Q248 | Évaluer l’impact des nouvelles technologies pour concevoir la société de demain

4 février 2025
4 mins de lecture
Quartiers de Fribourg imaginés et assemblés sous la forme d'une maquette par les élèves des niveaux 3 à 6 Harmos (2022)
Quartiers de Fribourg imaginés et assemblés sous la forme d'une maquette par les élèves des niveaux 3 à 6 Harmos - 6-10 ans (2022). Source : frapp.ch

L’arrivée d’une nouvelle technologie ouvre la porte d’une réflexion sur notre avenir.

Que peut-elle changer, et quelle place voulons-nous lui donner ?

Pour faire les meilleurs choix, cette réflexion se doit d’être aussi large que possible – à l’instar de ce que préconisent les Ateliers du futur en matière de prospective. En effet, c’est potentiellement toutes les composantes d’une société qui peuvent être touchées par le déploiement d’une technologie, de près ou de loin. 

 

Pourquoi l’évaluation des choix technologiques ?

Pour faire face à cette complexité, de nombreux pays européens se sont dotés d’institutions d’évaluation des choix technologiques, à la suite du Congrès américain qui fonda son Office of Technology Assessment en 1972. 

En bref, l’évaluation des choix technologiques – alias « TA » pour Technologiefolgen-Abschätzung en Suisse – examine les opportunités et risques de nouvelles technologies pour la société.

Sa mission consiste à fournir des informations permettant à chacune et chacun de se former une opinion sur les enjeux d’une technologie, afin de garantir une prise de décision démocratique à son sujet. 

En Suisse aussi, le Parlement a créé une institution TA au service du pays et de ses institutions politiques : la Fondation TA-SWISS. Depuis 1992, TA-SWISS publie des études sur des technologies liées à la médecine et aux biotechnologies, la numérisation, ou encore l’énergie, l’environnement et la mobilité

Adeptes de la prospective, vous y trouverez sans doute votre compte ! Les points communs entre TA et prospective sont nombreux ; la prospective fait d’ailleurs partie de la boîte d’outils du TA. 

Dans l’espoir d’encourager nos échanges, vous trouverez ici une brève esquisse de l’approche de TA-SWISS. Nous y mettons l’accent sur ses similarités avec les cinq niveaux de la prospective du billet d’Isabelle Chappuis.

Imaginer le futur, comment s’y prend le TA ?

Le futur se trouve bel et bien au cœur des études TA, puisqu’elles doivent identifier des opportunités et des risques, mais aussi des incertitudes liées à l’état du savoir actuel et des controverses suscitées par une technologie émergente.

Dans cette optique, le TA doit cultiver une pensée ouverte à de multiples développements. En effet, il n’est pas rare que notre utilisation des technologies conduise à des changements qui n’ont pas forcément été discutés au départ. Pour prendre l’exemple des voitures autonomes : la possibilité de travailler pendant le trajet pourrait pousser de nombreuses personnes à déménager en dehors des villes, et ainsi densifier et transformer les régions périphériques.

Comme les effets d’une technologie dépendent fortement de la manière dont s’en servent la population, l’Etat et l’économie, l’analyse TA s’organise souvent sous forme de scénarios

Dans le cas des véhicules autonomes, l’étude de TA-SWISS en distingue trois principaux : une utilisation individuelle de voitures autonomes, peu influencée par l’État ; à l’inverse, des transports collectifs autonomes pour tout le pays ; ou un scénario intermédiaire, combinant la promotion de transports publics autonomes dans les zones très peuplées et un usage privé en dehors.

Afin d’analyser ces éléments de manière globale, la diversité des points de vue est essentielle. C’est pourquoi TA-SWISS mise sur une forte interdisciplinarité, au sein de son comité directeur et de son équipe, mais aussi des groupes de recherche et d’accompagnement qui réalisent ses études.

Ainsi, chaque technologie est abordée d’un point de vue technique, éthique, économique, environnemental, juridique, politique et social. A cela s’ajoutent des sondages d’opinion et des méthodes participatives

Fréquemment, le choix d’une technologie concerne l’entier de la population. Les opinions des non-spécialistes sont alors indispensables pour saisir l’ensemble des répercussions possibles, mais aussi pour identifier les controverses. Par exemple, selon un sondage sur la reconnaissance faciale par la police mené en 2021 pour une étude de TA-SWISS, 33 % des personnes interrogées se sont prononcées pour, 31 % contre, et 33 % ont déclaré ne pas avoir d’opinion tranchée pour le moment. 

De tels résultats ont indiqué la nécessité d’un débat public.

Illustrations de voitures autonomes
Illustrations de voitures autonomes. Réalisation : Hannes Saxer, Berne

Et ensuite, que faire de ces futurs ?

Face aux différents scénarios qui se dessinent, les destinataires du TA – tant la population que les autorités – se demandent souvent quoi faire.

Les études TA proposent donc aussi des recommandations d’action.

Pour ne prendre que deux exemples classiques : 

Quand faudrait-il définir des limites à l’emploi d’une technologie ? Ainsi, l’étude TA sur la reconnaissance faciale préconise l’interdiction d’une surveillance étatique en temps réel à fins purement préventives, ainsi qu’une base légale pour son éventuelle utilisation a posteriori dans le cadre d’enquêtes spécifiques.

Quant aux opportunités d’une technologie, y aurait-il des investissements dans la recherche ou les infrastructures à effectuer ? S’agissant du captage et du stockage du CO2, l’étude de TA-SWISS conseille d’encourager des programmes de recherche ciblant les connaissances manquantes pour une mise à l’échelle de ces technologies. En particulier, des partenariats entre industrie et science auraient l’avantage d’étudier différentes solutions techniques dans le contexte réel d’une nouvelle installation.

Cependant, ces recommandations ne visent pas à dicter l’issue des débats concernant la technologie en question.

Au contraire, il s’agit de montrer une palette d’options envisageables.

Le TA n’a pas vocation à devenir un acteur politique, mais uniquement à nourrir les délibérations d’une démocratie : car, selon sa devise, « le progrès technologique doit être au service des gens – et non l’inverse. »

 

le progrès technologique doit être au service des gens – et non l’inverse.

Retrouvez toutes les études de TA-SWISS et leur synthèse pour le grand public sur notre site, et n’hésitez pas à vous abonner à notre newsletter et nous suivre sur les réseaux sociaux !

Le mandat de TA-SWISS est ancré dans la loi fédérale sur l’encouragement de la recherche et l’innovation (art. 11). Politiquement neutre et indépendante, la Fondation est entièrement financée par des fonds publics et est membre des Académies suisses des sciences.

Et vous, qu’en pensez-vous ?
N’hésitez pas à :

1. partager votre avis ?
2. nous laisser un petit mot ?
3. rédiger un billet ?

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Dernières parutions

Nu descendant un escalier de Marcel Duchamps

Q251 | La prospective en action

Ce livre, né sous l’impulsion de Michel Saloff-Costes et orchestré avec exigence par Carine Dartiguepeyrou, est bien plus qu’un simple recueil de témoignages. Il dresse…
Retour auDébut

Ne manquez pas