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Q087 | Comprendre pourquoi on rate à l’entraînement de façon à réussir en mission.

6 mins de lecture

La prospective se focalisant sur l’anticipation des futurs possible, il est facile d’oublier que ce futur pourrait devenir présent très rapidement et qu’il serait judicieux de s’y préparer! Que ce soit une activité tel un saut en parachute ou un métier, apprentissage et entraînement sont primordiaux. C’est avec un grand plaisir que nous laissons à M. Olivier Desjeux le soin de nous le rappeler!

L’exécution d’une mission résulte d’un apprentissage qui aura été effectué en préparation. La préparation a recours à plusieurs méthodes complémentaires pour assurer la restitution de l’information, en particulier la conduite à tenir pour réaliser un travail ou appréhender une situation particulière. L’apprentissage passe par plusieurs phases jusqu’à ce que l’exécution de la mission devienne fluide et limpide. Des erreurs seront commises au cours de ces phases. Il est important de traiter et analyser ces erreurs afin d’enrichir la boucle du savoir, et ainsi constituer le socle solide permettant d’exécuter la mission.

L’acquisition du savoir

C’est en 1956 que MM. Krathwohl et Bloom ont publié une étude sur les principes d’acquisition du savoir. La taxonomie de l’acquisition de la connaissance est représentée, symboliquement, par le passage successif à travers les trois organes que sont la tête, le cœur et les mains. De nombreuses variations existent sur cette base mais le principe général subsiste.

Le savoir cognitif

Dans la vie courante c’est ce qui se passe lorsqu’un étudiant quitte les bancs de l’école pour exécuter une mission auprès d’une entreprise. A l’école, il aura appris des connaissances théoriques sur la base de la signification donnée aux informations. Il aura également mémorisé les cheminements du raisonnement, lui permettant de découvrir une solution appropriée à un problème en restructurant les éléments. C’est le savoir cognitif, qui permet de mémoriser le cheminement nécessaire pour relier des éléments qui paraissaient isolés. Bien que théorique, c’est un processus de mémorisation actif de compréhension-résolution.

On ne retient bien que ce que l’on comprend bien. 

Le savoir du modèle

La présence d’un modèle qui présente la façon de résoudre un problème permet de conforter son savoir par effet d’imitation. La reproduction d’une séquence d’actions n’a toutefois de sens que lorsque le savoir cognitif est suffisamment développé. Le savoir du modèle établit le lien entre le savoir cognitif et la conduite attendue dans un contexte particulier. La précision de la gestuelle de l’instructeur revêt un caractère primordial dans cette phase, où l’élève découvre la mise en pratique de son savoir cognitif. Le modèle est en réalité un ensemble de plusieurs modèles, déclinés sous forme de règles d’exécution à appliquer en fonction des circonstances.

Le savoir du comportement

Synthèse des savoirs cognitifs et du modèle, le savoir du comportement permet de réaliser des enchaînements en établissant un lien direct entre le stimulus et la réponse. Décrit par Pavlov dans ses travaux sur le conditionnement, le savoir du comportement déclenche une réponse appropriée, rapide et précise pour faire face à une situation. Le savoir du comportement est le résultat de l’expérience acquise à l’entraînement, qui aboutit à une mécanisation de l’exécution.

Les pré-requis

Tous les cas de transmission de la connaissance relèvent d’une interaction entre enseignant/maître/professeur/instructeur/moniteur… et élève/étudiant/stagiaire/opérateur… Notons bien le terme interaction, qui sous-entend que la transmission de la connaissance ne s’achève que lorsque l’enseignant a compris que l’élève a compris.

  1. Pré-requis : cadre général
    • Conditions matérielles adaptées
    • Convergence culturelle
      Bien que techniquement possible, l’apprentissage du pliage d’une voile de parachute se fait sur un terrain ou dans un hangar d’aviation, pas dans une église.
  2. Pré-requis enseignant
    • Connaissance du sujet de façon suffisamment approfondie
    • Connaissance des schémas pédagogiques adaptés au type d’enseignement
      En agrémentant les séances d’anecdotes pratiques personnelles, l’instructeur assoit son expérience et donne des justifications pratiques aux enseignements théoriques.
  3. Pré-requis élève
    • Capacités initiales
    • Motivation à apprendre
      Les élèves auront au préalable suivi un cours de formation théorique, auront satisfait aux conditions de l’examen. Ils sont en bonne condition physique et enthousiastes à l’idée de réaliser leur premier saut.

 

Le mécanisme d’apprentissage

Un apprentissage complet passe par les trois points du triangle du savoir selon le schéma proposé ci-dessous. Dans un souci de simplification ce triangle est représenté isocèle alors que le mécanisme d’apprentissage mettra un poids plus ou moins important sur chacun des angles, en fonction des besoins de la restitution. Toutes les phases de l’apprentissage doivent se reboucler sur elles-mêmes dans une logique de correction des erreurs. Et bien entendu, le triangle du savoir permet de passer en revue tous les angles du savoir en boucle afin de réduire les erreurs de connaissance. En particulier, le rebouclement du savoir comportemental vers le savoir cognitif est un passage extraordinaire pour l’acquisition du savoir.

En conditions opérationnelles

L’apprentissage en vue de l’exécution d’une mission requérant une expertise particulière repose toujours sur les trois angles du triangle du savoir. Toutefois les équilibres sont répartis de telle sorte à privilégier une exécution par habileté. Prenons l’exemple d’un pilote. Le niveau de connaissance doit être bien entendu parfait. Il doit connaître par coeur les règles qui s’appliquent à telle ou telle situation.

Mais il est bien entendu impossible de lui demander d’exécuter les tâches sur un mode fondé sur les connaissances : ses ressources cognitives seraient rapidement dépassées compte tenu des enchaînements temporels critiques. En pratique, ce type d’activité est réparti à peu près de la façon suivante :

L’automatisation des comportements est essentielle pour libérer de la ressource cognitive, elle-même nécessaire pour veiller à la bonne exécution du cadre général et pour faire face aux imprévus.

Causes de l’erreur

Avec la prépondérance de l’exécution par habiletés, le risque d’erreur se situe dans le choix de la règle. Il est bien entendu possible de mal exécuter l’habileté, mais l’entraînement préalable aura procuré à l’opérateur un enchaînement mécanique des opérations jusqu’à les rendre parfaites.
Bien entendu, l’exécution par habileté aura été dictée par le choix préalable d’une règle. Au niveau du choix de la règle, le risque d’erreur se situe dans l’analyse par la connaissance des différents éléments concourant à la prise de décision.

C’est au niveau de la connaissance que les risques d’erreur sont les plus importants. Une connaissance insuffisante, une mauvaise appréciation des paramètres environnants ou une situation dégradée sont autant d’éléments qui vont introduire une confusion et impacter la prise de décision.

Rôle de l’entraînement

L’entraînement est essentiel pour répéter l’exécution jusqu’à éradiquer au mieux les cas d’erreur. La mise en situation se fait maintenant le plus souvent au moyen de simulateurs configurables par l’instructeur pour reproduire les cas de figure auxquels l’opérateur se verra confronté. Ces simulateurs développent d’abord l’habileté pour l’exécution d’une manœuvre. Au fur et à mesure que l’habileté d’exécution est acquise, les simulateurs permettent de développer des cas particuliers qui demanderont à l’opérateur d’exercer son jugement dans le choix des règles.
L’opérateur aura développé des compétences très précises à force d’essais et d’erreurs dans l’environnement d’entraînement. Le cadre doit, bien entendu, être toujours supervisé afin d’analyser la cause des erreurs en vue de leur correction.

Les erreurs sont inévitables. Au cours de la phase d’apprentissage, il est primordial d’en identifier la cause et de les porter à la connaissance de l’opérateur. Le cas favorable est celui où l’opérateur comprend et apprend de ses erreurs. Il aura acquis une somme de schémas mentaux lui permettant de réussir sa mission. Par son habileté dans l’exécution des tâches, il aura libéré de la ressource cognitive pour utiliser les bonnes règles et surtout pour faire face aux paramètres extérieurs imprévus. Les cas d’opérateurs incapables d’apprendre de leurs erreurs existent également. Les raisons sont multiples : la motivation, la capacité d’exécution, la condition physique, le biais de personnalité, etc.

Le rôle de l’instructeur est de comprendre la limite de l’opérateur afin de ne pas l’exposer inutilement à des situations d’échec.

Olivier Desjeux, Ingénieur/MBA est également pilote professionnel d’hélicoptères et instructeur. La responsabilité de commandant de bord implique la maîtrise d’un nombre important de sujets différents. Dans ce cadre, l’utilisation de simulateurs sert surtout pour pratiquer l’habileté dans des contextes différents, pas toujours faciles à reproduire en vrai.

Mais d’ordinaire son travail quotidien est en appui aux entreprises technologiques afin d’en augmenter le résultat des processus de création de valeur : revue de plans d’affaires, sessions de murissement stratégique, vérifications diligentes. Ses domaines de prédilection sont l’Internet des Objets (IOT) et de façon générale les nouvelles technologies.

Il dispense également des modules de formation, principalement pour des milieux intra-entreprise, mais également en écoles ou pour des organismes comme la FSRM.

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