Un carnet de récits pour anticiper les défis humains des techno-conflits
Publié à l’occasion du Deftech-Day du 3 septembre 2024, sur le thème des défis humains face à un environnement militaire hautement technologique, le carnet L’Humain à l’ombre des techno- conflits propose une voie originale pour éclairer les enjeux du combat futur : mobiliser la fiction comme outil de réflexion stratégique.
J’y propose huit récits de fiction centrés sur les impacts humains de l’innovation militaire. Sur fond de guerres informationnelles, de chirurgies connectées ou de soldats augmentés, ces histoires plongent le lecteur dans des situations de combat où la frontière entre l’homme et la machine devient floue.
En tant que designer pédagogique et directrice artistique chez Inspiring Futures, j’ai conçu ce projet selon une méthodologie rigoureuse, mêlant veille technologique, analyse prospective et narration immersive. Chaque récit s’appuie sur une base documentaire solide : publications scientifiques, signaux faibles, controverses bioéthiques, dynamiques géopolitiques.
Ce carnet s’inscrit dans une démarche de création à visée pédagogique : j’y utilise les ressorts de la fiction pour transmettre, questionner et faire vivre des enjeux complexes de manière accessible, sensible et incarnée.
Il prend la forme d’un dispositif hybride — à la fois média narratif, support de formation et outil d’échange — destiné aux professionnels de la défense, aux experts de l’innovation, aux chercheurs et aux pédagogues.
Explorer les futurs à travers des récits fictifs
Chaque récit met en scène un personnage confronté à un événement inattendu à haute intensité technologique : une médecin de guerre opérant à distance grâce à la réalité mixte, une adolescente cyber-soldate engagée dans un conflit virtuel, un militaire augmenté tiraillé entre sa mission et son humanité, ou encore un officier confronté à la fracture entre soldats modifiés et non modifiés.
Les récits d’aujourd’hui sont les graines du monde à venir.
Bien que fictionnels, ces scénarios sont ancrés dans des dynamiques bien réelles. Ils traduisent des problématiques complexes en expériences incarnées, étroitement liées aux réalités opérationnelles et aux émotions humaines : surcharge cognitive, dissociation, perte de mémoire, désorientation, isolement moral.
En mobilisant la puissance de la fiction, je cherche à faire de l’imaginaire un outil d’empathie, de projection et de compréhension du réel. La narration agit ici comme un révélateur : elle fait émerger les zones d’incertitude, les dilemmes invisibles, les tensions difficiles à arbitrer.
Elle permet de ressentir ce que les données brutes ou les rapports stratégiques ne peuvent exprimer seuls.
La fiction pour ouvrir le champ des possibles
Au cœur de ce projet, une conviction : l’anticipation est l’art d’utiliser le futur pour mieux décider dans le présent.
En rendant visibles des tensions invisibles, la fiction permet d’ouvrir le champ des possibles et de nourrir une réflexion collective sur les dilemmes éthiques, opérationnels et humains des conflits technologiques. Elle questionne :
- « Comment les soldats peuvent-ils maintenir la cohésion et la confiance lorsqu’ils sont exposés à des manipulations psychologiques et technologiques ? »
- « Jusqu’où peut-on utiliser la technologie civile pour renforcer les capacités humaines à des fins militaires, et où poser les limites ? »
- « Les innovations peuvent-elles réellement compenser les traumatismes psychologiques de la guerre, ou ne font-elles qu’en masquer les symptômes ? »
Ces interrogations, incarnées dans mes récits, contribuent à élargir les scénarios explorés, à identifier des tensions émergentes, et à préparer les décisions de demain face aux défis éthiques humains, éthiques et technologiques qui s’annoncent.
Un format hybride, à la croisée de la narration et de la prospective
J’ai conçu ce carnet comme un dispositif hybride, à la fois média narratif, support de formation et outil d’échange. Il s’adresse à une diversité de publics : professionnels de la défense, cadres militaires, designers d’innovation, chercheurs, enseignants, étudiants…
Deux modes d’usage sont possibles :
- Une lecture continue, portée par la cohérence d’un univers et de thématiques immersives ;
- Une activation ciblée, en contexte pédagogique ou stratégique : chaque récit peut faire l’objet d’un atelier, d’un module de formation ou de débats collectifs.
Ce format propose une entrée sensible dans des sujets complexes, en rendant tangibles et accessibles des concepts souvent techniques. L’espace du carnet devient un terrain d’exploration personnalisé, où chaque lecteur ou lectrice projette ses propres représentations, ses questions ou ses aspirations.
Il ne s’agit pas seulement de comprendre, mais de vivre les futurs possibles, tout en mobilisant la créativité collective pour interroger nos choix présents et construire des récits partagés.
Une démarche transversale et transposable
J’ai également déployé cette démarche dans deux domaines très différents : la santé et le changement climatique. Ces projets partagent une même ambition : rendre sensibles les tensions systémiques à travers des récits incarnés et poétiques.
Santé — Le carnet d’exploration « Odysée 2040 – Les Futurs de la Santé »
Ce carnet d’exploration fictionnel propose huit récits prospectifs autour des mutations possibles du système de santé à l’horizon 2040. À l’image des tensions du champ militaire, chaque histoire met en scène des situations concrètes traversées par des enjeux systémiques :
- « Comment concilier télémédecine et proximité humaine dans un « hôpital dématérialisé ?»
- « Quel rôle pour l’éthique dans un monde où des implants sont prescrits par intelligence artificielle ? »
- « Lorsque des sentinelles veillent au bien-être émotionnel et physique des habitants, àv partir de quand la prévention bascule-t-elle dans le contrôle social ? »
Ces récits confrontent soignants, patients et décideurs à des futurs possibles où la technologie, une fois encore, vient interroger les limites du soin, du contrôle, et de l’humanité.
Changement climatique et Santé — L’exposition « Les Tisseurs de Rêves »
Cette exposition immersive est née d’une expérience menée avec des enfants de 9 à 11 ans, dans le cadre d’ateliers d’ateliers d’expression créative intitulés La planète de mes rêves. Guidés par une démarche pédagogique fondée sur l’imaginaire, les enfants se sont glissés dans la peau d’Explorateurs des Mondes Invisibles, capables de ressentir les émotions de la Terre et d’inventer des solutions extraordinaires pour la protéger.
Chaque récit, inspiré d’une problématique réelle (pollution, réchauffement climatique, maladies vectorielles, antibiorésistance…), est porté par un portrait poétique d’enfant et une solution imaginaire conçue par lui ou elle. Parmi ces inventions sensibles : les Gardiens Méduse qui neutralisent les moustiques, les Fleurs du Souffle qui purifient l’air des microplastiques, ou encore les Coquillages guérisseurs pour panser les blessures humaines et planétaires.
Les Tisseurs de Rêves donne à voir des mondes désirables, dessinés par ceux qui les habiteront demain. L’exposition crée un dialogue intergénérationnel et invite les entreprises de la biotechnologie à s’engager dans un pacte sociétal et environnemental : innover de manière responsable, collaborer avec les citoyens, et intégrer la voix des jeunes générations.
À la croisée de l’éducation au développement durable, de l’art participatif et de la prospective sensible, ma démarche constitue un modèle duplicable, une invitation à penser autrement la transmission — en mobilisant l’imaginaire comme levier de transformation sociale.
Les Plumes Apaisantes : Lorsque l’air devient sec, brûlant et rempli de polluants, Sacha, 10 ans, rêve d’un arbre magique — le Grand Arbre des Vents — dont les plumes colorées apaisent les peaux irritées et purifient l’atmosphère. Un souffle d’espoir pour soigner l’air... et les enfants qui y respirent.
Trois contextes, une approche commune
Malgré leurs différences de contexte, de tonalité et de publics, ces trois projets partagent une même vision : la fiction est un levier d’anticipation, de transmission et de transformation.
Chacun s’appuie sur une démarche rigoureuse, mêlant veille documentaire, analyse systémique et mise en récit. Les fictions ne naissent pas d’un pur imaginaire : elles s’ancrent dans des signaux faibles, des controverses actuelles, des enjeux émergents — qu’il s’agisse des conflits de demain, des futurs du soin ou des mutations de la planète.
Plutôt que d’expliquer, ces récits donnent à ressentir. Plutôt que de prédire, ils interrogent. Ils rendent tangibles des problématiques complexes, ouvrent des espaces d’échanges, et facilitent l’appropriation collective des enjeux. Pensés comme des formats activables, ils sont conçus pour être mobilisés dans des ateliers, des formations, des expositions, ou des temps de réflexion partagée. À travers eux, la fiction devient un outil stratégique, pédagogique et émotionnel.
Ainsi, qu’ils s’adressent à des militaires, des soignants ou des enfants, ils poursuivent tous un même objectif : ouvrir des futurs possibles et aider à mieux penser — et agir — dans le présent.
Chaque projet se distingue par sa finalité propre :
- L’Humain à l’ombre des techno-conflits explore les dilemmes humains des technologies militaires, avec une visée stratégique et critique, à destination des analystes et opérationnels.
- Odyssée 2040 – Les Futurs de la Santé ouvre des récits ancrés dans les réalités hospitalières et territoriales, pour accompagner la transformation des systèmes de santé publique.
- Les Tisseurs de Rêves confie aux enfants la narration poétique du monde à venir et vise à éveiller une conscience collective tournée vers la durabilité, en s’adressant au grand public.
la fiction est un levier d’anticipation, de transmission et de transformation
Conclusion : penser le futur, c’est aussi raconter autrement
L’Humain à l’ombre des techno-conflits montre que raconter le futur peut être une démarche créative, sensible et stratégique. En croisant prospective, sciences humaines et narration immersive, la fiction ouvre des horizons inexplorés, propose un langage commun pour penser les futurs possibles et imaginer des réponses nouvelles aux incertitudes du monde à venir.
Ce carnet — comme d’autres projets menés chez Inspiring Futures — incarne cette approche. Nous combinons l’expertise méthodologique à la puissance de l’art, du récit et du design pédagogique, convaincus que l’imaginaire et l’anticipation sont des leviers essentiels pour bâtir un monde porteur d’espoir et relever les grands défis de société.
L’imaginaire est une matière première qui nourrit la pensée.
Nous sommes des designers de futurs inspirants : à travers la fiction, nous créons des expériences qui suscitent l’émotion, éveillent les consciences et impulsent l’action collective. Une invitation à penser autrement, ensemble.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
N’hésitez pas à :
1. partager votre avis ?
2. nous laisser un petit mot ?
3. rédiger un billet ?
