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Q202 | Comment utiliser la prospective pour améliorer la paix et la sécurité au niveau global ?

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Building a more secure world.
Source de l'illustration : unidir.org

La prospective permet de mieux se préparer aux situations imprévues ainsi que de s’orienter vers un futur souhaitable. Dans le contexte du désarmement au niveau multilatéral, où certaines questions sont en cours ou n’ont pas été résolues depuis des décennies, cela pourrait notamment contribuer à améliorer les processus, instruments et mécanismes pour traiter de manière plus proactive (que réactive) et plus adaptée aux éventuels changements futurs les questions de désarmement, de non-prolifération, et de contrôle des armements.

Certaines entités au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU), telles que le Programme des Nations unies pour le développement, ont une longue histoire d’utilisation de la prospective. Cependant, de manière générale, l’utilisation de celle-ci n’est pas très répandue à travers l’Organisation – même si cela commence à changer – et ce n’est pas une approche qui a été utilisée dans le domaine du désarmement à l’ONU même.

Dans cette optique, l’Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) a décidé de lancer une étude prospective utilisant des scénarios pour explorer les défis et menaces potentiels à venir pour la sécurité internationale liés au contrôle des armements et au désarmement, ainsi que les mesures potentielles pour répondre ou atténuer les défis identifiés.

Nous avons, par soucis de transparence ainsi que pour permettre le partage de connaissances, aussi rendu public notre approche méthodologique concernant la création des scénarios. 

Celle-ci comprend notamment la formation d’un groupe d’experts divers pour créer les scénarios à travers plusieurs étapes dont une réflexion de tous les aspects qui forment ou sont en lien avec la paix, la sécurité, les conflits, et le désarmement (les « facteurs »), une analyse de ces facteurs pour identifier les plus pertinents en lien avec la thématique de notre étude, et une exploration des différentes manières que ces facteurs pourraient se développer.

En somme, à travers la méthode choisie, nous voulions satisfaire plusieurs exigences en matière de développement des scénarios ainsi que des scénarios eux-mêmes, les trois principales étant présentées ici.

  1. D’une part, on ne voulait pas développer des scénarios, juste pour en développer.
    On voulait que ces scénarios aident à la réflexion et alimentent des discussions de manière collaborative, surtout par rapport aux défis qu’ils soulèvent, aux possibilités qu’ils offrent, et aux questions qui ressortent par rapport aux besoins futurs.

  2. D’une autre part, on voulait pouvoir démontrer comment on en était arrivé aux scénarios finaux. En vue d’utiliser ces scénarios pour alimenter des discussions, notamment avec des représentants d’Etats membres, et compte tenu du contexte géopolitique actuellement tendu, en cas de besoin à cause de réaction négative aux scénarios, nous voulions pouvoir démontrer les différentes étapes et les raisons pour certaines prises de décision. C’est aussi pour cette raison que l’on est parti sur l’application de l’entreprise Scenario Management International (ScMI), qui nous permettait de démontrer le comment du pourquoi à chaque étape du parcours.
    Pour la petite anecdote, nos soucis ont heureusement été infondés, et nous n’avons pas eu à défendre nos scénarios – ils ont été bien accueillis en tant qu’outils de réflexions et de discussions lors des ateliers.

  3. Finalement, nous voulions discuter de, et travailler avec, des futurs très divers l’un de l’autre, mais qui utilisent les mêmes facteurs, avec ceux-ci pouvant évoluer de manières et dans des directions différentes.
    Cela permet de démontrer aux parties prenantes l’impact et la complexité des interactions entre différents facteurs et comment ceux-ci peuvent résulter en différents futurs en fonction de leur évolution.
Visualisation des 5 scénarios retenus.
Avertissement : les scénarios ci-dessus ne visent pas à prédire l'avenir et doivent être considérés comme des outils de discussion uniquement. Ces scénarios ne reflètent pas nécessairement les vues ou les opinions des Nations Unies, de UNIDIR, de son personnel ou de ses sponsors.

Du côté plus substantif, le mécanisme du désarmement au sein de l’ONU a une approche très étroite concernant les armes, leur développement, leur exportation, et leur utilisation, qui ne prend pas nécessairement en compte des facteurs « externes » tel que l’environnement, la crise climatique, les relations financières et commerciales, les facteurs sociétaux et bien d’autres encore. Néanmoins, ces facteurs impactent, et sont à leurs tour impactés par les violences armées, conflits, et décisions liées au contrôle des armes et du désarmement.

Il était donc également important de prendre en compte ces facteurs et en intégrer dans nos scénarios pour démontrer leur importance aux discussions en lien avec le désarmement et aussi pour élargir le champ de discussion et de réflexion des différentes parties prenantes, notamment les représentants d’Etats membres.

Il était aussi important pour nous de prendre en compte les questions de désarmements davantage axées sur l’être humain, la plupart des mécanismes actuels se focalisant principalement sur les questions de stabilité globale ou d’atténuation de la compétition militaire entre Etats.

En effet, il faut reconnaitre que les discussions concernant le désarmement à l’ONU ont, jusqu’à présent, été très centrées sur les risques traditionnels provenant de l’utilisation d’armes. Et ce malgré la Convention sur certaines armes classiques qui est entrée en vigueur depuis le début des années quatre-vingt et qui se focalise sur les effets traumatiques ou sans discrimination de certaines armes dans le contexte de l’application du droit international humanitaire.

Lors de nos discussions ateliers utilisant les scénarios, nous avons donc demandé aux participants de se pencher sur les questions de sécurité à plusieurs niveaux : global, régional, national, et individuel.

 

Auteur : Louis Maniquet

Au final, les scénarios ont été bien reçus par les différentes parties prenantes lors de nos ateliers, qui comprenaient des représentants d’Etats membres, de diverses entités de l’ONU, de la société civile, ainsi que du monde académique et du secteur privé, travaillant de près ou de loin sur les thématiques en lien avec les conflits et la paix. 

Néanmoins, la participation par les représentants d’Etats membres était plutôt faible par rapport au nombre total d’Etats membres de l’ONU. Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer ceci, comme un manque de temps ou de personnel, une concurrence de priorités (comme le suivi de différent processus), ou tout simplement un manque de connaissance de ce genre d’approche et des bénéfices pouvant en résulter. 

Nous espérons donc que la publication de notre rapport final démontrant les résultats et conclusions découlant de ce travail de prospective permette de mieux faire comprendre cette approche au sein de cercles diplomatiques, et – peut-être – d’améliorer les participations futures et même d’intégrer ce genre d’approche de réflexion dans le contexte du désarmement au niveau multilatéral. 

 

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