Introduction
Cet article explore quelques obstacles rencontrés par les responsables de la prospective au sein de gouvernements et propose des solutions permettant d’améliorer l’intégration de la prospective dans les processus décisionnels. Il est basé sur une série de travaux réalisés au fil des années.
Les gouvernements ?
Il faudra d’abord préciser les termes. L’exécutif d’un gouvernement occidental est divisé entre les fonctionnaires censés assurer une continuité dans la gouvernance, et les ministres, qui portent une responsabilité politique et qui sont, eux, redevables envers le public.
Dans beaucoup de systèmes politiques, les ministres sont aussi assortis de « conseillers politiques » ou d’un cabinet.
Les défis de la prospective au niveau ministériel
Les ministères et leurs conseillers sont souvent réticents à prendre en compte des éléments prospectifs, principalement en raison des idéologies politiques. Ils ont été élus avec un mandat de livrer « x », quoi qu’en dise la prospective sur sa robustesse ou sur les alternatives.
D’ailleurs, cet « x » est parfois écrit noir sur blanc dans un manifeste ou dans un accord d’une coalition gouvernementale.
Même lorsque les prospectivistes arrivent à obtenir l’oreille d’un ministre et montrent, par exemple, qu’un thème émergent sur lequel aucun engagement électoral a été convenu, pourrait avoir un impact important sur la société, il peut être difficile pour le politicien d’agir.
Après tout, la prospective parle de choses qui pourraient arriver – les lobbyistes, les citoyens et les bailleurs de fonds du parti, eux, régissent uniquement à toute initiative pouvant avoir un impact aujourd’hui, surtout si celle-ci ne leur plaît pas.
En outre, si le thème se situe dans le futur, la question se pose si le ministre en question sera toujours en poste à ce moment-là ? Pourquoi faire un effort pour quelque chose ou quelqu’un d’autre qui pourrait en profiter ?
Pourquoi faire un effort pour quelque chose ou quelqu’un d’autre qui pourrait en profiter ?
Les défis de la prospective pour les employés du gouvernement
Les employés du gouvernement – souvent ou anciennement nommés « fonctionnaires » – ont généralement des contrats de durée illimitée, et de ce point de vue, ils ont plus d’intérêt pour la prospective.
Cependant, de par sa nature, la prospective fait ressortir des thèmes transversaux qui ne correspondent pas aux silos des ministères et des départements existants.
Toute proposition basée sur la prospective peut donc être perçue comme une attaque contre les compétences d’un département – et sera ainsi farouchement rejetée.
Quant aux fonctionnaires lambda, qui sont chargés d’écrire un texte de loi ou d’appliquer une stratégie, faire de la prospective en plus peut souvent sembler constituer une complication supplémentaire à un processus déjà assez lourd et long.
de par sa nature, la prospective fait ressortir des thèmes transversaux qui ne correspondent pas aux silos des ministères et des départements existants
Communication et influence
Pour bien réussir dans cet environnement, il faut d’abord adapter la communication aux différentes parties prenantes.
Plutôt que de cibler une centaine de personnes avec le même message, il vaut mieux cibler quelques personnes clés avec des messages personnalisés (et pas uniquement en termes de contenu, mais aussi en termes de média : écrit, infographique, podcast peuvent varier en fonction des personnes ciblées).
De plus, lors de la communication, il faudra essayer de proposer des options décrites en utilisant le langage idéologique du ministre. Encore une fois, il s’agit plutôt du langage à choisir que du fond.
Plutôt que de cibler une centaine de personnes avec le même message, il vaut mieux cibler quelques personnes clés avec des messages personnalisés
Pertinence et impact
Mais pour cibler la communication, encore faut-il savoir qui est le destinataire ou la cible !
Dans le meilleur des cas, on répond à un problème qui doit bientôt être tranché par le ministère ou le fonctionnaire. Dans ce cas, le travail de prospective est directement pertinent pour la prise de décision et met en lumière les risques et les opportunités, ainsi que différentes options stratégiques « sans regrets ».
Sinon, si le travail se focalise sur un thème qui n’était pas, jusqu’alors, à l’ordre du jour, il est impératif d’identifier un acteur (ministre, chef de département ou autre) qui pourra politiquement tirer profit de la reprise de ce thème.
Il faut donc impliquer l’équipe de cette personne ou de ces personnes pour qu’ils soient ensuite intéressés par les fruits du travail réalisé.
Allègement et simplification
Parfois, il est également conseillé d’impliquer des personnes externes au gouvernement (experts ou parties prenantes) pour s’assurer que ces influenceurs poussent à atteindre les mêmes conclusions politiques.
Dans ce contexte, la prospective peut simplifier les consultations publiques réalisées en aval (par exemple, dans le cadre du processus d’analyse d’impact d’une législation).
Après avoir participé aux travaux prospectifs, les parties prenantes comprennent pourquoi l’initiative est nécessaire et pourquoi la politique est ainsi formulée.
Leur contribution lors de la phase en aval sera donc déjà basée sur une connaissance du dossier qui est tout autre que lors des consultations traditionnelles.
Conclusion
Il n’est pas simple d’introduire la prospective dans les processus gouvernementaux, mais l’essentiel est de savoir qui sont les acteurs clés, et de les impliquer directement ou indirectement grâce à des communications ciblées.
Une fois qu’ils ont compris pourquoi la prospective est directement pertinent pour leur travail (puisqu’elle informe une décision existante ou montre de nouvelles possibilités qu’ils ne voyaient pas auparavant), la probabilité que celle-ci soit utilisée augmente significativement.
Dans le meilleur des cas, ayant gagné en crédibilité, les prospectivistes au sein d’un gouvernement auront un mandat dont les parties prenantes représentent à la fois du sommet de la hiérarchie (le ministre, le premier ministre ou un accord gouvernemental) tout comme les entités plus opérationnelles (les fonctionnaires qui travaillent sur un dossier voient la prospective comme un moyen de déminer leur travail).
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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