qui n’est pas forcément très éloigné, même si ce n’est pas tout à fait la même chose.
La réalisatrice qui s’appelle Isabelle Quintard a lancé un nouveau projet qui imagine ce qui se passerait s’il y avait une bombe nucléaire qui était envoyée par les Russes sur l’Ukraine. Et on imagine pendant tout le documentaire un peu comment… ça se passe au niveau de l’état qu’est ce qui se passe le goût de président la république est ce que il est réveillé en pleine nuit ce qu’il appuie sur un bouton comment ça se passe concrètement en fait la riposte qu’est ce qui se passe quand il ya une bombe nucléaire qui frappe une partie de l’europe ou en tout cas de nos voisins avec les ukrainiens qu’elle est l’enchaînement des réunions à l’international quelles sont les conséquences sur le terrain quoi ça ressemble une explosion nucléaire qu’est ce que ça dévaste quelles sont les conséquences à long terme moyen terme et donc elle essaye d’imaginer ça dans un petit documentaire qu’elle est en train de tourner en ce moment même que l’on peut le faire si peu de façon assez éloigné mais voilà mais ça sera pas un rendez vous récurrent quoi voilà en fonction des bonnes idées qu’on aura on fera des choses dans ce dans ce style là mais sur une chaîne d’infos en continu on est surtout lié à l’actualité ce qui vient de se passer et pas ce qui va se passer dans 100 ans Mais sauf si l’actualité comme la guerre en Ukraine peut nous faire poser des questions dans ce genre-là.
Thomas Gauthier
Écoutez, je vous propose qu’on referme notre échange avec ces derniers mots et aussi avec ce regard en coulisses de 2050. Ouvrons les yeux.
Merci beaucoup François pour votre temps, vos réponses et les éclairages que vous nous avez fournis pendant presque une heure. Merci beaucoup.
François Pitrel
Merci de m’avoir écouté jusqu’au bout.