Non, décidément, l’avenir n’habite pas à l’adresse indiquée. L’avenir, il va résolument falloir l’imaginer.
En ce moment-même, nous assistons à l’émergence spontanée de multiples initiatives collectives qui, chacune, tente de faire sens de la crise que nous vivons et d’explorer les transformations – voire les ruptures – qui pourraient signifier la fin d’un monde… Mais pas pour autant la fin du monde !
Dans la boîte à outils du prospectiviste, on trouve justement une méthode simple et efficace pour structurer les réflexions en équipe et découvrir rapidement les multiples réactions en chaîne qui pourraient donner naissance à des futurs radicalement différents les uns des autres.
La méthode en question, baptisée futures wheel (littéralement, la “roue des futurs”), fut développée en 1971 par Jerome Glenn.
Sa mise en oeuvre nécessite un simple document partagé auquel tous les participants à l’exercice peuvent contribuer. De nombreux modèles sont librement accessibles en ligne, à l’instar de celui proposé par Changeist et reproduit ci-dessous.
Soixante minutes suffisent pour commencer à anticiper, en équipe, les impacts de la crise que nous traversons actuellement :
1. Cinq minutes pour définir la question de départ que l’on inscrira au centre du document partagé. Par exemple :
Quel serait l’impact d’un télétravail massif et contraint devenu la norme ?
2. Dix minutes pour identifier et inscrire, autour de la question de départ, le plus d’impacts de premier ordre que l’expérience de télétravail massif et contraint que nous vivons aura à long terme sur les organisations. Par exemple, le prospectiviste Scott Smith imagine que la bande passante pourrait être saturée entre 9:00 et 17:00 ou que les professionnels pourraient éprouver des difficultés chroniques à prendre soin de leurs enfants à domicile.
3. Dix minutes pour partir cette fois-ci de chacun des impacts identifiés à l’étape précédente et imaginer les impacts (de deuxième ordre, donc) qu’ils pourraient à leur tour avoir. Smith, toujours, imagine que l’utilisation massive de la bande passante durant les heures ouvrables conduirait à une explosion des tarifs pratiqués notamment par les opérateurs de services de vidéo-conférence.
4. Dix minutes pour envisager les impacts de troisième ordre.
5. Dix minutes pour repérer, parmi les multiples réactions en chaîne que vous avez imaginées, celles qui vous paraissent les plus favorables pour votre organisation, puis pour vous demander ce que vous pouvez faire, dès maintenant, afin d’augmenter les chances qu’elles se produisent.
6. Dix minutes pour repérer, au contraire, les réactions en chaîne les plus dangereuses pour votre organisation, puis pour vous demander comment faire pour les éviter.
7. 5 minutes pour conclure et décider des actions à entreprendre immédiatement.
60 minutes : pourquoi ?
Le timing de chaque étape de l’exercice est éminemment empirique et repose sur du vécu. Dès 2016, j’ai (Thomas) eu l’occasion de recourir à la futures wheel et de conduire un exercice, de grande envergure, qui a mobilisé plus d’un milliers d’étudiants aux quatre coins de la Suisse romande afin d’anticiper les défis et opportunités associés au déploiement de l’intelligence artificielle sur tout le territoire (voir pages 69 – 72 de cet ouvrage édité par Quentin).
L’année suivante, en 2017, j’ai accompagné la conception et la mise en oeuvre de Genève 2050, la première démarche de prospective entreprise par l’administration cantonale. De nombreuses futures wheels furent créées à l’occasion d’ateliers participatifs afin de préciser les thématiques qui firent ensuite l’objet d’investigations approfondies.