On ne connait pas le futur….
Depuis des millénaires, les humains ont éprouvé le besoin de scruter les étoiles, les vols d’oiseaux, les entrailles de volatiles, les circonvolutions de phases produites par certains breuvages ou encore les états de conscience altérés par les drogues de certaines prêtresses pour deviner l’avenir.
Plus récemment, des hommes de sciences et des techniciens ont mis au point des processus de connaissances plus solides. Ainsi, on sait construire des projections chiffrées, sur la base d’hypothèses ou de l’expérience, faire des régressions à partir des séries du passé, probabiliser des événements-références, mais aussi définir des objectifs à travers des feuilles de route.
On sait également modéliser des systèmes pour simuler des variations et évaluer les effets qu’elles génèrent, voire déléguer à des intelligences apprenantes le soin de nous surpasser en la matière. On est donc passablement mieux armés que nos ancêtres.
Mais pour autant, les hypothèses et l’expérience traduites en projection ne sont que des approximations, et surtout des candidatures de futurs ; les séries du passé suggèrent des futurs qui, forcément, pour être mathématiquement efficaces, laissent de côté « outliers » et « cygnes noirs ». Les intelligences artificielles peuvent certes nous surpasser, mais sur la base d’entrants que nous leur fournissons et qui restent tempérés par les réserves émises plus haut. La puissance de calcul constamment croissante que nous avons à disposition ne fait que déplacer progressivement l’horizon de nos possibilités mais malgré tout au sein de ces limitations.
… mais alors, que peut-on faire d’utile en la matière ?
Nos analyses visent avant tout à élever notre niveau de préparation face à ces possibilités, qu’il s’agisse d’imaginer et d’évaluer pour pouvoir prendre les meilleures décisions et engager des actions riches de ces réflexions. L’enjeu est de rendre ce processus d’anticipation plus méthodique, résilient, créatif et concrètement efficace.
L’anticipation de mon avenir est ainsi constitutif de mon présent, cette forme de préactivité nous sert en tant qu’acteur économique et public à mieux nous orienter, nous préparer aux changements et nous apporte donc un surcroît de discernement dans nos prises de décisions.
Comment ?
Il s’agit dès lors de contribuer à une montée en compétence (« competence building »), de viser un niveau d’effectivité pour que les démarches d’anticipation se transforment en capacité d’agir.
Le IF ToolKit a été conçu pour répondre à cette ambition. Il est intégré dans un canevas/ et une matrice méthodologique qui permet d’utiliser l’anticipation dans toute démarche stratégique de l’entreprise ou d’organisations publiques
La démarche se décline en trois étapes successives avec pour objectif final la mise en action des parties prenantes. La philosophie de cette démarche de prospective est qu’elle n’a de sens que si elle impacte nos décisions et actions du présent.
1. Cadrage préalable (zone bleue)
- Travail sur la question initiale en passant par plusieurs étapes, avec itération possible :
- Définition des enjeux et controverses, avec la prise en compte du contexte interne (besoins, compétences, ressources, objectifs) et la définition des principaux paramètres externes susceptibles de constituer une influence.
- Une fois ce mapping contextuel réalisé, la question est reformulée pour arriver sur une question pré-active de prospective.
Une question pré-active :
Une question qui suppose que celui qui l’émet a un rôle à tenir et n’est pas extérieur au sujet. Celui qui pose la question est donc acteur est non pas observateur. Le choix de la méthode va dépendre de la juste formulation de la question (ce qui advient vs. ce que l’on construit).
Cas pratique/ question posée par un laboratoire de recherche :
Version 1 (laboratoire de recherche) : quel est le futur de l’habitat ?
Question reformulée : Quels matériaux et type d’architecture sont nécessaires pour l’habitat dans une ville Suisse en 2050 avec un scénario à + 2° ? Et par conséquent, comment adapter ma feuille de route à ce scénario ?
2. Choix de la méthode via l’utilisation du IF ToolKit
Les méthodes de prospective répondent chacune à des questions et contraintes méthodologiques spécifiques. Les outputs de chacune des méthodes doivent être connus et compris afin de ne pas sur-vendre les résultats de chaque démarche.
Nous proposons une matrice permettant de positionner les principales méthodes par rapport aux objectifs de chaque organisation publique et entreprises et en fonction de cela, un positionnement sur deux axes :
Axe 1 : En fonction du temps vers lequel on se projette
- Tendances / Futur immédiat : compréhension du présent immédiat par l’analyse des tendances économiques, sociétales et environnementales en maintenant un lien entre le présent et le futur
- Exploration des futurs possibles, voire souhaitables, pour asseoir nos décisions sur un socle stratégique et adaptable ; avec un saut temporel entre le présent et le futur.
Axe 2 : En fonction du niveau de connaissance applicable
- Avec un niveau élevé, capacité d’évaluer des technologies et leur impact (TA – Technology Assessment)
Les résultats attenants à ces méthodes sont ensuite « traduits » c’est-à-dire transcrits dans un format utile par rapport à l’objectif et au contexte de travail. Cette phase est détaillée dans l’étape 3.
Pour chaque méthode, une fiche descriptive a été conçue, incluant les précautions spécifiques à chacune.
Et concrètement, à quels besoins ces méthodes peuvent-elles répondre ?
- Besoin d’orientation et de clarification dans un monde incertain, voire confus, technologiquement et sociétalement, géo-politiquement;
- Analyse des lacunes/besoins stratégiques (Gap analysis/strategic needs): où aimeriez-vous être dans 3-5 ans et qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour y arriver, quel chemin à parcourir ?
- Quelles acquisitions de compétences pour ces 5 prochaines années (upskilling, blend soft/hard skills), pour quelle capacité collective? Comment construire cette étape (Capacity building) ?
- Aide à la décision (Key decision support): pour un investissement-clé, une opération merge & acquisition, un développement nouveau, une relocalisation, anticiper au mieux les opportunités et les obstacles;
- Analyse d’impact, de risques au plan technologique, sociétal, commercial, éthique;
- Comment concilier vos développements innovants et les besoins de transition écologique de ces dix prochaines années?
3. Choix de la traduction / et mise en œuvre (zone verte)
A cette dernière étape du parcours, nous avons besoin de relier les scénarii/ résultats de chaque méthode à des actions concrètes que nous pouvons réaliser
La question fondamentale, une fois un travail de prospective effectué, est : Que faisons-nous maintenant ? Ou très simplement en anglais le « so what ? »
En effet, notre conviction est que toute démarche doit pouvoir déboucher sur une mise en action, à la fois en termes de format mais aussi en termes d’animation de la démarche elle-même.
Il y a donc lieu d’envisager quelles perspectives concrètes peuvent déboucher ces analyses. Ces démarches d’ordre managériales sont nombreuses, les principales d’entre elles sont les suivantes :
- Envisioning : il s’agit de créer une vision motivante, possible et même souhaitable, traduite en termes concrets à partir des résultas d’une démarche de prospective stratégique « strategic foresight ». Nous nous devons donc d’embarquer, souvent émotionnellement, les équipes et partenaires.
- Business plan : il s’agit de construire un narratif, basé sur des hypothèses plausibles, des scénarios motivants et des prévisions, capables d’embarquer des tiers dans cette projection.
- Roadmaping (planification) : Il existe plusieurs méthodes de roadmapping, mais toutes partagent le but de faire prendre conscience aux acteurs impliqués quelles étapes successives ils vont devoir entreprendre et réaliser afin d’arriver au but identifié.
Et enfin le « Handover » : une fois les résultats d’une démarche de prospective obtenus il s’agit de les transmettre de manière à ce que l’organisation puisse en faire bon usage.
Il faut savoir que le moment où on commence d’appliquer on ne cherche plus (fin du « search », de l’exploration des possibles) et on se situe dans l’optimisation, créative peut-être, mais optimisation néanmoins. C’est donc une bifurcation et il s’agit d’anticiper ses effets pour l’organisation, sa structure, ses aptitudes aux changements, etc.
L’adhésion de la direction est donc importante et même, aussitôt que possible, celle des futurs « usagers » des résultats de la démarche prospective (« enlistment », démarche participative, itérations apprenantes et correctives).
Une double réflexion doit donc être associée à cette étape :
- Comment la traduction de ces méthodes engage-t-elle les équipes/ parties prenantes à la démarche ?
- Quel format revêt la traduction de cette démarche pour un impact efficace et effectif ?
En résumé
Les démarches prospectives utilisent « le futur » pour prendre des décisions réfléchies dans le présent immédiat, et s’intègre à toute démarche de planification stratégique et d’innovation responsable.
L’utilisation de ce canevas et du IF ToolKit permet d’augmenter le niveau de compétences d’adaptation face aux incertitudes (capacity building) et d’augmenter ainsi globalement notre préparation aux Futurs.
C’est à la fois une boussole (comment conduire une démarche de prospective), une boîte à outils (quelles méthodes ?) ainsi qu’un un canevas opérationnel.