#1 Thierry Dusautoir | Entreprendre et apprendre

24 mars 2022
22 mins de lecture

Après avoir enthousiasmé les fans de rugby sur les terrains du monde entier, en club ou en équipe de France, Thierry Dusautoir s’est mué en serial entrepreneur à succès.

Touche à tout, il a d’abord monté une société d’import export avant de s’engager à fond dans le monde des nouvelles technologies et du capital investissement.

Mais dans ce premier épisode de remarquables, ce n’est ni de sa carrière de sportif de haut niveau, ni de sa reconversion professionnelle dont il sera question.

Il s’agira plutôt de découvrir l’homme, le citoyen, le père de famille.

Avec lui, vous irez à la rencontre de ses espoirs et de ses angoisses. En somme, il vous ouvre la porte de ses pensées.

Entretien enregistré en mars 2022

Entretien enregistré en mars 2022

Transcript de l’entretien

(Réalisé automatiquement par Ausha, adapté et amélioré avec amour par un humain)

Thomas Gauthier

Bonjour Thierry.

Thierry Dusautoir

Bonjour Thomas.

Thomas Gauthier

Merci d’être sur le podcast Remarquable pour cette première. Je vais te proposer de rentrer directement dans le vif du sujet.

Alors voilà, ça y est Thierry, tu fais face à l’oracle. Tu vas pouvoir lui poser des questions sur l’avenir.

Et tiens-toi bien, à chaque question que tu lui poseras, elle te répondra juste à tous les coups. Tu peux lui poser trois questions.

Est-ce que tu peux nous dire par quelles questions tu souhaites commencer ?

Thierry Dusautoir

Alors la première question, je pense que je suis un peu biaisé par l’actualité. Et ma question, ce serait qu’elle sera l’issue de ce conflit en Ukraine qui est juste à côté de chez nous, finalement, qui nous impacte parce que finalement, il est à côté, il a quelques heures d’aviron.

Ils nous impactent parce qu’on le ressent dans notre vie au quotidien. Et voilà, c’est vrai que c’est un moment qui est assez angoissant, même si on ne sommes pas ceux qui souffrent le plus, évidemment. Ça reste un moment angoissant et on se demande comment est-ce que tout ça…

Enfin, je me demande comment est-ce que tout ça va bien pouvoir finir.

Thomas Gauthier

C’est une question, bien sûr, qui… qui préoccupe non seulement les observateurs, évidemment en premier lieu les personnes qui subissent ce conflit, nous aussi qui habitons dans un pays encore aujourd’hui en paix et en sécurité, peut-être que pour prolonger ce questionnement qui est le tien, est-ce que tu peux imaginer que cette fois-ci tu es l’oracle, donc tu as la capacité à finalement deviner l’avenir ? Comment est-ce que tu répondrais à la question que tu viens juste de nous poser si l’avenir prenait une tournure favorable ?

Comment est-ce que cette situation pourrait, selon toi, se résoudre ?

Thierry Dusautoir

Ça serait… C’est ce que j’aimerais, parce que penser, je pense que c’est un peu prétentieux, d’autant dans le sens où on a finalement que très peu d’informations et on n’est pas dans la tête de… nos dirigeants, mais je pense que l’une des solutions qui pourra être envisagée, c’est que les Russes prennent une partie des territoires qu’ils ont annexés, que l’Ukraine réussisse à accepter cela.

C’est certainement pas évident pour eux, on en est loin. mais… Je vois difficilement une autre solution, on va dire, entre guillemets, positive.

Je ne sais pas si on peut dire qu’elle est positive ou favorable, mais on est quand même allé très loin de ce conflit-là. Et sincèrement, c’est assez déroutant, parce que je pense que peu de personnes, finalement, savent ce qui motive réellement.

Vladimir Poutine, ce qu’il peut avoir dans la tête. Donc il y a des dizaines de suppositions.

Si on allume les chaînes info, je pense qu’on se perd dans les suppositions des uns et des autres. Mais en tout cas, on compatit tous au sort des Ukrainiens aujourd’hui.

Thomas Gauthier

Comme tu viens de le dire, c’est une situation d’une complexité sans commune mesure et il y a une forme d’humilité dans l’analyse qui est nécessaire pour pouvoir naviguer les nouvelles informations qui nous parviennent chaque jour, construire comme tu le dis aussi en filigrane des perspectives, des scénarios, tout en étant prêt à remanier finalement ces hypothèses, à penser que la tournure sera peut-être différente de celle à laquelle on s’attend. Forcément, me vient la question suivante à laquelle tu t’attends peut-être désormais.

Si au contraire, la tournure n’était pas favorable, mais que la situation s’aggravait ou se noircissait, quel est le tableau auquel on pourrait avoir à faire face ?

Thierry Dusautoir

Sauve qui peut ! Ca marche comme réponse ?

Thomas Gauthier

Ça marche.

Thierry Dusautoir

Non, c’est… c’est C’est le pire, évidemment. C’est ce que tout le monde craint, un conflit qui dégénère et qui nous amène à un troisième conflit mondial.

Il y a quand même une attention toute particulière qui est portée sur la réaction de la Chine, notamment, qui, si elle venait à… à rentrer dans la danse compliquerait beaucoup beaucoup beaucoup les choses donc effectivement c’est le pire scénario c’est évidemment un conflit un conflit mondial même si moi j’ai j’ai de la famille en amérique du sud et ils sont complètement déconnectés quelque part de ce qui se passe et je pense que ça nous ramène aussi à cette notion de distance par rapport à par rapport au conflit parce que Ce n’est pas le premier conflit qu’on a d’envergure. On a eu au fin du XXe siècle, depuis le XXIe, et pourtant aujourd’hui on est extrêmement touché parce que c’est en Europe.

Donc c’est vrai que cette distance spatiale, j’ai l’impression qu’elle est vraiment importante, même aujourd’hui avec tous les outils qu’on a. et je ne les sens pas du tout impactés par rapport à cette information-là, ou moins, je dirais, impactés. Et finalement, une escalade vers quelque chose de négatif les aspirerait, quoi qu’il en soit, dans cet engrenage-là, parce que tout…

Parce que je ne vois pas un endroit sur Terre où on pourrait échapper à un conflit de ce type. Et pour le coup, c’est une évidence, mais il n’y aura pas de gagnant.

Thomas Gauthier

Ce que tu dis, ce qui est intéressant, c’est qu’on peut encore avoir l’illusion d’être déconnecté d’un conflit d’une telle ampleur, alors que pour tout un tas de raisons, mondialisation… des flux économiques, des flux migratoires, interrelations entre les gouvernants et les systèmes politiques. Il n’y a pas de parti dans le monde qui peut être tout à fait protégé et déconnecté de cette réalité.

Un sujet qui ne transparaît peut-être pas trop encore dans l’actualité, peut-être qu’il est d’importance moindre, quoique on peut en discuter, c’est les liens entre les tensions ou les… les crises géopolitiques et le sport. On a pu voir dans l’actualité des informations importantes.

Je pense à ce qui peut être en train de se jouer du côté du club de Chelsea à Londres. Je pense aussi à des réactions spontanées de joueurs dans différents sports, ukrainiens ou russes, qui prennent position finalement, des fois même sur le terrain de sport.

D’après ton expérience à toi, comment dialogue entre géopolitique et sport ? Est-ce que toi, tu as eu affaire, par exemple, à des situations où la géopolitique a rattrapé ce qui se passe sur un terrain ?

Thierry Dusautoir

Non, parce que dans ma carrière sportive, j’étais quand même préservé. C’est vrai qu’on se rend compte aussi que nous sommes des chanceux, finalement. de ne pas avoir eu à faire un choix quelconque.

Mais dans l’histoire du sport, il y a eu différents types d’engagements parce que tout simplement, le sport c’est un espace qui réunit une masse importante de personnes et où s’expriment les passions, où s’exprime la fierté, une forme parfois de nationalisme. Et si le nationalisme devait s’exprimer, Je préférais qu’ils s’expriment uniquement sur les terrains de sport.

Mais je ne sais pas si tu… Aujourd’hui, évidemment, l’impact des sportifs, notamment des footballeurs, donne une… donnent une valeur à leurs paroles parce qu’ils peuvent toucher un maximum de personnes.

Ce qui est difficile, à mon sens, c’est demander, par exemple, à des joueurs russes de se positionner, sachant le régime dans lequel ils vivent, les interdire de participer à des compétitions. Même si on peut entendre que c’est une manière de mettre la pression sur le pays et d’enlever finalement une possibilité à un régime qui se convoite mal, de briller sur la scène internationale.

Mais pour les athlètes, c’est quelque chose de très dur. Et j’imagine, par les athlètes, aussi les artistes.

Et j’imagine l’incompréhension qu’ils peuvent ressentir, le sentiment d’injustice aussi qu’ils peuvent avoir. Je pense qu’il est très difficile de…

J’ai toujours du mal à juger des autres, dans le sens où leur demander de prendre position, ça serait super, mais on ne peut pas non plus exiger qu’ils le fassent. Tout simplement parce que ça ne nous coûte rien de le dire, ça ne nous coûte rien de le penser.

Eux, ça peut leur coûter très très cher. Donc en général, je préfère éviter de donner des injonctions comme ça à des personnes qui sont concernées au premier chef.

Donc je pense que ça… Ça dépend de chacun, ça dépend des enjeux de chacun, de la motivation de chacun, des opinions aussi de chacun, parce que peut-être que tous les athlètes ne pensent pas que cette guerre est injuste. Donc je pense qu’il faut avoir un côté être humble.

Pour revenir à ta question initiale, effectivement le sport a une telle puissance, surtout dans un monde aujourd’hui où il y a une… surmédiatisation de ces événements-là, où l’individu est porté un peu en espèce d’icône, il y a une starification des athlètes, effectivement les prises de parole ont évidemment un impact aussi important que parfois des hommes politiques.

Thomas Gauthier

Pour aller dans ton sens… On parle de plus en plus d’influenceurs de tous ordres.

Bien sûr, les personnes politiques, finalement, ont comme aspiration d’être des influenceurs, des leaders qui vont amener des communautés dans telle ou telle direction. Les sportifs jouent ce rôle.

Et puis, les différentes cloisons qui pouvaient être étanches entre le champ de la politique, le champ du sport, le champ des arts, semblent petit à petit se dissoudre. Et je reviens sur… tous les commentaires que tu as fait jusque là.

Je retire une intuition de ta part qu’il va falloir conserver une forme d’humilité pour analyser ce qui se passe, pour explorer quelles pourraient être les résolutions de ce conflit et peut-être avoir une forme de réserve par rapport à des affirmations qui seraient trop rapidement faites. l’avenir de ce conflit. Je retiens aussi, puisque tu es parti sur ce sujet dès le début de notre échange, que finalement, s’interroger sur les futurs, c’est regarder d’un peu plus près le présent, puisque l’on est englué quelque part dans la situation.

Et c’est celle-ci qui nous préoccupe, et cela se comprend très bien. Peut-être alors, si tu refais un tour du côté de l’oracle, voilà ta deuxième chance. d’explorer un futur.

Voilà, tu as deuxième chance de lui poser une question au sujet de l’avenir. Rappelle-toi, l’oracle te répondra juste à coup sûr.

Qu’est-ce que tu souhaites lui demander maintenant ?

Thierry Dusautoir

Alors, pour le coup, je te remercie parce que c’est un peu une psychothérapie où j’exprime finalement mes angoisses. Et l’une de mes angoisses, moi, je suis…

C’est évidemment l’écologie, savoir où est-ce qu’on va finalement, est-ce qu’on va réussir, nous, êtres humains, par l’évolution de nos comportements, est-ce qu’on va pouvoir réussir à sauver la planète. Mais quand on dit sauver la planète, parfois cette expression est mieux gêne, dans le sens où…

C’est plutôt sauver l’humanité, parce que même si on venait à disparaître, la planète serait toujours là, dans un état certainement pire que celui dans lequel on l’a connu, mais ce serait plutôt fatal à l’humanité. Donc oui, savoir si on va réussir à… à trouver les solutions, surtout dans nos comportements.

Est-ce que la cause écologique va réussir à faire consensus, finalement ? Faire une espèce d’union mondiale sur les décisions à prendre ?

Aujourd’hui, malheureusement, je trouve que c’est un domaine qui est beaucoup trop politisé, justement parce que… les changements de comportement entraîneraient finalement des perturbations, des déséquilibres existants qui existent depuis des centaines d’années. Mais quoi qu’il en soit, c’est vrai que c’est une…

Je me pose régulièrement cette question-là parce que… Parce qu’on a envie que les choses se passent bien, surtout pour nos enfants et pour la suite.

C’est effectivement une préoccupation qui ne me quitte pas. Donc ce serait une bonne question à poser à l’oracle.

Thomas Gauthier

Ce qui est vraiment intéressant, je pense, dans la façon dont tu as formulé ta question, c’est que tu as commencé par t’interroger sur les changements de comportement. Et je trouve que ça va à rebours de beaucoup de discours qu’on entend autour de l’écologie qui, quelque part, nous annoncent parfois avec calme et sérénité que des solutions techniques seront trouvées à toutes les difficultés qu’on rencontre aujourd’hui, qu’on ne va pas énumérer aujourd’hui, qu’il s’agisse de dérèglements climatiques, d’érosion de la biodiversité, de disponibilité énergétique en berne et je ne sais quoi.

Toi, tu as d’abord… insister sur la notion de comportement. Et tu as ensuite évoqué le fait que faire évoluer ces comportements, ça peut signifier en passer par un état de déséquilibre qui forcément serait inconfortable, notamment pour les élus qui ont une responsabilité finalement de faire persister dans le temps une forme de contrat social qui stabilise les sociétés.

Tu nous dis aussi que finalement, c’est plutôt sauver l’humanité que sauver la planète. Alors justement, si maintenant, tu y es habitué maintenant, c’est toi l’oracle, quels pourraient être les chemins vertueux que l’humanité pourrait emprunter afin de réinsérer quelque part ses activités, sa créativité, son envie d’aller de l’avant dans l’écrin de biodiversité, l’écrin écologique auquel… ne peut pas vraiment se substituer.

Thierry Dusautoir

La difficulté de cette question, c’est que l’idéalisme qu’on pourrait avoir s’oppose finalement à la réalité à la réalité, encore une fois, de nos sociétés. C’est très difficile, je ne saurais pas dire, mais l’une des clés, pour moi la première clé, c’est l’instruction, l’éducation.

Alors finalement, je me sens un peu lâche de trouver cette réponse-là, parce que c’est finalement décharger la responsabilité, refiler le bébé à nos enfants. Mais te dire que moi j’ai 40 ans, j’ai mon frère qui va avoir 20 ans, et je vois déjà qu’en 20 ans, il y a une façon différente d’aborder le monde.

C’est une génération qui ne voit pas tout à fait les choses comme nous on les voyait à 20 ans. et qui sont finalement acteurs d’un changement au quotidien, qui pour eux, finalement, n’ont pas tant de difficultés à faire évoluer leur comportement, parce qu’ils s’inscrivent finalement dans cette logique-là. On parle beaucoup de tout ce qui est RSE, de tout ce qui est contrat social.

Ils sont dans un espace où ils redéfinissent finalement la société dans laquelle… dans laquelle ils veulent vivre. On le voit notamment avec le rapport au travail, par exemple.

Le fait de ne pas chercher forcément à faire carrière, des carrières corporate qu’on a dans nos entreprises. Peut-être qu’aussi, les crises qu’on est en train de vivre successives ces dernières années, elles invitent aussi à cette réflexion-là.

Elles favorisent cette réflexion-là. En tout cas…

Je me dis que l’instruction, vraiment, m’être planté dans la graine de nos enfants, du fait que c’est tout bête, aller à la plage et avec ton petit seau, on va passer trois heures à faire des châteaux, mais on va peut-être ramasser tout le plastique qu’on trouve un peu partout autour de nous. Et puis pourquoi ?

Parce que… Comme dans l’histoire que je t’ai racontée hier, le plastique, ça tue les poissons, et toi, t’aimes bien les poissons, t’aimes bien les tortues de mer.

Voilà, c’est des trucs un peu banals, mais je pense que c’est comme ça, finalement, qu’on réussit à faire changer les choses, finalement, les comportements, parce que nos enfants sont nos bébés, mais c’est surtout les citoyens de demain, les acteurs de demain. Donc peut-être que ça peut être l’une des voies.

Thomas Gauthier

Et pour aller dans ton sens, tu as employé quelques formules fortes. Tu parles de redéfinir la société, tu parles de rebattre les cartes du rapport au travail qui a paru pour plusieurs générations comme quelque chose de parfaitement immuable.

On se réalise à travers le travail, on se réalise à travers le statut social que le travail nous permet d’acquérir. Je t’entends aussi parler de nos enfants comme des citoyens de demain et peut-être du coup en filigrane. tu amorces ou tu nous proposes aussi d’amorcer une réflexion sur mais finalement comment est-ce que ces enfants ou ces jeunes pourraient être encore plus acteurs du monde qu’ils construisent et acteurs aussi de décisions que nous adultes responsables on peut être amené à apprendre l’éducation l’instruction je sais que c’est ces deux dimensions de la vie qui te sont chères alors Imaginons, peut-être pour ta troisième visite auprès de l’oracle, que vraiment celle-ci soit généreuse et te permette une ultime question.

On a parlé instabilité et tensions géopolitiques pour commencer. Ensuite, tu as déplacé le curseur encore plus loin dans le temps et dans l’espace pour nous parler, finalement, sauvegarde de l’humanité. qu’est-ce que serait une humanité dont le futur serait une espèce en voie de disparition ?

Voilà ta troisième et dernière chance de poser une question à l’oracle. Qu’est-ce que tu veux lui demander ?

Thierry Dusautoir

Alors, ça serait une question très, très égoïste, très personnelle, c’est savoir les adultes que seront mes enfants, en fait. Ça rejoint peut-être un peu le sujet de l’écologie, mais c’est vrai que je vois mes petites filles et… C’est marrant parce que c’est quelque chose qui ne me quitte pas. Quand je vois leur comportement, quand je vois la façon dont ils réagissent, je me dis… quels adultes elles seront, à quel moment elles seront.

J’ai à la fois cette curiosité-là, cette impatience-là, pour ensuite me dire, calme-toi, il faut profiter de chaque moment, chaque instant important. Tu le verras bien assez tard.

Mais c’est comme si j’aimerais voyager dans le temps et le Thierry de 40 ans voir ses filles à 25 ans. Voir les adultes qu’elles sont donc ça c’est une question qui pourrait m’intéresser; la réponse de l’Oracle pourrait m’intéresser

Thomas Gauthier

Ce que tu nous dis aussi en posant cette question c’est que finalement dans les réflexions que tu as ou les questions que tu as vis-à-vis du futur tu manies volontiers plusieurs échelles de temps, plusieurs échelles également spatiales et humaines, là tu en reviens jusqu’à la cellule familiale les enfants et tu souhaites quelque part voilà te de projeter dans ce futur du coup peut-être dernière fois pour toi d’être un oracle aujourd’hui raconte nous un scénario que tu juges extrêmement positif en réponse à cette question que tu poses à l’oracle.

Thierry Dusautoir

Moi je pense que c’est le souhait de tout parent c’est voir de jeunes filles épanouies dans ce qu’elles font. Personnellement, je n’ai pas de plan de carrière pour mes enfants.

Je souhaite juste qu’elles… qu’elles soient dans le monde dans lequel elles vivront et qu’elles puissent s’exprimer. Et puis finalement, pour le coup, c’est à nouveau…

C’est quelque chose d’un petit peu narcissique dans le sens où te dire… est-ce que tu leur auras donné les outils nécessaires pour affronter un monde qui est dur ? Même si en France, on est notamment préservé de plein de choses, même à l’échelle de la France, c’est la sortie du coco-féminin, c’est un monde qui est dur.

Réussir à les faire grandir avec de… en les entourant d’amour mais aussi en leur transmettant cette lucidité par rapport à ce que peut être l’extérieur et voilà leur donner les armes les armes intellectuelles notamment pour pour faire leur choix pour analyser des situations et être en accord finalement avec ce qu’elle souhaitent réellement.

Thomas Gauthier

Là encore avec ta réponse, tu fais écho à plusieurs éléments de tes réponses. Tu renvoies à l’incertitude du monde, tu nous parles d’outils intellectuels qui peuvent permettre à tes filles, en l’occurrence plus tard, de faire leur propre choix.

Tu n’envisages pas de plan de carrière en particulier, mais plutôt un épanouissement individuel. Je dirais que pour accompagner tes filles dans ton rôle de papa, et puis pour jouer plus largement ton rôle dans la société, tu as en tête, si tu regardes maintenant le rétroviseur, quelques événements qui ont pu marquer l’histoire, ça peut être des événements à une échelle très locale, ça peut être des événements à l’échelle nationale ou internationale, est-ce que tu as en tête des repères historiques qui ont pu te toucher directement ou pas d’ailleurs, mais que tu gardes en tête et qui sont selon toi des sources de leçons pour le présent et l’avenir ?

Thierry Dusautoir

Encore une fois, je suis assez influencé par l’actualité. Effectivement, j’ai les deux guerres mondiales, notamment la seconde, les deux premières guerres mondiales qui ont concerné nos arrière-grands-parents et nos grands-parents.

Moi, la Deuxième Guerre mondiale, finalement, elle a eu un impact sur ma famille, dans le sens où à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, mes grands-parents français ont fait le choix de s’installer en Afrique. Et je pense que sans les événements qui avaient eu lieu quelques années avant, ils n’auraient pas fait ce choix-là. ça déterminait finalement toute la lignée et finalement mon existence.

Mais si je le ramène quelque chose d’assez global, tu te rends compte que tous les conflits ont leur source finalement dans les conflits précédents. Et ça appelle finalement à, encore une fois, à beaucoup d’humilité par rapport à tout ça, par rapport au fait de déclencher des guerres, de se laisser aller finalement à cette agressivité qu’on a naturellement, parce que je pense que c’est plus un état naturel pour nous d’aller en guerre que de faire la paix, je pense.

Ce côté reptilien de défense de territoire qui fait qu’on a… on aurait plus tendance à… Ça demande moins d’efforts, je veux dire, d’aller faire la guerre que de maintenir la paix. Et voilà, donc ces guerres-là, ces guerres-là, j’y reviens souvent parce que je me souviens, mon grand-père ne voulait pas en parler.

Mon grand-père qui avait été pilote pendant la Deuxième Guerre mondiale, c’est une période qui l’avait traumatisé. Moi, c’est une période qui me… qui me stimulait, j’adorais les livres d’histoire.

Cette période m’a toujours attiré. Face à mon admiration, mais à mon intérêt pour cette période-là, j’avais en miroir… les expressions de regard de mon grand-père, les non-dits, qui me ramenaient finalement à une réalité d’un moment fantasmé.

Parce que nous, finalement, on a eu la guerre via les films, via les reportages, et à ce côté toujours de petits garçons, de dire « moi je vais faire la guerre, je vais faire des petits jeux auxquels on joue » . Et j’ai été marqué en fait par ça chez mon grand-père qui… qui me renvoyait au traumatisme que peuvent être ces moments-là.

Donc voilà, si j’ai le moment historique, ça serait celui-là. Et puis aussi la révolution digitale, qui est un peu positive.

La révolution digitale, elle est… elle a bouleversé notre monde, elle va continuer à la bouleverser. Pour revenir à un élément dont tu as parlé, lorsque j’ai parlé de l’écologie et d’utilisation, je n’ai pas évoqué la technologie, parce que pour moi la technologie reste un outil.

Voilà, elle reste un outil, donc c’est toujours l’être humain qui va être responsable de l’usage qu’il en fera. Mais bon, la révolution digitale, elle a bouleversé nos quotidiens.

On a des enfants qui sont en digital native maintenant. J’ai une petite qui a 3 ans qui utilise mieux un iPad que ma mère qui en a un peu moins de 60.

C’est des choses qui sont complètement hallucinantes en réalité, quand tu te poses 2 secondes et que tu analyses tout ça. Et voilà, ce sont les trois moments que j’ai retenus.

Thomas Gauthier

Écoute, avec ces points de repères historiques, tu m’amènes en tout cas tout un tas de réflexions déjà pour revenir sur le commentaire que tu as fait au sujet des comportements naturels de l’espèce humaine. C’est sûr que les travaux semblent indiquer qu’on a une certaine propension, tu le disais, à vouloir préserver un territoire.

Les guerres mondiales, qui sont des repères historiques pour toi, nous ont montré jusqu’où pouvait aller parfois la folie humaine. On espère que ça ne se reproduira pas.

Et on remarque que malheureusement, dans l’histoire, il a fallu des traumatismes planétaires pour en arriver à des ruptures institutionnelles, pour en arriver à des contextes apaisés, comme le contexte européen depuis plus d’un demi-siècle. J’espère évidemment que cela va durer.

Et puis aussi, il me semble que dans tes réponses, tu nous mets en écho cette mémoire du passé qui nous est utile, qui nous est précieuse, avec peut-être une forme de mémoire des futurs qui consiste à sans cesse justement se poser les questions que tu as bien voulu te poser à voix haute avec nous et qui nous donne des éléments d’espérance. j’ai noté aussi ton utilisation du mot lucidité, peut-être former des espoirs lucides, s’outiller correctement intellectuellement, socialement, pour affronter ces défis à venir, et pour affronter aussi ces défis dans le présent, donc je te propose peut-être Thierry de terminer avec une question. Gandhi nous disait, paraît-il, que nous devrions être le changement qu’on souhaite voir dans le monde.

Est-ce que tu peux nous raconter, avec toute l’humilité que tu as eue depuis le début de l’échange, comment est-ce que toi, tu fais en sorte d’accorder tes actes avec tes paroles et de penser ta vie et de vivre ta pensée ? Est-ce que tu peux nous faire une petite immersion dans la vie de Thierry Dusautoir ?

Thierry Dusautoir

Dans ma tête ? Déjà, je suis une personne qui… qui a un côté psychologique vis-à-vis de la cohérence.

Je ne supporte pas l’incohérence. Je ne supporte pas l’incohérence, les déclarations qui ne sont pas suivies des actes.

Quand j’étais sportif professionnel et que j’étais capitaine des équipes dans lesquelles j’étais, mon leadership, je l’exprimais par l’exemplarité. C’est-à-dire que l’investissement…

L’investissement que je demandais à mes coéquipiers, j’étais le premier à le donner, à l’offrir à l’équipe. Et ça, je pense que c’est ce qui m’a permis de gagner leur respect.

Et donc, moi, je ne supporte pas les paroles à l’emporte-pièce. Donc souvent, je me fais des critiques que je peux recevoir.

C’est-à-dire que j’ai un avis peut-être qui peut sembler… on va dire plat, mais c’est pas tant que j’ai pas de force de conviction, c’est juste que je fais toujours attention à la façon dont j’exprime les choses, parce que je pense qu’il faut avoir souvent de… J’aime bien avoir de la réserve, je pense que c’est important d’avoir de l’humilité par rapport à ce qu’on dit.

Bien heureux celui qui a la vérité, celui qui est l’oracle. J’en ai pas vu beaucoup des personnes comme ça, donc je pense qu’il faut qu’on exprime une…

Même une critique, même si elle est positive, il faut le faire avec la forme et avec toute l’humilité, et dans un esprit constructif. Maintenant, je suis un être humain comme tous les autres, et j’ai mes paradoxes aussi.

Et ça, c’est vrai que c’est des choses qui sont assez dures pour moi, quand je suis en contradiction avec ce que je veux. Mes actes sont en contradiction avec ce que j’aimerais.

J’aimerais faire ce que je pense qu’il est bon de faire. Et ça, ce sont des moments pour moi qui amènent un certain inconfort dans mon esprit.

Et enfin, il y a une règle que je m’applique et que je m’efforce d’appliquer, c’est le premier accord Toltec. Avoir une parole impeccable.

Et j’ai du mal, déjà parce que j’aime pas être méchant en parole, mais pour moi c’est vraiment important de ne pas médire, de ne pas… J’ai du mal à faire ça en fait.

Il faut vraiment que je sois énervé, je perds le contrôle pour le faire. En tout cas, très vite j’essaie de me raccrocher à ça.

Parce que je pense que être dans cette démarche toujours négative, finalement, c’est un poison pour soi-même. Donc, voilà.

S’il y a quelque chose qu’il faut peut-être retenir de moi, c’est ça. C’est que j’essaye.

J’essaye, voilà. D’avoir une parole impeccable, c’est important pour moi.

Thomas Gauthier

Je reviens sur un commentaire que j’ai fait déjà quelques fois en t’écoutant. Je pense que dans tes propos transparaissent l’humilité.

Tu parles de travail, tu parles de respect, tu parles de recherche de la cohérence, et puis tu nous révèles aussi, sans t’en cacher, que cette cohérence, tu ne la trouves pas toujours, et que parfois tes actes ne sont pas exactement en accord avec ce que tu souhaiterais qu’ils soient. Et ce que tu dis m’amène une phrase, alors je ne sais plus du tout à qui il faut l’attribuer, selon laquelle il convient d’admirer celui qui recherche la vérité et de craindre celui qui l’a trouvée. tu nous racontes ici qu’il y a à cheminer il y a à remettre l’ouvrage sur le métier chaque jour il y a aussi à partager sa vulnérabilité avec les autres alors qu’on ne va pas revenir sur les rôles que tu as joué et que tu continues de jouer en tant que meneur d’hommes je te remercie infiniment pour cet échange Thierry c’était le premier épisode de ce podcast je lui souhaite Je lui souhaite longue vie.

Est-ce que tu peux lui envoyer un message à ce podcast ? Qu’est-ce que tu peux lui souhaiter pour la suite ?

Thierry Dusautoir

Tout d’abord, merci de m’avoir invité. Je suis heureux de faire partie des remarquables.

Je suis aussi flatté d’être le premier invité. Et je lui souhaite, certes, une longue vie, mais aussi de continuer à ouvrir cette réflexion, cette porte qu’on a tous dans nos têtes.

On n’accepte pas finalement d’ouvrir forcément, mais avoir un espace où finalement on peut explorer tous ces futurs possibles, ça nous amène, ça nous permet d’aller à la rencontre de nos espoirs, mais aussi de nous confronter à nos angoisses. Donc tout ça, je pense que c’est extrêmement utile.

Donc tout à l’heure, je rigolais en parlant du psychothérapie, mais c’est une réflexion, c’est une introspection qui reste intéressante. Donc j’espère que l’entretien va intéresser les auditeurs, mais en tout cas, il aura été très enrichissant pour moi.

Thomas Gauthier

Merci beaucoup Thierry.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Dernières parutions

Écophobie

Écophobie caractérise l’attitude de ceux qui nient ou minimisent les enjeux écologiques. Face à des informations anxiogènes sur l’état de la planète, l’individu détourne le…
Image d'une caresse de téléphone illustrant le néologisme "smartouille".

Smartouille

La smartouille est un geste devenu naturel. En quinze ans, il a colonisé nos corps. Chaque jour, nos doigts effleurent, tapotent, glissent sur nos écrans…

Datadindisme

Le dindinisme consiste à avoir une vision du futur qui soit la continuation du passé. Ayant une confiance dans la stabilité des tendances, on néglige…