#13 Didier Roux | Chercher et s’émerveiller

13 juillet 2022
46 mins de lecture

Didier Roux est un physico-chimiste, membre de l’Académie des sciences et vice-président de La main à la pâte, une fondation lancée à l’initiative de Georges Charpak, prix Nobel de physique, et qui a pour objectif de développer un enseignement des sciences fondé sur l’investigation, à l’école primaire et au collège.

Auparavant, il a été directeur de recherche au CNRS puis directeur de la recherche et de l’innovation de Saint-Gobain.

Dans l’échange à suivre, il partage sa passion pour les sciences et l’émerveillement que procurent les découvertes, les inventions et les innovations.

Entretien enregistré le 12 juin 2022

Entretien enregistré le 12 juin 2022

Transcript de l’entretien

(Réalisé automatiquement par Ausha, adapté et amélioré avec amour par un humain)

Thomas Gauthier

Bonjour Didier.

Didier Roux

Bonjour Thomas.

Thomas Gauthier

Alors ça y est, tu es face à l’oracle, tu vas pouvoir lui poser trois questions sur l’avenir. Par quelles questions est-ce que tu souhaites commencer ?

Didier Roux

Comme je suis scientifique, et que l’histoire des sciences nous a permis de faire des choses, de comprendre beaucoup de choses sur le monde qui nous entoure. La première question, j’ai envie de poser des questions sur qu’est-ce qu’on va comprendre dans le futur et qu’on n’a pas encore compris sur le monde qui nous entoure.

Bien sûr, l’évolution et la compréhension de l’univers, alors c’est un vaste sujet, mais je vais préciser un petit peu. Et puis, une question sous-jacente à ça, c’est évidemment l’homme a une… position un peu spéciale dans la nature par rapport aux autres animaux et ça a été lié à sa capacité très forte d’innovation et de l’utilisation de ce qu’il découvrait pour fabriquer des objets et des situations utiles pour lui et à son service, en utilisant d’ailleurs souvent la nature à son service.

Et donc là aussi je serais curieux de savoir comment l’homme continuera d’innover et quelles seront les découvertes. qui n’ont pas été encore faites et il y en a beaucoup à faire. Quand on voit un peu le passé, on se rend compte qu’on ne peut pas vraiment prévoir ces découvertes et que l’homme est plus étonnant dans ce qu’il trouve que dans ce qu’il pense devoir trouver.

Donc, c’est toujours plus surprenant ce qu’on trouve que ce qu’on cherche. Alors, la première question, c’est évidemment sur le devenir de l’univers.

Alors, comme peut-être les auditeurs le savent peut-être, En ce moment, il y a des grands domaines scientifiques qui sont en train d’évoluer assez vite, alors des choses un peu fondamentales. Notre compréhension de la physique, en particulier de la cosmologie, a décrit notre compréhension de l’univers dans un sens global, c’est-à-dire d’où nous venons, ce qu’on appelle de façon un peu short, un peu courte, le Big Bang, et puis l’évolution de l’univers, donc cet univers qui est en expansion, qui se refroidit. et qui fait qu’au fur et à mesure de ces températures qui ont diminué avec le temps, a pu apparaître d’abord les particules, les atomes, les molécules, les objets tels que évidemment des étoiles et des planètes, et puis ensuite sur ces planètes et ces étoiles, la vie, au moins pour la planète Terre, mais il n’y a aucune raison qu’il n’y ait pas de vie sur d’autres planètes, on pourra d’ailleurs revenir dans les questions que l’on peut se poser sur l’avenir de l’univers et puis Donc cette vision que ce monde est non seulement en expansion, mais en accélération d’expansion, ce qui est encore plus étonnant, c’est-à-dire qu’il grandit, mais il grandit de plus en plus vite.

Et évidemment, aujourd’hui, en particulier à travers des programmes qui ont fait beaucoup à regarder, de l’astrophysique à regarder par des moyens de plus en plus sophistiqués, des télescopes hors de la planète Terre. comme Hubble et puis maintenant les nouveaux téléstoppes qui ont été envoyés, le nouveau qui va se mettre en route dans pas très longtemps, qui est encore en test jusqu’à cet été, et qui permet d’avoir des images de l’univers qui nous permettent de mieux comprendre ce monde qui nous entoure. Donc il y a des grands problèmes autour de ça, des problèmes qui intéressent les physiciens, mais qui intéressent aussi l’ensemble des habitants de cette planète, sur lesquels on bute, on n’a pas forcément de réponse.

Évidemment, il y a eu la problématique autour de la matière noire, L’énergie noire est une façon aussi de se comprendre. Et puis, on a mis au point des nouvelles méthodes d’observation.

Et ces nouvelles méthodes d’observation, on s’attend à ce qu’elles nous donnent des renseignements. Alors, il n’y a pas que les télescopes dont je viens de parler.

Il y en a une qui est très, très intéressante et qui a donné déjà des résultats. un peu stupéfiants, qui sont l’observation des ondes gravitationnelles. Ça fait beaucoup de bruit dans les médias, ça a permis aussi à l’équipe d’avoir un prix Nobel assez récemment. Mais c’est cette prédiction que lorsqu’il arrive des événements que l’on pensait très rares et peu fréquents, comme par exemple la fusion de deux trous noirs, c’est comme ça qu’on a observé les premières ondes gravitationnelles, et bien l’espace-temps est déformé.

C’était possible dès les premières théories d’Einstein de voir cette déformation. Cette déformation se voit très simplement.

Il faut un objet très précis qui mesure une distance entre deux points. Et puis, lorsque l’onde gravitationnelle passe, ces distances sont distordues. Ça fait comme une onde, un peu comme quand vous jetez un caillou au milieu d’un lac.

Si vous regardez la surface du lac, où il y a deux bateaux qui sont en train de se regarder, lorsque l’on… de déformation de surface liée aux cailloux que vous avez envoyés sur le lac passe au niveau des bateaux, les bateaux bougent, ces mouvements permettent de détecter le mouvement de la surface de l’eau et donc aussi, dans le cas présent, les ondes gravitationnelles. Au début, ce qui est très intéressant, c’est qu’on l’a fait dans un but de démontrer qu’elles existaient, ces ondes gravitationnelles, ce que Einstein, quand il a fait sa théorie, pensait que c’était impossible de pouvoir mesurer parce que les effets étaient beaucoup trop faibles. impossible de mesurer, et puis ils n’avaient pas d’ailleurs en tête les événements qui pourraient provoquer ces ondes gravitationnelles.

Et non seulement on les a mesurées, et on a pu s’apercevoir qu’effectivement une fusion de deux trous noirs permettait à l’espace-temps de se déformer, mais maintenant c’est devenu un instrument de mesure, un instrument de mesure qui permet de sonder l’espace-temps, avec finalement, par l’observation de ces ondes gravitationnelles, on obtient des renseignements que l’on ne pensait pas pouvoir obtenir. autrement et ça a été à la fois une très bonne surprise de les observer, mais surtout encore plus de voir d’abord que les événements étaient assez fréquents, je crois qu’on arrive à pas loin d’une centaine aujourd’hui d’événements qui ont été détectés, et puis que c’est une façon de sonder l’espace qui nous entoure. C’est vrai qu’au début ce n’était pas évident qu’on puisse utiliser ces ondes gravitationnelles comme des moyens d’observation de nouveaux phénomènes.

Voilà, donc écoutez, c’est fantastique d’avoir vécu cette course. période-là. Je ne sais pas mon domaine de science, mais j’ai évidemment suivi tout ça avec passion.

Et j’ai envie de savoir ce dont l’avenir sera fait, parce que quand on a la chance de voir de tels événements, on a envie de dire qu’est-ce qu’on va trouver avec ces nouveaux outils ? Et plus généralement, est-ce qu’on ne va pas en trouver d’autres outils qui permettront de découvrir d’autres choses ?

Donc, si on se restreint, ne serait-ce qu’à le problème de la cosmologie, c’est-à-dire le problème qui… décrit notre univers dans sa globalité et pas dans ses détails. Évidemment, ça ne permet pas de prédire la vie, ça ne permet pas de prédire des tas de choses qui se passent, mais ça permet de donner un ensemble cohérent du monde qui nous entoure, à l’échelle de l’univers, ce qui n’est quand même pas rien.

Eh bien, je suis évidemment fort curieux de voir qu’est-ce qu’on va, dans ce domaine-là, continuer à comprendre, continuer à mesurer, continuer à expliquer. C’est quand même une histoire fantastique que l’homme soit capable. d’expliquer le monde qui l’entoure et que ça soit une histoire aussi fantastique que celle que je viens de décrire en quelques mots, c’est-à-dire une sorte d’événement initial, d’ailleurs qui n’est pas un réel événement, qui est simplement la limite des théories que l’on comprend aujourd’hui.

Donc, on ne sait pas très bien décrire ce qui s’est passé au niveau du Big Bang et même ce qui aurait pu se passer avant ou des choses comme ça. C’est hors de portée de notre… façon de comprendre le monde, et est-ce qu’on arrivera un jour, et on y arrivera probablement, à trouver plus et à comprendre mieux. Ça, c’est pour la partie découverte fondamentale, qui va un peu guider toute notre discussion.

Et puis évidemment, il y a une partie qui m’intéresse aussi beaucoup, puisque j’ai aussi une carrière industrielle, c’est l’innovation, c’est-à-dire mettre justement en place des nouveaux objets, des nouvelles façons d’interagir ensemble. de travailler ensemble. Et là, c’est un domaine qui est aussi plein de surprises.

J’en citerai qu’une, évidemment, l’arrivée d’Internet, puis le couplage d’Internet avec le téléphone portable et l’ordinateur, qui a donné cet objet absolument fantastique que nous avons tous dans les poches, c’est-à-dire un téléphone qui, quelquefois, sert à téléphoner, mais le plus souvent, nous sert à faire des tas d’autres choses, parce que, justement, c’est un ordinateur qui est couplé à Internet. et qui est aussi utile et aussi simple qu’un téléphone. Et ça a été une sorte de convergence de technologies qui, sans qu’on s’en rende compte vraiment, a complètement révolutionné notre façon de vivre en tant qu’être humain, non seulement les pays civilisés, mais aussi tous les pays du monde.

Il n’y a pas de pays sans téléphone portable, avec toutes les conséquences et les choses. que moi, j’estime magnifiques. Après, les gens peuvent s’en plaindre aussi, mais à condition de ne pas devenir esclaves, ce sont quand même des choses magnifiques que l’on peut faire avec.

Donc, pareil, qu’est-ce que nous réserve des innovations auxquelles on n’a pas pensé ? Je décris toujours dans mes cours le fait que le téléphone portable est en fait une innovation qui n’était pas perçue comme un besoin par les gens à qui on demandait s’ils avaient besoin d’un téléphone portable avant qu’il n’existe. et puis qui non seulement s’est révélée être un besoin, mais a eu un développement et une utilisation absolument imprédictibles au moment où on pensait pouvoir faire des téléphones portables.

Je peux raconter l’histoire, ça prendra un peu de temps, mais voilà les deux grands sujets dans ma première question, qui est en fait une double question. Qu’est-ce qu’on va apprendre et comment apprendrons-nous des choses ? ce que nous sommes en tant qu’univers, l’homme et la nature, pas seulement l’homme.

Et puis, quelles nouvelles innovations aurons-nous dans le futur auxquelles on n’a absolument pas pensé, comme nous en avons vu dans le passé ?

Thomas Gauthier

J’aimerais réagir, Didier, à tes premières questions à l’oracle. Tu nous as proposé un voyage en accéléré à travers une partie de l’histoire des sciences, en particulier la science de l’infiniment grand.

Tu nous as ensuite… parler de passerelle entre nouvelles connaissances et nouvelles applications, en nous rappelant ta carrière d’industriel qui a fait suite ou que tu as mené en parallèle ou après ta carrière universitaire. Où est-ce que tu situes aujourd’hui les rapports entre science, technique et société ?

Où est-ce que l’on en est dans la place de la science, dans le fonctionnement de notre société ? Est-ce que plus particulièrement l’état d’urgence dont nous parlent certains scientifiques, d’ailleurs ce sont ceux qui sont les mieux en place pour nous parler du vivant qui nous entoure, du vivant avec lequel on interagit, est-ce que cette situation globale affecte d’une manière ou d’une autre les rapports entre sciences techniques et sociétés ?

Comment est-ce que tu nous situes ce truc ?

Didier Roux

C’est une très vaste question et dans laquelle je suis compétent sur certains points et moins sur d’autres. Alors…

Quand même, j’ai beaucoup réfléchi, puisque j’ai une double carrière de scientifique fondamentaliste et d’industriel, que ce soit avec des start-up ou avec des grands groupes industriels. Donc, j’ai une carrière où j’ai pu avoir ma propre expérience, à la fois dans le monde de la recherche fondamentale publique au CNRS, puisque j’ai une longue carrière de chercheur au CNRS, mais aussi dans des start-up et des grands groupes industriels, ce qui m’a permis quand même de me poser beaucoup de questions sur ce lien, déjà. entre la recherche fondamentale et ce que j’appelle l’innovation technologique, c’est-à-dire l’arrivée de nouveaux objets technologiques qui permettent de changer la vie des hommes.

J’ai cité tout à l’heure le téléphone portable, c’en est un, mais il y en a évidemment bien d’autres. Alors, sur cet aspect-là, j’ai construit une espèce de vision personnelle qui n’est pas la vision de la plupart des gens, encore moins celle du monde politique, mais auquel je tiens beaucoup parce que… je pense qu’on se fourvoie énormément dans la vision que nous avons du lien entre la recherche fondamentale, qui est faite par des chercheurs la plupart du temps payés par des gouvernements, donc payés sur les impôts des gens, et le monde de l’innovation technologique, et le plus souvent fait par des groupes industriels, des start-up, en tout cas des entreprises, dont l’objectif est quand même quelque part d’avoir économiquement, de générer économiquement un profit, et donc d’avoir un succès pour eux. voire ne serait-ce que d’être pérenne au niveau commercial.

Et c’est un sujet évidemment qui occupe beaucoup le monde politique, et puis qui doit occuper les citoyens, parce qu’on peut se demander pourquoi l’État paye des chercheurs à essayer de faire, on va le dire comme ça, à ceux qui veulent, et essayer finalement au bout du compte de construire eux-mêmes leurs propres questions pour y répondre. Alors la base de mon raisonnement, c’est d’être arrivé à la conviction qu’effectivement, les découvertes faites par ces chercheurs fondamentalistes, payées par les fonds publics, la motivation qui conduisait à ces découvertes était fondamentalement différente de la motivation qui conduisait à des innovations technologiques.

Cette différence est profonde, je vais l’expliquer en deux phrases, mais avant, il faut comprendre que le fait même d’accepter cette différence bouleverse. la façon dont on voit le lien entre les deux. Je vais d’abord décrire le lien, puis après j’expliquerai la différence et pourquoi ça bouleverse cette façon de voir le lien.

Alors, le discours ambiant, depuis déjà de nombreuses années, c’est quand même de dire finalement, au bout du compte, la raison pour laquelle les fonds publics et les impôts des citoyens doivent servir à payer des chercheurs dans le monde universitaire, finalement, comprendre le monde qui nous entoure, c’est-à-dire essayer justement de répondre aux questions comme je les ai évoquées dans la première question, c’est-à-dire qu’est-ce que nous sommes, pourquoi nous sommes là, comment ça marche, pourquoi le ciel est bleu, pourquoi l’herbe est verte, pourquoi sur Terre… on n’a pas la tête en bas quand on est en Australie et la tête en haut quand on est en Europe, etc. Toutes ces questions-là reviennent à décrire le monde qui nous entoure.

Et la motivation de cette description, qui est une motivation qui remonte très très loin dans l’antiquité, c’est effectivement de comprendre le monde qui nous entoure. C’est-à-dire que les questions que se pose l’être humain, c’est comment ça marche ?

Comment on peut expliquer le vivant ? la matière et tous les phénomènes que l’on voit autour de nous. Et donc la physique, la chimie, la biologie, et plus loin des sciences, y compris les sciences humaines et sociales, se sont mis à essayer de répondre à des questions dont finalement la raison d’être, c’est comment ça marche, comment on peut expliquer les choses qui nous entourent.

Et ça, c’est un objectif en tant que tel qui a motivé l’homme de… depuis probablement qu’il a été capable de raisonner, il a dû se poser des questions, un peu comme les jeunes enfants, on parlera tout à l’heure, je pense, un peu d’éducation, et on verra que les enfants se posent des questions qui sont tout à fait légitimes, et ces questions, ce sont des questions qui n’ont rien à voir avec, quelque part, l’idée que ça serve à quelque chose, c’est juste parce qu’ils veulent la réponse. Et puis de l’autre côté, l’innovation technologique, alors la raison, donc je suis mon idée, la raison pour laquelle l’État ou les gouvernements paye ces gens à se poser ces questions et à essayer d’y répondre, c’est quelque part l’idée que ça sert à l’innovation technologique.

C’est-à-dire qu’on a bien compris que depuis tous ces temps-là, l’innovation, c’est-à-dire le téléphone portable, la voiture avant, la façon d’utiliser l’énergie, tout ça venait du fait que l’on comprenait un peu le monde qui nous entoure et qu’ensuite on s’en servait en quelque sorte dans un second temps, et le second temps est important dans mon propos, on s’en servait pour améliorer la qualité de vie des êtres humains. que ce soit le matériel, en utilisant de l’énergie artificielle après avoir utilisé l’énergie animale, mais aussi évidemment la santé. Nous vivons plus longtemps que nos ancêtres parce qu’on a fait des progrès sur la compréhension des maladies, etc.

Donc l’idée, c’est que finalement au bout du compte, la logique, c’est que la motivation pour laquelle les impôts des citoyens servent à payer des chercheurs fondamentalistes, c’est parce que ce qu’ils font, ça… ça peut servir ou ça doit servir à l’innovation technologique qui est quelque part source de progrès pour l’organisation humaine. Alors évidemment, ce n’est pas faux ça, et l’histoire montre que de temps en temps c’est vrai, mais l’histoire montre aussi que ça ne marche pas comme ça, c’est-à-dire que cette relation un peu linéaire qu’il y a entre les découvertes fondamentales et les innovations technologiques, en disant que les découvertes fondamentales servent de façon naturelle et logique aux innovations technologiques, ça a conduit à un biais qui est très inquiétant. qui me choque, ayant un peu eu l’occasion de parcourir tout ça, qui est de dire, si on considère qu’il y a une relation linéaire et logique entre la recherche fondamentale et les innovations technologiques, une efficacité plus grande voudrait dire qu’il suffit d’orienter et de décider de faire de la recherche fondamentale liée à des domaines où nous avons un besoin d’innovation technologique.

On peut parler du changement climatique, on peut parler évidemment des besoins de la santé, on peut parler des besoins… plus généralement de la société autour de l’énergie. Bref, on se rend compte qu’effectivement, si on restreint cette recherche fondamentale dans les domaines où l’on perçoit un besoin d’innovation technologique, on peut penser être plus efficace.

Et mon propos, c’est que loin d’être plus efficace, en fait, on perd fortement notre capacité d’innover si on fait ça, parce que l’histoire des innovations montre qu’elle résulte le plus souvent de convergences, de découvertes. qui sont dans des domaines qui n’ont rien à voir avec les domaines où nous voulons innover. Dans mes cours du Collège de France, j’ai pris de nombreux exemples qui traitent de ça, où on voit que l’innovation finale dont on a besoin, en fait, quand on en a besoin, on va chercher des technologies ou des connaissances, des inventions qui ont été faites dans des domaines complètement différents, et c’est ça qui permet d’innover.

Donc, la restriction d’une relation linéaire entre la recherche fondamentale et les innovations technologiques, réduit le champ des possibles et réduit la capacité à terme d’innovation. C’est pour ça que je reviens maintenant à mon propos du début, il faut complètement différencier.

Les objectifs de la recherche fondamentale, qui sont de comprendre le monde qui nous entoure, et les objectifs de l’innovation technologique, qui sont de répondre à des besoins de la société ou à des besoins du marché, c’est-à-dire finalement trouver des solutions à des problèmes que l’on se pose. Et donc, l’idée, c’est que les deux, évidemment, ont un lien.

Je ne nie pas le fait que l’un est utile à l’autre, et réciproquement d’ailleurs, c’est-à-dire que très souvent, les questions que se posent aussi le monde… de la société permet aussi de faire avancer la science, bien évidemment, mais ça doit être une relation parallèle et pas en série. C’est-à-dire qu’ils ne doivent pas dépendre l’un de l’autre, ils doivent tous les deux avoir leur propre momentum, leur propre méthode d’avancer, mais il faut les faire se parler tout le temps, à tous les niveaux, de façon à ce que l’un et l’autre bénéficient des questions que se posent les besoins de la société, mais aussi des avancées de curiosité, je l’appelle de curiosité, de comprendre le monde qui nous entoure.

Mais c’est un point important parce que c’est une façon un peu différente de celle dont on explique le lien entre recherche fondamentale et innovation technologique. Je pense qu’il ne faut pas les faire dépendre d’une façon liée à la causalité de l’un de l’autre, mais au contraire à les faire vivre chacune séparément, mais avec une capacité d’interaction constante en parallèle et pas en série.

Thomas Gauthier

Si je tente une reformulation d’une partie de tes propos ? comprend à travers ce que tu viens de nous dire que la recherche fondamentale se fixe comme objectif de repousser plus loin les limites des connaissances dont on dispose sur nous-mêmes, sur notre environnement, sur le monde physique, sur le monde chimique, sur le monde biologique, sans a priori sur ce que ces connaissances pourraient nous permettre en termes de gains d’espérance de vie, de gains de confort de vie. la recherche appliquée, l’innovation technique, elle part du principe… que des finalités existent, que l’on souhaite par exemple se déplacer plus rapidement, que l’on souhaite avoir accès à des énergies peut-être plus efficaces. Et elle va aller puiser, comme tu le dis, dans des champs de la recherche fondamentale auxquels on n’aurait pas forcément pensé de prime abord.

Quelque part, la recherche fondamentale, elle nous donne une leçon d’humilité puisqu’elle nous dit qu’il n’est pas convenable de nier la complexité du réel. On doit faire avec ces émergences, on doit faire avec le fait que la vie sera pleine de surprises. et que les connaissances « utiles » ne se déclareront comme étant utiles qu’après coup, on ne peut pas, au moment d’un acte de recherche fondamentale, présupposer de l’utilité de ce que l’on est en train d’apprendre.

Didier Roux

Voilà, c’est tout à fait ça. En fait, d’un point de vue des modèles économiques, il y a un modèle que j’aime beaucoup, c’est le premier modèle que Schumpeter a fait de l’innovation, puisque Schumpeter s’était posé la question « qu’est-ce qui fait que les sociétés soient… » en perpétuelle croissance d’un point de vue économique, et il avait répondu, c’est l’innovation technologique.

Mais dans son modèle qu’on appelle le modèle de la boîte noire, qu’il a lui-même appelé le modèle de la boîte noire, il considérait que ce qui correspond aux découvertes fondamentales et aussi aux inventions, j’en ai pas parlé, mais il y a un parallèle à faire avec les inventions que je considère aussi des inventions techniques être du côté des découvertes fondamentales, les inventions et les découvertes fondamentales. était hors du champ de l’économie. C’était une sorte de réservoir de connaissances dans lequel, quand on voulait innover, il fallait aller puiser.

Et ce qui est très intéressant, c’est que dès le début, il a expliqué que le vecteur humain qui permettait de passer de ce monde des connaissances vers le monde de l’innovation technologique, il l’a appelé l’entrepreneur. C’était l’entrepreneur dont la vocation était d’aller puiser dans ces connaissances qui ont été construites par curiosité. et par des questions tout à fait fondamentales, mais en puisant dans ces connaissances et en les utilisant par rapport à un besoin de la société, on pouvait amener une innovation technologique qui faisait progresser à la fois l’homme, mais globalement aussi d’un point de vue économique, l’économie de la société qui nous entoure.

Effectivement, et j’aime bien ce modèle de la boîte noire parce que ce n’est pas un modèle linéaire. On génère ces connaissances et ces compréhensions indépendamment des besoins d’innovation.

Mais quand on a besoin d’innover, on a ce réservoir de connaissances et de compétences dans lequel on peut puiser. Alors, c’est vrai aussi que de temps en temps, le fait de se poser des questions qui correspondent à un besoin d’innovation permet de déclencher des découvertes fondamentales auxquelles les chercheurs n’auraient pas pensé parce qu’ils ne se posent pas toutes les questions possibles et que de temps en temps, les besoins d’innovation posent de bonnes questions aussi au niveau fondamental.

Thomas Gauthier

Avec cette première partie de discussion, on a pas mal exploré ces liens entre recherche fondamentale, innovation technique, société et besoin de la société. Imaginons que tu puisses à nouveau te présenter face à l’oracle.

Cette oracle est généreuse, elle t’invite à lui poser une nouvelle question concernant l’avenir. Qu’est-ce que tu as envie de lui demander cette fois-ci ?

Didier Roux

Alors, je vais maintenant, après ces questions très globales et très larges, il y a une autre question auxquelles j’aimerais pouvoir avoir des réponses. parce que C’est une question qui nous préoccupe tous en ce moment et sur laquelle il n’y a pas de réponse simple, quoi qu’en dise un certain nombre de personnes. C’est évidemment le problème de la source d’énergie des sociétés pour le futur.

Nous sommes dans une situation aujourd’hui où l’être humain a bénéficié pendant un peu plus de 100 ans, mais il n’y a pas très longtemps, disons 100-150 ans, d’un accès fantastique à des énergies pas chères, faciles à transporter, faciles à utiliser, et quelque part… abondantes dans ce sens qu’il suffisait de se baisser pour les ramasser. Je veux parler des énergies fossiles, c’est-à-dire dans l’ordre de leur utilisation, le charbon, le pétrole et le gaz. Ça a été évidemment une source fantastique qui a été une des raisons du progrès des sociétés, c’est d’utiliser cette énergie qui permet d’augmenter de façon fantastique le travail que peut faire l’homme par rapport à ce qu’il peut faire avec sa force propre ou la force des animaux.

Et cet accès à du travail facile, pas cher et abondant a permis évidemment de donner les développements des sociétés, au moins des sociétés occidentales que l’on connaît. Et tout ça étant fait sur une période extrêmement courte.

On peut convenir que le début des sociétés industrielles où on a utilisé en premier le charbon, on est au XIXe siècle, donc il n’y a pas très longtemps. On est sur des périodes, disons, entre un et deux siècles, ce qui dans l’histoire de l’humanité est quand même relativement récent.

Et aujourd’hui, nous sommes confrontés pour les deux raisons que vous connaissez. Le premier, c’est que l’épuisement forcé de ces ressources que nous utilisons beaucoup plus vite qu’elles ne sont produites, et donc que ce soit le charbon, le pétrole ou le gaz, tôt ou tard, et probablement plus tôt que tard, elles vont disparaître de la planète si on continue à les utiliser au rythme où nous les utilisons maintenant.

Et puis le tard, c’est peut-être 50 ans, c’est peut-être 100 ans, parce que pour le charbon, c’est lui qui a les plus grosses réserves. mais pour le gaz et pour le pétrole, ça ira plus vite, il n’y a pas de miracle. On est sûr que tôt ou tard, ça disparaîtra.

En tout cas, à l’échelle de nouveau d’un siècle, c’est-à-dire que finalement, on parle de quoi ? On parle de deux, trois siècles d’utilisation de cette énergie qu’on aura récupérée sur la Terre dans une histoire de l’humanité qui est des millénaires.

Donc, c’est finalement une période extrêmement courte. Et puis, l’autre raison, vous connaissez aussi, qui est la plus dramatique. d’un point de vue temporel, c’est le fait que ces énergies fossiles, on les utilise essentiellement en les brûlant, et comme nous les brûlons, on dégage du CO2, et que ce CO2 contribue fortement au dérèglement climatique par l’augmentation de l’effet de serre et des formes de cascades qui conduisent essentiellement à l’augmentation de la température moyenne de la planète.

Mais c’est une façon très simple de dire que nous avons affaire à un dérèglement climatique. et qu’on a mis la Terre dans une sorte de déséquilibre, elle était en équilibre stationnaire, on est en train de la déséquilibrer rapidement et les conséquences, c’est ce que nous commençons à voir, une augmentation des températures que tout le monde vit ou une diminution dans certains endroits parce que ce n’est pas uniforme, et puis tout ce que l’on connaît sur ce qui correspond au changement climatique et aux inquiétudes que l’on peut avoir d’après les modèles scientifiques qui ont des prédictions qui sont de plus en plus malheureusement confirmées. que notre planète est dans un état de dérèglement climatique par rapport à ce qu’on a connu dans le passé. Et donc, mon problème, c’est qu’est-ce qu’on va trouver au niveau énergie pour remplacer ?

Parce qu’aujourd’hui, soyons clairs, les solutions qui sont proposées, c’est-à-dire essentiellement l’accès aux énergies renouvelables, les deux principales étant le photovoltaïque et l’énergie éolienne, mais il y a aussi la géothermie, il y a aussi d’autres formes d’énergie renouvelable. considérés comme renouvelables, et puis le nucléaire de l’autre côté, ont des problèmes, ne sont pas soit suffisants en quantité, soit difficiles à utiliser. Et je ne sais pas aujourd’hui, c’est un domaine qui m’intéresse beaucoup et sur lequel j’ai passé beaucoup de temps, je ne suis pas sûr aujourd’hui qu’on pourra remplacer assez facilement l’utilisation des énergies fossiles par ce que nous considérons être des pistes. pour le futur, mais comme nous le voyons, on se heurte à des grosses difficultés.

Un problème de coût d’abord, parce que ça coûtera plus cher, mais admettons que ce ne soit pas anormal de payer plus cher l’énergie de demain que nous l’avons payée dans le passé, mais même d’un point de vue quantitatif, ça va poser des problèmes et je ne suis pas sûr d’avoir de façon très simple les solutions à ce problème. Donc là, c’est une question qui est beaucoup plus court terme, qui est beaucoup plus axée dans une direction pratique et pragmatique.

Mais quand même, j’aimerais bien savoir comment on va s’en sortir sur cette transition énergétique dont tout le monde parle et sur laquelle, en fait, dans la pratique, nous ne faisons pas beaucoup de choses.

Thomas Gauthier

J’aimerais reprendre en partie tes propos, Didier, pour te poser une question à laquelle je n’avais pas pensé avant. Donc là, tu viens de nous rappeler que cette exploitation des combustibles fossiles, finalement, c’est une toute petite parenthèse à l’échelle de l’histoire de l’humanité.

On est sur un siècle ou deux d’utilisation des énergies.

Didier Roux

Peu importe, on est dans la centaine d’années.

Thomas Gauthier

Peut-être même trois, comme tu le dis, on est sur l’échelle de siècles, on est sur l’échelle de quelques décennies, peut-être plus, de combustibles fossiles encore disponibles pour faire fonctionner nos sociétés, nos économies. Et puis, on a une espèce qui a ces dizaines de milliers d’années ou plus d’évolution qui nous ont façonné.

Si on s’apprête à basculer dans quelques temps, et je ne sais pas s’il s’agit de quelques décennies ou plus, dans un nouveau régime de société ou de civilisation, est-ce qu’en parallèle, on doit s’attendre, on doit espérer, on doit peut-être enclencher des transformations profondes dans la manière de pratiquer la science, dans la manière de faire de la recherche ? Et je te demanderais peut-être de nous dire si, au moment où les sociétés ont basculé dans l’ère fossile, la méthode scientifique ou les méthodes scientifiques ont elles-mêmes évolué de manière substantielle.

Est-ce qu’il y a des choses à aller voir ? du côté de comment les méthodes scientifiques ont évolué lorsque l’humanité a basculé dans l’ère fossile, est-ce que cela peut nous indiquer ou nous donner des pistes concernant les façons dont les méthodes scientifiques pourraient être amenées à être transformées, puisque l’on serait dans une ère tout à fait différente de celle dans laquelle nous sommes, qui est largement structurée par cette énergie que tu disais abondante et bon marché ?

Didier Roux

C’est en fait une question intéressante, auquel je n’ai jamais réfléchi, donc je n’ai pas de réponse. définitive et argumentée autour de ça. Mon instinct, c’est donc pas du tout une réponse rationnelle, mais mon instinct serait de dire qu’en fait, non, pour la démarche scientifique, je pense que la démarche scientifique est universelle, elle ne dépend pas de l’environnement dans lequel nous sommes, ou des contraintes dans lesquelles nous sommes.

Bien sûr, on ne répond pas aux mêmes questions si on a accès ou pas à des outils, mais Mais quand même, je veux dire, je vais juste donner un exemple. Bien évidemment, l’accès à l’énergie facile a aussi permis de se poser des questions aux sciences qu’on n’aurait pas pu se poser avant.

Avoir construit des accélérateurs de particules comme celui du CERN a permis quand même de répondre à des questions très fondamentales sur le tout petit. Mais comme tu le sais, les problématiques sur le très grand, l’astrophysique, et les problématiques sur le tout petit. les accélérateurs de particules se rejoignent au niveau de la physique parce qu’en regardant très loin l’an passé, on remonte à des températures plus élevées, on remonte à des problématiques qui ressemblent aux problématiques énergétiques du tout petit.

Mais en dehors de ça, dans les deux cas, on consomme beaucoup d’énergie. Le fait d’avoir accès à de l’énergie, c’est utile.

On n’aurait pas pu répondre à ces questions sans avoir accès à des énergies importantes, ne serait-ce que pour envoyer des satellites dans l’espace. ou de construire des accélérateurs de particules. Mais je ne suis pas sûr que ce soit profond, c’est-à-dire que je pense que la démarche scientifique est assez universelle et elle ne dépend pas d’avoir accès à telle ou telle technologie.

Par contre, au niveau de l’innovation technologique, certainement, je pense qu’en ce qui concerne l’innovation technologique, bien évidemment, l’accès à de l’énergie facile a multiplié, fait exploser notre capacité d’innovation. et a permis ce développement très rapide de nos sociétés depuis le XIXe siècle. On peut considérer que grosso modo, le citoyen, beaucoup de citoyens, en tout cas la majorité des citoyens du début du XIXe siècle, ne vivaient pas profondément très différemment de quelques siècles précédents.

Alors que nous, on a vu depuis 100 ou 150 ans des transformations profondes de nos sociétés à cause… et liées aux innovations technologiques. Donc l’accélération de la transformation de nos sociétés s’est faite parce que nous avions effectivement beaucoup d’énergie.

Donc j’ai envie de dire, pour ce qui concerne les découvertes, les méthodes resteront universelles, c’est toujours les mêmes méthodes, se poser des questions. observer, expérimenter, raisonner, faire une comparaison entre la théorie et l’expérience pour valider justement la compréhension que nous en avons et puis ensuite on avance comme ça. C’est tout à fait universel, c’est tout à fait général et ça ne dépend pas du fait d’avoir eu accès ou pas à de l’énergie, simplement évidemment ce qu’on a trouvé en dépend.

Mais la méthodologie est la même. Par contre, il est clair que pour l’innovation ça a été une accélération fantastique. d’avoir accès à ces énergies faciles.

Mais ma question, elle est quand même beaucoup plus, comment va-t-on sortir et trouver la solution à la problématique de la transition énergétique ? Est-ce que ça va être en changeant notre façon de vivre profondément, ce que certains appellent la décroissance, mais on n’est peut-être pas obligé d’appeler de la décroissance, mais finalement vivre autrement et se préoccuper et se poser d’autres questions ?

Ou est-ce que c’est… Il y a quand même aussi un problème évidemment de nombre d’habitants sur la planète. La planète est un objet de taille finie.

On ne peut pas faire croître les populations de façon infinie. Il se posera et se posent déjà les problèmes d’accès aux ressources.

Où aura-t-on une source énergétique encore non découverte ou en tout cas non utilisée qui va nous permettre de traverser ces problématiques de transition énergétique et de continuer à être… énergivore d’un point de vue de l’être humain par rapport à tout ce qui existe d’autre comme animaux.

Thomas Gauthier

Il nous reste un troisième passage devant l’oracle, si tu le veux bien. Tu as encore une troisième question, si tu le souhaites, que tu peux lui poser.

Qu’est-ce que tu veux lui demander maintenant ?

Didier Roux

Alors, c’est une question de philosophie, c’est une question, je dirais, de société qui n’a rien à voir avec la science, mais qui, évidemment, comme citoyen, me préoccupe beaucoup. Nous en sommes encore aujourd’hui. nous sommes encore sur une société, sur des sociétés qui sont sur la Terre, qui, lorsqu’elles ont un problème entre des nations, ou entre des pays, continuent à considérer que la guerre est une façon de résoudre le problème.

C’est-à-dire que c’est un peu comme, si on prend la comparaison, elle est évidente, c’est un peu comme des gamins dans une cour de récréation, ils en arrivent à se battre, parce qu’ils ne sont pas d’accord ou ils sont en conflit. C’est une situation extrêmement… immatures d’un point de vue du comportement social.

C’est-à-dire, aller se faire la guerre pour résoudre des conflits ou des problématiques entre nations est une façon d’une très grande immaturité. On va me dire que ça a toujours existé, oui, on prend l’exemple des gamins dans une cour de récréation qui se battent, oui, effectivement, l’être humain, quand il est devant une impasse et des frustrations, sa façon de s’exprimer, c’est de se mettre en colère.

Disons que la guerre est une expression sociale de la colère, mais c’est quand même d’une très grande immaturité. Et effectivement, la question se pose, est-ce qu’un jour, des historiens, dans probablement plusieurs siècles, voire peut-être plusieurs millénaires, ne décréeront pas cette époque de développement de l’être humain comme une époque extrêmement primaire, où finalement les guerres étaient encore une façon de résoudre des problèmes, d’essayer de résoudre des problèmes ? sans quelquefois les résoudre d’ailleurs, entre des communautés qu’on appelait des nations ou des pays.

Et donc c’est un peu lié aussi à une vision complètement utopiste d’une gouvernance mondiale. On voit qu’un certain nombre de problèmes aujourd’hui auxquels nous sommes confrontés au niveau de la planète, le changement climatique en est un, l’accès aux ressources non renouvelables en est un autre, plus généralement.

On voit que ce sont des problématiques qui ne peuvent se résoudre. qu’au niveau mondial. On ne peut pas résoudre cette problématique à un niveau d’un groupe de personnes, que ce soit un pays ou un ensemble de pays.

Et donc, ma dernière question, c’est est-ce qu’un jour la planète Terre sera dans une gouvernance apaisée et moins conflictuelle que cette mosaïque de nations qui passent leur temps à se faire concurrence et à se taper dessus sans que tout ça se soit très profitable ni à l’être. humain ni à la planète voilà donc c’est une question un peu philosophique beaucoup plus peut-être banal mais qui est quand même évidemment j’aimerais bien être assuré que on lèguera un jour cette planète à des à des enfants des petits enfants des arrières arrière arrière petits enfants qui seront plus sages que leurs aînés.

Thomas Gauthier

Je ne pense pas que ta question soit soit banal moi je la qualifierais plutôt d’existentiel il me semble que ce qui se cache derrière ton interrogation en tout cas je l’interprète ainsi c’est que finalement être humain présuppose au moins en partie d’avoir des comportements belliqueux, de gérer parfois des situations conflictuelles en ayant recours à la violence, sans même non plus évoquer le fait que nous sommes peut-être par nature poussés à essayer d’exercer autant que possible notre volonté de puissance. Et il me semble qu’à mesure que cette volonté de puissance s’exerce, à mesure aussi qu’on a entre nos mains des techniques et des outils hyper puissant, eh bien, en donnant libre cours à notre humanité, on court peut-être à notre… ou en tout cas on rend compliquées les circonstances futures dans lesquelles notre espèce pourrait continuer de vivre et j’ai l’impression que derrière le calme mondial peut-être que tu appelles de tes voeux pourrait nécessiter de construire des institutions de construire des manières de faire société qui d’une certaine manière bloquerait ou empêcherait l’être humain d’aller jusqu’au bout de ces pulsions de ces envies même si je crois comprendre aussi qu’il existe des travaux de recherche nous indiquant Nous sommes des êtres de coopération, des êtres capables d’empathie, et on le constate effectivement au quotidien.

Néanmoins, on est aussi une espèce qui a entre les mains des outils hyper puissants. Et ça me fait penser au passage, comme tu as commencé à parler de philosophie, à la phrase de Camus selon laquelle un homme, ça s’empêche.

Et peut-être qu’il y a effectivement des nécessités d’empêchement ici ou là. On parle en droit constitutionnel de principe de précaution qui implique, je pense, d’avoir une forme de prudence et peut-être aussi d’avoir une forme d’humilité Kiki qui nous est transmise d’ailleurs par la recherche, tu le sais mieux que quiconque, la recherche c’est aussi une façon d’entrer en humilité au quotidien quand on la pratique dans un laboratoire ou ailleurs.

Didier Roux

Bien sûr, mais la question c’est comment tout ça va-t-il évoluer, et effectivement, y a-t-il des solutions qui soient moins négatives pour une partie de l’humanité, tout en étant, sans pour autant couper l’homme de sa capacité de générer du progrès. C’est vrai qu’effectivement, ce qui fait très peur dans ce que tu viens de reprendre, c’est-à-dire des comportements historiquement les mêmes, mais avec des moyens d’action qui sont incroyablement plus importants, la bombe atomique étant évidemment une rupture dans les moyens mis à l’homme pour se détruire, c’est évidemment de courir à l’autodiscution, c’est-à-dire qu’il y a une certaine logique. à ce qu’un jour l’humanité disparaisse de par les activités humaines elles-mêmes, parce qu’il y aura une divergence de comportement avec des moyens d’une très grande nuisance et des comportements qui eux resteront les mêmes, c’est-à-dire de croire qu’on résout les problèmes en prenant le dessus d’une partie de la société sur une autre.

Voilà, j’aimerais bien que Laura nous… nous guide un peu sur ce qui va se passer. La réponse peut être catastrophique, c’est-à-dire la disparition, non pas de l’humanité, parce que je pense qu’il n’y aura toujours, évidemment, et surtout pas de la vigne, la vigne continuera, même sans l’homme, enfin la disparition des sociétés humaines telles que nous les croyons.

Et d’ailleurs, on a connu, on a vu et étudié, c’est très étudié et tout à fait intéressant, de voir des sociétés qui ont disparu, qui ont été florissantes et qui ont fini par disparaître pour des raisons diverses. La raison qui est commune à toutes, c’est un développement très important de la population face à des ressources qui étaient devenues de plus en plus difficiles d’accès.

C’est-à-dire le rapport entre le nombre d’habitants et les ressources finies auxquelles ces habitants peuvent avoir accès. C’est une des raisons, ce n’est pas la seule, mais c’est une des raisons de la disparition d’un certain nombre de sociétés.

Thomas Gauthier

En parlant des civilisations disparues, tu nous… Ça m’amène tout d’un coup à braquer notre regard vers l’histoire, ça m’amène naturellement vers la question suivante que je voulais te poser. J’aimerais s’il te plaît que tu regardes dans le rétroviseur et que tu nous ramènes peut-être deux ou trois événements clés qui ont marqué l’histoire et qui doivent servir selon toi de leçons pour le présent et peut-être aussi de balises pour s’orienter vers l’avenir.

Didier Roux

Alors effectivement, il y en a de multiples. Évidemment, dans le passé, on peut prendre des références qui ont existé, donc qui sont tangibles.

Moi, il y en a une qui m’a beaucoup frappé. et qui est quand même quelque part une sorte de, ce que j’appelle une bifurcation initiale ou une rupture initiale, c’est lorsque l’homme est passé, alors je parle de l’homme, je suis maintenant quand même assez loin après les mutations qui ont transformé les espèces homidées en espèces assez proches de l’homme, l’homme est passé de la cueillette, c’est-à-dire finalement d’un comportement. très très proche du comportement des autres animaux, c’est-à-dire qu’on se sert sur son environnement. comme on a avec ce qu’on a, même si on a quelques outils, même si on a appris à faire du feu, etc. Mais essentiellement, on pioche les ressources qui sont renouvelées autour de nous naturellement et on les utilise au moment où on a commencé à organiser la production, c’est-à-dire à dire qu’on peut faire mieux que de la cueillette, on peut domestiquer des animaux, on peut semer des plantes, on peut commencer à organiser. la production, la production dont on a besoin. À l’époque, c’était évidemment la production de la nourriture qui était le plus fondamental, mais après, c’est devenu ce qui tourne autour de ça.

Et à ce moment-là, évidemment, ça a été une bifurcation essentielle parce que l’homme s’est mis à travailler, entre guillemets. Alors avant, il travaillait aussi pour cueillir, récupérer des animaux, des plantes, etc.

Mais il ne s’occupait pas de les produire, il s’occupait de les cueillir, au sens de la cueillette. Et puis d’un seul coup, il s’est rendu compte qu’il pouvait faire mieux en s’organisant, en sélectionnant des plantes, en utilisant les animaux.

Et ça, ça a été fondamentalement la différence. Et la différence a été quoi ?

L’augmentation très forte du taux de natalité, ou plus exactement la disparition ralentie des vivants, c’est-à-dire la capacité de vivre plus longtemps et de quelque part avoir moins de morts en bas âge, et le début de commencer. à avoir un âge de vie moyen qui a augmenté et qui a permis un développement exponentiel de la population, puisque la méthode même de la reproduction sexuée, c’est justement de donner une reproduction exponentielle. Puisque, comme vous le savez tous, quand vous avez deux êtres humains qui fabriquent plus que deux enfants, par définition, la reproduction est exponentielle. Ça dépend ensuite… La constante de l’exponentielle est fonction évidemment de la durée de vie des habitants et du nombre d’enfants qu’on a, mais c’est exponentiel.

Et puis si vous en avez moins que deux, la société disparaît. Donc on est dans une situation instable.

L’homme et les animaux sont amenés à se reproduire de façon exponentielle et donc ça a été le début de l’augmentation de la population mondiale. et qui a donné. Donc pour moi, ce moment de la société… où les communautés humaines ont compris qu’en s’organisant et en organisant ce que j’appelle la production, on était dans une situation où d’un seul coup, on pouvait finalement croître de façon beaucoup plus importante et beaucoup plus efficace. Ça a été une sorte de rupture fondamentale et qui a commencé à différencier l’espèce humaine des autres espèces animales parce que mieux que les autres… Tous les animaux sont organisés, bien sûr, et eux-mêmes ont créé des sociétés, mais disons que celle de l’homme a de loin surpassé tous les autres animaux en capacité de se développer.

Pour moi, dans le passé, cette étape est essentielle, parce que c’est ce qui fait finalement la différence, d’un point de vue d’une vision de l’homme comme un animal, de l’homme animal des autres animaux. Et voilà, ça a donné ce qu’on connaît.

Pour moi, c’est une question assez fondamentale sur la capacité de l’être humain de se développer avec les problématiques que l’on voit aujourd’hui, qu’il s’est tellement développé que la planète Terre commence à être petite par rapport à la population humaine.

Thomas Gauthier

On commence avec toi par revenir 10 ou 11 000 ans en arrière, à l’époque de la révolution néolithique. Tu es allé chercher très loin cette… mise en route quelque part de la fabrique des sociétés qu’on connaît encore aujourd’hui bien sûr avec toutes les sophistications possible à travers les siècles et accélérer aussi on se l’est déjà raconté plus tôt par la découverte et l’exploitation des combustibles fossiles tu as parlé d’exponentielle certains évoquent la grande accélération dans laquelle nous serions particulièrement depuis la fin de la seconde guerre mondiale et ses exponentielles inquiète puisqu’elle signifie notamment le dépassement de certaines limites planétaires dont on parle assez souvent désormais dans les actualités.

Toujours dans le rétroviseur, est-ce qu’il y a d’autres événements historiques que tu souhaites partager avec nos auditeurs ?

Didier Roux

Je ne peux pas cacher, mais là, on a des centaines, voire des milliers. Évidemment, si on le situe assez loin dans l’histoire, on va remonter au grec.

Jusqu’à maintenant, c’est les grandes découvertes et les grandes innovations. C’est-à-dire le fait que nos sociétés se sont construites avec des arrivées de technologies, d’arrivées de compréhension du monde qui nous entoure. qui ont été la base de transformation profonde de l’organisation des sociétés.

Et ça, pour moi, c’est une source constante d’émerveillement, de voir comment l’homme, en partant de l’observation qu’il avait autour de lui et ses erreurs qu’il a pu, finalement domestiquer la nature à son bénéfice pour justement augmenter sa croissance, etc. Donc, si on prend la dernière dont j’ai parlé, ce que j’appelle la convergence de la téléphonie, de l’Internet et de l’ordinateur, qui est donc ce téléphone portable, quand on y pense, c’est une révolution profonde, parce que le téléphone avait été développé pour que les gens se téléphonent.

L’Internet avait été développé autour de l’ordinateur pour que les gens communiquent, et puis l’ordinateur lui-même a été développé pour augmenter la capacité de calcul dont l’homme avait besoin pour des besoins au départ militaires et de recherche, et qui ensuite a été complètement multiplié par tout, y compris la création artistique, qui elle-même utilise des ordinateurs de plus en plus. Donc, ce que je veux dire, c’est que c’est…

Quand on regarde le passé, c’est toujours avec émerveillement que je vois comment ces innovations technologiques sont arrivées, pourquoi elles sont arrivées et comment elles ont transformé notre société et notre vécu. Et là, on n’a pas le temps de tout prendre parce que c’est infini le nombre de… Mais il y a des grandes étapes qui ont été absolument merveilleuses et qui ont… et qui en plus n’était pas forcément prédictible.

Je reviens à ce que je disais au début, ce qui est toujours fantastique, c’est qu’au début, personne ne peut prévoir ce qu’une découverte va faire, à quoi elle va servir, comme on l’a dit tout à l’heure, mais même une innovation technologique, personne ne peut, en particulier dans le cas que je viens de décrire, Internet par exemple, personne n’aurait eu l’idée, n’aurait eu l’imagination de voir tout ce qu’on peut faire. avec ces connexions qui, au départ, étaient simplement de relier des ordinateurs les uns aux autres. Et ça dépasse à chaque fois toutes les imaginations possibles.

C’est-à-dire que je fais partie des gens qui pensent que toutes les science-fiction qu’on peut inventer sont bien inférieures au niveau de la créativité que la réalité des choses, si on la laisse passer un peu de temps.

Thomas Gauthier

Là, tu viens de nous faire vivre, en accélérer à nouveau un voyage à travers quelques progrès dans les connaissances, progrès scientifiques. progrès dans la capacité aussi de l’homme et des sociétés à créer des nouveaux rapports avec la nature et le vivant. Tout cela nous amène au présent.

J’aimerais, si tu le veux bien, Didier, qu’on arrive à la dernière partie de cet entretien. On s’est beaucoup parlé de futur pour commencer avec nos passages devant l’oracle.

On s’est parlé ensuite d’histoire en regardant dans le rétroviseur. J’aimerais maintenant, s’il te plaît, que tu nous fasses un tout petit peu vivre comment toi, au quotidien, dans ta pratique, Tu as eu tes forces d’accorder tes actes et tes paroles.

Est-ce que tu peux nous raconter un tout petit peu à quoi ça ressemble la vie de Didier Roux en quelques minutes ?

Didier Roux

Alors, en fait, j’en ai déjà beaucoup parlé à travers les questions que je me suis posées. Mais pour moi, il y a trois mots-clés que je vais reprendre, dont un dont on n’a pas encore parlé, donc je vais en parler parce que c’est un point important.

C’est évidemment pour moi découvrir, innover et éduquer. Éduquer, on n’en a pas beaucoup parlé et pourtant c’est quand même un élément clé qui d’ailleurs en ce moment m’occupe particulièrement, puisque je m’occupe beaucoup de la fondation La Main à la Patte qui essaye de promouvoir l’enseignement des sciences à l’école primaire et au collège, qui est une fondation issue de l’Académie des sciences et des deux écoles normales supérieures de la rue Dulles et de Lyon.

Et pour moi, effectivement, je dirais que… Ma vie a été finalement très monopolisée par ces trois termes, découvrir, innover, éduquer, et en fait dans cet ordre chronologique. C’est-à-dire que j’ai d’abord une carrière de chercheur fondamentaliste qui m’a fait découvrir ce qu’est le monde de la découverte.

C’est un sujet qui m’a émerveillé dans ce qui concerne cette question de se poser des questions et d’essayer d’y répondre avec l’expérience, avec la théorie et de construire la connaissance non connue à l’époque autour d’un sujet quel qu’il soit. Et donc la découverte a été pour moi un moteur fantastique d’un certain nombre d’années de ma carrière.

Et puis après, j’ai eu une autre part de ma carrière, un peu en parallèle, mais aussi un peu en série, qui est autour de l’innovation, que ce soit avec des start-up ou avec des grands groupes technologiques, c’est-à-dire d’essayer de réaliser un produit, quelque chose qui allait pouvoir trouver son marché et être utilisé par d’autres êtres humains. Et puis finalement, assez tard dans ma carrière, et de façon un petit peu curieuse, je suis revenu à l’éducation. par éducation qu’évidemment je connaissais pour l’ayant subie, mais ce qu’il faut savoir de moi, c’est que j’ai été très longtemps un cancre, ce qu’on appelle un cancre, à l’école, et donc j’ai beaucoup souffert.

Enfin, souffert, je n’ai pas vraiment souffert, parce que comme j’étais essentiellement paresseux, je ne travaillais pas, donc je ne pouvais pas dire que je souffrais. Enfin, j’étais considéré comme un cancre à juste titre, et je ne travaillais pas à l’école, et je considérais que le système éducatif était, en tout cas, je me suis trouvé inadapté. dans ce système éducatif français.

Et ce n’est qu’au moment de prendre de ma retraite d’industriel que je suis revenu à l’éducation avec cette opération La main à la patte, où je me suis senti intéressé, passionné et un peu obligé aussi, de par la chance que j’ai eue dans ma vie, de redonner un petit peu aux enfants et aux futurs citoyens ce que j’avais eu la chance d’apprendre, mais moi je ne l’avais pas vraiment appris à l’école. Je l’avais appris en le faisant un peu plus tard, les découvertes et les innovations, et donc la science en général.

Et en regardant comment fonctionnait la main à la patte, qui était essentiellement d’utiliser ce qu’on appelle des méthodes actives, c’est-à-dire des méthodes où les enfants participent réellement au questionnement et à la construction de la connaissance qu’ils sont en mesure d’apprendre, je m’étais dit très souvent que si j’avais eu… ce type d’enseignement lorsque j’étais gamin, probablement mon rapport avec la science aurait été beaucoup plus amical et beaucoup plus proche ou beaucoup plus tôt dans ma carrière, plutôt que par accident finalement avoir découvert la science dans mes études bien plus tard et dans des conditions où ensuite j’ai pu évidemment en voir tout l’intérêt et la passion qu’on pouvait y mettre. Mais voilà, donc l’éducation pour moi c’est quand même le moment premier où…

Évidemment, je parle d’éducation scientifique, mais l’éducation en général, c’est le moment premier où finalement la société se construit. Une société se construit par l’éducation de ses enfants et de sa population.

Et il est clair que pour moi, c’est un domaine dans lequel il y a énormément de choses à faire. Malheureusement, nos sociétés sont relativement… primaires dans leur façon d’éduquer leurs citoyens, c’est aussi la seule façon qu’il y a de faire progresser à la fois les personnes comme individus, mais faire progresser aussi les organisations en tant qu’organisation humaine, et c’est en éduquant les personnes, il n’y a pas d’autre façon de faire.

Et donc pour moi, la dernière question qui se pose sur finalement qu’est-ce que je retiens de ce que j’ai fait dans la vie, j’ai eu la chance de faire des découvertes, faire de la science fondamentale. J’ai eu la chance de participer à quelques innovations à différents postes de responsabilité.

Et puis maintenant, j’ai une chance fantastique, c’est de servir cette carrière que j’ai eue et de la mettre au service de tous jeunes enfants en école primaire. Je passe beaucoup dans les écoles primaires, mais aussi dans les collèges.

Et j’ai un plaisir infini à travailler avec ces jeunes enfants, avec ces méthodes actives et de me rendre compte Merci. quelle est la capacité qu’ils ont eux-mêmes de se questionner, mais aussi de construire des réponses rationnelles aux questionnements qu’ils ont, si on les guide un tant soit peu, mais ils ont une capacité logique et normale d’être humains à comprendre qu’en fait on comprend les choses et on les apprend, la connaissance, pas parce que quelqu’un leur explique comment c’est fait, mais parce qu’ils se posent des questions et qu’eux-mêmes participent en partie. au cheminement de la réponse. Et c’est toujours un énorme plaisir de voir ces enfants, comment ils réagissent, et surtout ceux que l’on considère être… un peu déscolarisés, ceux qui ont le plus de mal à rentrer dans le système scolaire classique, c’est pour ça qu’évidemment je m’identifie un peu à eux, et qui, quand on passe à ces méthodes actives, d’un seul coup, se mettent à être intéressés et puis quelque part valorisés, parce que comme on leur construit des complexes dans le système scolaire français parce qu’ils ne sont pas bons à l’école et tout, là ils ont un endroit où ils peuvent s’exprimer, où il faut plus faire preuve de… de raisonnement et d’observation, c’est d’autres qualités que d’apprentissage plus rigoureux.

C’était un peu long, mais je veux retenir quand même que l’éducation, finalement, c’est un peu la base de tout. C’est pour ça que sur une carrière déjà bien remplie et où j’ai eu la chance de faire des tas de choses, je garde en tête qu’aujourd’hui, ma mission, c’est quand même de participer à l’éducation.

Thomas Gauthier

On cerne un peu mieux maintenant, Didier, comment tu utilises ton expérience ? tes expertises au service de l’éducation. Tu as proposé trois verbes d’action pour faire une synthèse.

Tu as dit découvrir, tu as dit innover, tu as dit éduquer. Je te propose d’en rajouter un quatrième, puisqu’il y a un mot que tu as utilisé à plusieurs reprises, c’est s’émerveiller.

J’ai l’impression que derrière ta pratique et ton rapport à la science, il y a effectivement un goût pour l’émerveillement, un goût pour l’étonnement qui n’est pas sans rappeler l’étonnement philosophique de monter ce que c’est. C’est un petit peu comme si dans ta pratique et dans ce que tu nous invites à faire, Il s’agit de bien garder les yeux et les oreilles ouverts pour observer, pour essayer de comprendre, pour formuler des hypothèses, pour faire des erreurs, pour progresser.

Et puis, chaque jour, avoir le plaisir d’acquérir ces nouvelles connaissances et de reconstruire finalement, chemin faisant, le rapport qu’on a envers nous-mêmes, envers les autres, envers l’environnement. Et ça, c’est une quête qui risque bien de nous occuper au moins toute la vie.

Didier Roux

Mais Thomas, tu as complètement raison. Et en fait, l’émerveillement, ce n’est pas en plus. c’est le moteur et quelque part c’est le cœur du dispositif.

C’est-à-dire que ce qui motive la découverte, c’est quand même l’émerveillement, l’émerveillement devant les questions qu’on se pose, mais aussi l’émerveillement devant la capacité d’y répondre, de même pour l’innovation et encore plus, comme je viens de le dire, avec les enfants dans l’éducation. Donc effectivement, tu as tout à fait raison, l’émerveillement, émerveillé, est un terme qui est commun aux trois et c’est même le…

Le cœur du moteur, c’est ça qui justifie, entre guillemets, l’intérêt de découvrir, l’intérêt d’innover et l’intérêt d’éduquer.

Thomas Gauthier

Je te propose qu’on reste alors sur cette injonction à s’émerveiller. Merci infiniment, Didier, pour le temps que tu as consacré à ce podcast.

Didier Roux

Merci, Thomas.

Thomas Gauthier

Au revoir.

Didier Roux

Au revoir.

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