#18 Stéphane Linou | Co-produire de la sécurité collective

1 novembre 2022
35 mins de lecture

Stéphane Linou décrit depuis de nombreuses années les multiples vulnérabilités de nos systèmes alimentaires.

Ancien Conseiller Général de l’Aude et Conseiller Municipal, Pionnier du mouvement Locavore en France, désormais officier expert sapeur-pompier volontaire en résilience alimentaire et sécurité civile, Stéphane a étudié très tôt des “mondes qui se parlent encore trop peu”.

Dans l’entretien à suivre, il pointe la nécessité de préparer les populations afin de faire en sorte que tous les acteurs, citoyens et consommateurs compris, soient coproducteurs de sécurité collective.

Entretien enregistré le 19 août 2022

Entretien enregistré le 19 août 2022

Transcript de l’entretien

(Réalisé automatiquement par Ausha, adapté et amélioré avec amour par un humain)

Thomas Gauthier

Bonjour Stéphane.

Stéphane Linou

Bonjour.

Thomas Gauthier

Alors ça y est, vous y voilà, vous êtes face à l’oracle et vous allez pouvoir lui poser trois questions au sujet de l’avenir. Par quelles questions souhaitez-vous commencer ?

Stéphane Linou

Alors, sachant que, ou alors entendant que le futur n’a plus d’avenir, ou l’avenir n’a plus de futur… Euh…

C’est vrai que l’oracle, là, j’aimerais bien quand même lui poser quelques questions. Et notamment, puisqu’il est très ancien, il doit connaître ce qu’il s’est passé, l’histoire qui s’est passée entre Athéna et Poséidon.

Athéna et Poséidon se disputaient l’Athique pour avoir un lieu à eux. Et Zeus ne savait pas comment les départager, donc il fit appel à un roi local, assez progressiste pour l’époque.

Et le roi a dit, bon, de vous deux, la personne qui offrira quelque chose d’utile aux habitants remportera la partie. Donc Poséidon, sûr de lui, il a…

Il a fait venir de l’eau salée un peu de partout et a transformé en piscine géante le coin. Et il a donné un cheval pour faire la guerre au roi.

Il était sûr de son goût. Et Athéna, elle réfléchissait.

Elle s’est dit, voyons, qu’est-ce que je vais faire ? Ah, bêté, je vais leur donner un olivier aux habitants.

Et comme ça, vous les habitants, vous aurez des fruits, des olives. Ça vous nourrira, vous serez prospère, je vais vous inventer l’agriculture, l’artisanat et tout ça. Et en fait, il y a eu un vote, et c’est le vote des femmes qui a fait palicher la balance du côté d’Athéna.

Et en fait, Poséidon, il avait les boules et tout ça. Et en fait, c’est logique. Ça a été logique que Athéna gagne, parce qu’en fait, les gens ont compris que… se nourrir c’était plus important que se divertir quelque part et que le talon était plus important que le temps court et ça me fait penser un peu à ce qui s’est passé à aubervilliers il ya quelques mois où pour les jeux olympiques des jeux des jardins nourriciers ont été détruits pour construire un sauna.

Et en fait, il y a eu une grosse mobilisation, et il y a eu des jardins qui ont été détruits, mais les travaux ont été stoppés. Et quelque part, je vois que on n’a pas forcément retenu à Aubervilliers les leçons d’Athéna et de Poséidon, c’est que l’écume a été plus forte que les légumes. alors que le temps court, c’est-à-dire le plaisir et le jeu, doit être secondaire par rapport au temps long, c’est-à-dire ce qui compte le plus.

Donc j’aimerais bien savoir si l’oracle pense à des choses comme ça et que quelque part, à 2000 ans d’écart, on ait pu faire à Aubervilliers une erreur que… les habitanes de la TIC n’avaient pas fait. Donc j’aimerais bien savoir si les humains penseront à nouveau au temps long plutôt qu’au temps court.

Alors ça c’est pour ma première question à l’oracle. Il y a une autre question que j’aimerais bien lui poser à cet oracle, à cet oracle de maintenant.

C’est est-ce que les êtres humains… vont un peu sortir de leur ébriété énergétique, quelque part dû à la grosse abondance énergétique dans laquelle ils sont depuis à peu près 200 ans. C’est-à-dire qu’on a découvert les énergies fossiles, charbon, pétrole. qui font que cette énergie à partir de laquelle on ne s’est jamais développé nous est peut-être montée un peu trop à la tête et qu’on ne voit plus les risques.

C’est-à-dire que nos territoires qui étaient jusque-là les lieux de subsistance à partir desquels on retirait notre subsistance, on les a complètement oubliés. Donc on a oublié l’espace et on a contracté le temps. grâce justement à ces énergies exogènes qui viennent d’ailleurs.

Donc c’est l’abondance énergétique qui nous a fait oublier l’espace et le temps. Et donc du coup, comme on ne retire plus notre subsistance de nos territoires, des choses qu’il y a autour de nous, donc on fait venir les ressources d’ailleurs, et bien du coup, on se fout de notre territoire, de nos territoires, donc du coup on les artificialise, on les décrit, on les détruit et tout ça.

Et quelque part, c’est les ressources loin des yeux, donc loin du cœur, qui se permettent de détruire d’autres territoires, parce qu’on n’a plus le lien entre acte et impact. Lorsqu’on était obligé de faire avec ce qu’on avait sous les yeux et sous la main, on était obligé d’y faire gaffe.

Sinon, l’année d’après, on n’avait plus rien, on en avait moins. Et là, en fait, on a…

Grâce à ces énergies magiques qui nous font venir les choses d’ailleurs, on a détruit ce qu’on a autour. Donc j’aimerais bien savoir si l’oracle pouvait nous dire si on retrouvera quelque part un peu la raison.

Et si j’avais une troisième question, est-ce que l’être humain va… comprendre ou tout simplement ouvrir un livre d’histoire ou voir des reportages sur Arte ou autres, même très bien faits, ou sur France 5 ou autre, qui nous montrent très bien qu’on a toujours été nomades. Ça ne fait pas longtemps qu’on est sédentaires. On a toujours bougé pour aller chercher les ressources.

On a couru après la nourriture. Notre ventre allait vers la nourriture, on en est la prélevé.

Ensuite, on s’est sédentarisé. On a inventé l’agriculture néolithique.

Cette nourriture, on l’a faite pousser autour de notre ventre. C’est lorsque le climat s’est stabilisé.

Le climat, la météo qu’on a cassée maintenant, on en voit les effets. Et ensuite, pour sécuriser cette nourriture, on l’a sécurisé en groupe.

C’est là qu’on a inventé les villages, c’est là qu’on a transformé l’espace en territoire, c’est là qu’on s’est dit tiens de cette colline à cette colline c’est à nous, donc on a transformé l’espace en territoire, c’est là qu’on a inventé l’aménagement de l’espace, c’est là aussi qu’on a inventé la politique. Donc cette nourriture, après que notre ventre soit allé vers elle, après qu’on l’ait faite pousser autour de notre ventre, et après qu’on est sécurisé autour de notre ventre en groupe.

Cette nourriture, maintenant, c’est cette nourriture qui vient à notre ventre, sans que l’on s’intéresse au risque, est-ce qu’on maîtrise tout et tout ça. Donc en fait, maintenant qu’on a cassé la météo, on est en train de détruire ce qui nous a permis de nous sédentariser, et on se retrouve peut-être un peu coincé.

On se retrouve peut-être un peu coincé, et… Cette nourriture vient à nous, mais en fait on ne veut plus bouger.

Puisque c’est attaché à nos territoires, on a un terrain au nord, c’est la propriété, c’est les frontières, tout ça. Donc, est-ce que l’être humain va se remettre à bouger comme il l’a toujours fait, ou alors à s’adapter ?

Et s’adapter, ça veut dire gaspiller moins, être moins glouton, voilà quoi. Et tout ça dans… le bon ordre, c’est-à-dire sans se taper dessus entre nous, ni sans aller taper les autres.

Voilà, ce sont ces trois petites questions que j’aurais à poser à l’oracle des temps modernes.

Thomas Gauthier

Avec ces questions Stéphane, vous interrogez donc le rapport de force quelque part entre le temps court et le temps long pour commencer. Vous nous avez rappelé ensuite que finalement il y a à peine deux siècles que nous avons fait connaissance avec les énergies faciles, les énergies fossiles qui ont… profondément transformer les schémas civilisationnels que l’on connaît aujourd’hui.

Et puis enfin, vous nous rappelez que sédentarité et nomadisme sont deux modes de vie qui peut-être coexistent ou coexisteront, et en tout cas, la sédentarité n’est pas un fait établi depuis les origines de notre espèce, c’est quelque chose que l’on date peut-être de la révolution néolithique. Il a été beaucoup question dans les questions Stéphane que vous posez à l’oracle d’agriculture, de nourriture.

J’aimerais maintenant, si vous le voulez bien, qu’on regarde le rétroviseur, qu’on regarde l’histoire. Est-ce que vous pouvez ramener aux auditrices et aux auditeurs trois événements clés qui ont selon vous marqué l’histoire et qui peuvent et doivent servir de leçon pour le présent et l’avenir ?

Stéphane Linou

Alors l’histoire avec un grand H, mais… Je vais peut-être prendre la liberté de citer quelques exemples qui me viennent à l’esprit, mais qui ne font pas forcément partie de l’histoire avec un grand H.

Sam y est allé, oui, il a découvert l’exploitation des énergies faciles. C’est un sacré moment en aide à notre histoire.

C’est à partir de là qu’on a… démographiquement explosé et que l’on a encore plus prélevé de ressources de notre planète et que l’on est réellement rentré ou du moins on a vraiment accéléré notre modèle extractiviste et productiviste donc rien ça mais ça a donné lieu ces énergies faciles qui ont rendu quasiment gratuits les transports. Ça a rendu possible quelque part la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo, l’économiste anglais, qui dit voilà, maintenant là, quand on a le charbon et le pétrole, on a des transports qui ne coûtent rien, donc les territoires vont pouvoir se focaliser. sur les productions sur lesquelles ils se sentent les meilleurs et dans le même temps ils vont pouvoir abandonner les productions sur lesquelles ils se sentent les moins bons. Donc du coup là on va faire là c’est que du blé parce que c’est là où il pousse le mieux, là c’est que de levage, là c’est que des légumes, là c’est que des fruits et tout ça.

Donc en fait à partir de ce moment là avec ces transports quasiment gratuits, la théorie des avantages comparatifs de Ricardo a transformé donc Des territoires en des territoires très spécialisés, c’est en gros un territoire égal une ou deux productions phares. Et c’est quelque part à partir, grandement à partir de là, que l’on a transformé nos territoires, qui étaient quelque part tous un peu quand même diversifiés, c’est à peu près à ce moment-là qu’on a transformé nos territoires en EHPAD. À ciel ouvert, dans le sens où, contrairement aux personnes qui rentrent en EHPAD ou c’est jamais d’eux qui étaient de cœur, c’est suite à des maladies, des accidents, la vieillesse et tout ça, là c’est dans la joie et dans la bonne humeur que nos territoires se sont vulnérabilisés et se sont rendus vulnérables et donc perfusés. se sont rendus complètement vulnérables par rapport au transport et se sont artificiellement équilibrés en termes de production avec des perfusions qui sont, on le voit maintenant, de plus en plus vulnérables.

Pour arriver maintenant à avoir, si on prend le cadre de l’alimentation, on a actuellement une autonomie alimentaire égale à 2% par territoire. C’est-à-dire que 98% de ce que l’on consomme est importé d’autres territoires, à travers les transports, et dans le même temps, 97% de ce que chaque territoire produit est exportée dans d’autres territoires.

Donc en fait, ça fait des flux et des perfusions dans les deux sens. Donc des vulnérabilités dans les deux sens.

Donc en fait, pour moi, par rapport à la thématique de la résilience alimentaire et que j’articule avec la sécurité civile, la spécialisation des territoires due à… L’utilisation des énergies faciles, donc charbon, pétrole, qui ont fait que les transports sont devenus quasiment gratuits, ça a rendu en termes économiques beaucoup plus forts certains territoires, mais ça les a paradoxalement extrêmement fragilisés.

Donc en fait, s’il arrive un problème sur les transports, comme je l’avais imaginé en 2008 lorsque j’ai lancé le mouvement Locavore en France, J’avais fait le pari de ne me nourrir qu’avec des produits issus d’un rayon de 150 km autour de mon assiette pendant un an. Et mon scénario c’était, imaginons qu’il y ait un jour une pandémie grippale qui bloque les chaînes d’approvisionnement.

Combien de temps on tiendrait sans se taper dessus avec le peu que l’on produit à titre individuel, avec le peu que l’on produit au niveau même collectif, au niveau territorial, avec le fait qu’on se fournit à travers les grandes surfaces, à qui donc 70% de notre alimentation est achetée en grandes surfaces, et ces grandes surfaces n’ont même pas de jours de stock, et qu’il n’y a des stocks alimentaires nulle part, ni au niveau des collectivités locales, ni au niveau de l’État. Et que dans le même temps, nos populations sont devenues intolérantes à la frustration, et non préparées.

Donc en termes de résilience alimentaire, 0,0,0,0,0 égale la tête à Toto. Ce qui fait que le scénario que j’avais pris…

Donc en 2008, imaginons qu’il y ait une pandémie grippale qui bloque les chaînes d’approvisionnement, et bien en fait j’avais imaginé le lien entre non-résilience alimentaire des territoires et sécurité civile intérieure et nationale. Donc en fait, ce que j’avais voulu mettre en évidence en 2008, c’était justement par rapport à cette théorie des avantages comparatifs de Ricardo. qui a poussé depuis l’exploitation des énergies faciles à la spécialisation des territoires.

Donc voilà, ce qu’il faudrait c’est que quelque part, qu’il y ait, que l’on rajoute un volume de Cyrulnik dans le Ricardo, c’est-à-dire Cyrulnik, le pape de la résilience. C’est en gros rebondir d’accord pour ne pas s’effondrer et qu’une des bases de la résilience, c’est la diversité, ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Or là, avec cette théorie des avantages comparatifs de Ricardo, on a mis tous nos oeufs dans les mêmes paniers, c’est-à-dire une ou deux productions phares par territoire. Ce qui fait que ça tient uniquement lorsque les transports ne déconnent pas.

Et là on le voit, il peut y avoir une cyberattaque sur la chaîne logistique. des pandémies comme on l’a vu, des grèves, des sabotages ou autre. Donc en fait, on est devenu extrêmement fragile.

Autre événement, quelque part, qui pour moi, a marqué l’histoire, ou du moins, rétrospectivement, on se rendra compte que… ça aura lancé ou du moins semé une graine ou autre c’est par exemple au début des années 2000 les AMAP les associations pour le maintien de la agriculture paysanne alors j’ai monté les premières AMAP dans le département de l’aude en 2004 il y en avait une dizaine en france déjà et en fait c’était des consommateurs qui achetaient une production en l’occurrence des légumes à l’avance des producteurs et payés au bon prix Et lorsque j’ai vu que ce système existait, je me suis dit, ouais, c’est chouette ça, j’aimerais bien, dans le lorraguer, à Castelnaudary, monter ce système-là, parce que c’est vachement intéressant. C’était les trois piliers de la feu expression développement durable, déjà expression tarte à la crème, déjà en 2004, développement durable, mais qui avait permis quand même de poser certaines bases, c’est-à-dire économie, écologie, liens sociaux.

Ces consommateurs en achetant à l’avance une production payée au bon prix à des producteurs, au niveau économique déjà, faisaient vivre. ces producteurs car ils étaient enfin rémunérés pour leur travail. Au niveau du territoire, la richesse reste fixée sur le territoire. Ça ne va pas engraisser les grandes surfaces qui, après, placent dans les paradis fiscaux cet argent-là.

Ensuite, le volet écologie, parce qu’en fait, il y a un deal entre consommateurs et producteurs, c’est en gros… Moi, le consommateur en AMAP, je m’engage auprès de toi, le producteur, à t’acheter ta production à l’avance et au bon prix, à condition qu’elle soit bio ou qu’elle le devienne.

Donc en fait, il y a un engagement, il y a une incitation, je veux dire, à produire mieux. Et le troisième pilier, c’est le volet social, c’est à partir du moment où il vit de son travail, le producteur, en fait, il reste sur le territoire, il fait tout. tourner, services publics, les autres commerces et tout ça.

Il y a aussi des liens entre consommateurs et entre producteurs et consommateurs, tout ça. Mais j’ai été tenté de rajouter un quatrième pilier, d’ailleurs, que j’ai rajouté, c’est le pilier de la sécurité.

Pourquoi la sécurité ? Parce que je me disais, mais attends, ces consommateurs qui flèchent leur consommation, qui achètent à l’avance une production, par leurs achats fléchés, conscients et au bon prix, Sans le savoir, comme M.

Jourdain faisait de la prose sans le savoir, ils fabriquent de la sécurité sans le savoir. Comment ?

En fait, ils entretiennent, ils maintiennent en fonctionnement des infrastructures nourricières autour d’eux. Des infrastructures nourricières qu’ils seront bien contents d’avoir si un jour les transports connaissent des avaries.

Donc en fait, je me disais, mais en fait, ils fabriquent de la sécurité. Parce qu’en fait, lorsqu’on achète un produit qui vient de loin, on fabrique de l’insécurité localement.

C’est par des Ausha locaux qu’on détricote des infrastructures productives, artisanales, commerciales, locales. Donc en fait…

Le consommateur a également son rôle à jouer au niveau sécurité territoriale. C’est-à-dire qu’en fléchant ses achats, il a des dépenses structurantes.

Il structure, il maintient les infrastructures en fonctionnement ou il encourage un réamorçage de pompes pour recréer. des infrastructures productives, nourricières, artisanales, de transformation qui ont été depuis à peu près 50 ans détricotées par des Ausha. Donc je me suis dit, tiens, avec ces AMAP, tu pourrais élargir cette réflexion au niveau territorial, au niveau de la commande publique, au niveau d’autres échelles. parce qu’en fait les amap c’est c’est du commerce équitable du commerce équitable nord nord c’est pas juste fait pas juste c’est pas le commerce équitable que ce que l’on fait avec des producteurs de café à l’afrique ou en amérique du sud avec des producteurs de chocolat ça peut être aussi du commerce équitable en bas de chez le commerce équitable ça peut être également en bas de chez soi et c’est tout simplement l’économie sociale et solidaire économie sociale et solidaire c’est le partage de la valeur Et pour maintenir une infrastructure en fonctionnement, il faut que tous les maillons vivent.

Et c’est quoi la meilleure façon de maintenir en vie, de faire à vivre à des maillons ? C’est de correctement payer le travail et la valeur, donc répartir la valeur.

Donc en fait, c’est le contraire d’une économie de la prédation. Une économie de la prédation fabrique de l’insécurité.

L’économie sociale est solidaire. Fabrique de la sécurité.

Donc je pense qu’il faudrait peut-être changer de nom, peut-être qu’économie sociale et solidaire, ce n’est pas forcément un nom porteur, mais les principes sont bons. et c’est le partage de la valeur qui permet de faire vivre tous les maillons et donc de les rendre opérationnels lorsqu’on en a le plus besoin. On l’a vu pendant le confinement, on était très content d’avoir des producteurs au plus près de chez nous parce qu’il y avait les circuits longs qui déconnaient ou qui pouvaient déconner donc on avait quand même peur.

Donc le résultat c’est le même. Donc voilà, je pense que la création des AMAP même si en miniature a permis de poser beaucoup de choses et moi je me suis permis de rajouter un quatrième pilier qui est celui de la sécurité dans son volet évidemment préventif.

La sécurité c’est pas les drones et les matraques non. Le plus gros de la sécurité c’est tout ce qu’on met en place en amont pour pas que l’insécurité arrive.

L’économie c’est quoi ? Ce n’est que sous-produit de l’écologie.

L’économie c’est quoi ? C’est transformer des ressources avec de l’énergie, avec du savoir et de l’organisation.

Et après, si on se chamaille entre droite et gauche, on chipote sur la fiscalité. Mais sans ressources, un état et un volume suffisant, il n’y a pas d’économie.

Donc l’économie est un sous-produit de l’écologie. Mais il n’y a pas non plus de sécurité s’il n’y a pas d’écologie.

Parce que s’il n’y a pas de ressources accessibles et en bon état, les sécurités arrivent de suite. Puisqu’en fait, les besoins primaires à satisfaire… ne sont plus assurés s’il n’y a plus les ressources en état et accessibles.

Donc c’est là que l’insécurité arrive. Donc le plus gros de la sécurité, c’est comme la santé, c’est tout ce qu’on met en place en amont pour pas que la maladie arrive ou alors quand elle arrive qu’elle soit pas trop forte.

C’est exactement pareil. Donc la sécurité c’est pas le curatif, c’est pas que le curatif.

Le plus gros, c’est tout ce qu’on met en place en amont, en mesure barrière quelque part. pour que les sécurités n’arrivent pas ou quand elles arrivent, qu’elles n’arrivent pas trop fort.

Thomas Gauthier

Avec ces deux premiers événements, Stéphane, vous nous avez donc rappelé qu’il y a deux siècles environ, on a découvert les combustibles fossiles et faciles qui ont largement transformé les schémas des territoires, les modes de production, les modes de distribution, les modes de consommation. Sur ce registre-là, deuxième événement historique, vous nous avez rappelé la création des AMAP au début des années 2000. avant de vous… permettre de nous ramener à un troisième et dernier événement de l’histoire.

J’ai une petite question à vous poser qui n’était pas prévue au programme. On a beaucoup parlé de temps, finalement, déjà depuis le début de notre discussion.

J’ai retenu que la découverte des énergies fossiles et faciles, c’était il y a environ deux siècles. Maintenant, depuis plusieurs années déjà, le GIEC publie à intervalles réguliers des rapports qui sont de plus en plus critiques par rapport à l’état de la planète et… aux circonstances dans lesquelles nous pourrions avoir encore des futurs vivables, le GIEC nous parle de fenêtres d’action qui se comptent désormais en quelques années.

Comment est-ce que l’on imagine des schémas de comportement individuel et collectif qui, effectivement, en quelques années, pourraient nous permettre de nous sortir du piège des combustibles fossiles ? Comment est-ce que, dans un temps extrêmement court, quand on le met en rapport aux deux siècles, d’exploitation des combustibles fossiles, et j’irais même jusqu’à dire aux dizaines de milliers d’années d’évolution de notre espèce, comment en un temps aussi court, on bascule d’un schéma mortifère pour notre espèce vers un schéma qui permettrait encore à des futurs vivables d’exister ?

Stéphane Linou

On me parlait de temporalité et tout ça, alors que j’ai deux minutes. Non mais vous avez complètement raison On est dans un étau On est dans un étau Et un des problèmes aussi C’est que l’évolution De notre espèce A fait évoluer notre espace Et là le truc C’est que On est des générations Du moins ici Qui sommes nés le ventre plein On pense que se nourrir est une question réglée et quelque part on ne voit plus les potentialités de nos territoires.

Et c’est vrai que s’il y avait une rupture, une dégradation énergétique rapide, c’est vrai qu’on ne pourrait pas s’organiser pour limiter la casse. Ça c’est vrai. Ça fait 40 ans qu’on dit qu’il faut faire de la transition. On ne l’a pas fait, on n’a pas commencé.

Si ça nous arrive de manière brutale, on ne saurait pas faire non plus. Honnêtement, je suis assez emmerdé pour vous répondre parce que 1 j’ai pas la réponse, mais si j’ai une partie de la réponse mais le coup est déjà parti quelque part mais c’est pas une raison pour rien faire donc peut-être que Réduire à la hauteur de chute oui ça compte parce que chaque degré Chaque degré d’augmentation des températures économisées, c’est des millions de vies économisées aussi.

Mais réduire la hauteur de chute, c’est bien. Donc réduire l’augmentation des températures, oui.

Mais augmenter l’épaisseur du matelas, c’est pas mal aussi, pour augmenter le matelas de réception. Donc en fait, oui, on est prisonnier, là je fais un peu le lien avec notre sédentarité.

Lorsqu’on était emmerdé, lorsqu’on était chasseur-cueilleur, tout ça, par le temps, on se déplaçait. On n’était pas tenu par des infrastructures qu’on avait construites à travers notre sédentarité.

Là, quelque part, on n’a pas le choix que de faire sur place, avec nos repères, avec nos… frontières, avec nos habitudes et tout ça. Donc en fait on n’a pas le choix que d’y aller groupir.

Les gens qui s’imaginent qu’ils seront prêts parce qu’ils ont des réserves dans leur cave et un jardin, s’il n’y a pas de préparation collective de ce même ordre là, et bien ce seront les premières victimes. Tout le monde sera chez eux.

Donc pour moi, il ne peut pas y avoir de sécurité individuelle s’il n’y a pas de sécurité collective. Donc c’est de manière collective et démocratique, dans un premier temps, qu’il va falloir déterminer ce à quoi on tient le plus.

C’est-à-dire que le rationnement, de toute façon, on y aura droit, et il vaudra mieux, parce que le rationnement, c’est la meilleure façon pour que les plus faibles aient quelque chose. C’est justement pendant le Blitz, pendant qu’Hitler a bombardé les Londoniens, que les pauvres de Londres ont le mieux mangé.

Parce qu’ils avaient le rationnement, et parce qu’ils avaient le rationnement, ils avaient au moins quelque chose. Et là, comme on n’a pas commencé à se préparer, à anticiper, et bien ça sera déjà très bien qu’on ait un backup, c’est-à-dire un plan de rationnement pour que chacun ait au moins quelque chose.

Mais je doute qu’on soit préparé à ça, puisque c’est encore tabou le mot rationnement. C’est comme le mot… planification, jusqu’à il n’y a pas longtemps c’était tabou, on croyait qu’il y avait Brejnev derrière.

Donc en fait, avoir du rationnement, ça veut dire qu’il y a encore un État qui tient la route, ça veut dire qu’il y a encore des organisations qui tiennent debout. Donc ça sera déjà bien.

Donc je pense qu’il faut dire les choses, arrêter de croire au Père Noël et arrêter de faire croire au Père Noël. Dire où c’est qu’on en est, dire où c’est qu’on va, si on ne fait rien, et s’organiser.

Je pense que ça sera mieux en le disant, parce que l’un des plus gros problèmes c’est le déni. C’est le déni et la croyance en un monde illimité, de progrès constant, éternel. et que parce qu’on le vaut bien, non, non, c’est juste parce qu’on a des esclaves énergétiques derrière, comme le dit Jean-Claude.

Voilà, ce n’est pas notre génie, ce n’est pas notre mérite qui fait qu’on vit si vieux et avec autant d’objets. Non, ce n’est pas vrai.

C’est justement parce qu’il y a de la vie archivée qu’on crame à parler de boue et que bientôt il n’y en aura plus. Mais entre-temps, on est devenus cons.

On est devenu sans sens de la démerde. Donc en fait, sans tous ces assistants techniques, énergétiques et compagnie, on ne saurait pas se débrouiller.

Donc en fait, je pense qu’il va falloir passer par un gros stade de déni-aisement, déni-aisement on va dire, sortir du déni, Prioriser ce à quoi on tient le plus, c’est-à-dire ce qui se trouve dans le premier étage de la pyramide de Maslow, c’est-à-dire la nourriture, l’eau, la santé, toutes sortes de ressources. Et juste au-dessus, c’est quoi ?

Le deuxième étage, c’est la sécurité. C’est ça.

Et la sécurité, c’est en groupe. moi je préfère des forces de sécurité que je contrôle à travers un processus démocratique et de financement à travers les impôts que des milices. Donc voilà, je préfère que ça soit en groupe, parce que sinon, s’il y a des poches territoriales qui sont prêtes mais que tout autour, personne n’en est prêt, eh bien ceux qui seront prêts seront les premiers visités.

Donc voilà, je pense qu’il faut avoir l’honnêteté de dire qu’on est mal parti et qu’il faut rectifier collectivement. Et là, en termes de temporalité, c’est comme la régénération des sols, ça ne se fait pas en trois jours.

C’est comme apprendre un nouveau métier, ça ne se fait pas en trois jours non plus. Donc il y a tout un plan de réorientation des métiers à faire dès maintenant.

Préparer l’exode urbain en bon ordre, avec des compétences qui vont bien. Faire le deuil de certains domaines d’activité à la con, le numérique, les écrans plasma et tout ça.

De toute façon, on n’a plus assez de ressources pour les fabriquer, comme l’explique bien Aurore Stéphane. Voilà, la première étape c’est sortir du déni à mon avis, d’abord.

Et après on voit ce qu’on priorise et après comment on le fait. Mais de manière collective et démocratique, sinon ça ne marchera pas.

Thomas Gauthier

Et aussi dans une forme de délibération qui puisse garantir autant que possible la non-violence de ces transitions. Puisque j’imagine que s’il n’y avait pas… de projets collectifs certains peut-être mieux positionné plus puissant imposerait au reste des manières de transition qui seraient à leur avantage et derrière on pourrait imaginer des réactions justement de violences qui reboucle j’ai l’impression avec un thème qui est déjà fil conducteur de cet entretien à savoir le thème de la sécurité dont on reparlera un tout petit peu dans la troisième et dernière partie de de l’entretien avant d’y venir Stéphane si vous le voulez vous avez encore une dernière opportunité de nous ramener un événement de l’histoire qui, selon vous, peut servir de leçon pour le présent et pour l’avenir.

Stéphane Linou

Alors, dans l’histoire… Alors, l’histoire, c’est un grand mot, mais histoire, on va dire, ou événement, pas forcément médiatisé, mais très récent, j’ai envie de dire que c’est le 12…

Décembre 2019, au Sénat, la sénatrice Françoise Laborde, sénatrice de l’Haut-Garonne, a présenté un projet de résolution au Sénat, directement inspiré de mes travaux. Elle ne m’avait pas pris pour un fou, ça fait des années qu’elle me suit.

Et en fait, elle avait déposé un projet de résolution au Sénat intitulé « Résilience alimentaire des territoires » . et sécurité nationale. Et elle avait dit, voilà, donc on était avant le Covid, elle a dit, voilà, c’était une responsabilité des élus que de garantir un accès minimum à la nourriture des populations qui a été perdue, oubliée, tout ça.

S’il y avait, par exemple, une cyberattaque, une rupture diverse… pour des motifs divers de la chaîne alimentaire, il y aurait des troubles à l’ordre public. Nous ne sommes pas préparés.

Vous avez dit, vous le ministre de l’Intérieur, il y a six mois, que c’est un risque majeur. Est-ce que donc au niveau des services de sécurité, on y réfléchit ? Ça serait bien d’enrichir la loi de programmation militaire de cette question-là pour que l’alimentation soit considérée dans tout son spectre, c’est-à-dire le foncier, les producteurs, les semences, les outils de transformation, de distribution et tout ça. que ce soit considéré comme secteur d’activité d’importance vitale, mais dans sa totalité, dans la totalité de ses maillots, donc capital naturel, terre, eau, mais également les facteurs de production. Ça serait bien d’enrichir la loi de modernisation de la sécurité civile pour que le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire soit considéré comme un risque majeur réellement et qui se décline dans… pleine de documents, pleine des obligations. Ça serait bien de préparer les populations et tout ça.

Et en fait, il n’a manqué que 16 voix pour que ce projet de résolution soit adopté par le Sénat. Donc c’était la première fois de toute l’histoire de France, autant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, que la non-résilience alimentaire des territoires ait été posée comme sujet.

Mais qu’elle soit articulée avec la sécurité civile intérieure et nationale, c’était encore plus la première fois. Pour moi, ça a été un tournant, quelque part, parce qu’après le Covid, pendant le Covid, cette intervention-là a fait référence pour aller plus loin. et pour arriver aux travaux que je suis en train de décliner dans le cadre de la formation pour élus.

Donc j’incite les élus, dans le cadre de ces formations, à enrichir leur plan commun de sauvegarde avec le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire. Voilà.

Donc pour moi, ça, quelque part, vous m’avez demandé de citer trois moments directement liés au sujet que l’on traite. Pour moi, ça, c’est assez important parce que c’était la première fois devant la représentation nationale que ce sujet était abordé.

Et c’était assez couillu à l’époque. Quand je dis à l’époque, on dirait un ancien combattant qui parle.

C’était 2019. C’était assez couillu qu’une élue porte ce sujet devant la représentation nationale.

Donc, voilà, je citerai cet exemple-là.

Thomas Gauthier

Avec les deux premières parties de l’entretien, on s’est d’abord tourné vers l’avenir, on s’est ensuite tourné vers l’histoire. Vous nous avez ramené ces trois événements qui peuvent servir de leçon et de repère pour le présent et l’avenir.

S’agissant de présent, justement, on aborde la dernière partie de l’entretien. Est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît Stéphane, nous faire simplement vivre de l’intérieur vos activités, vos engagements, vos interventions ?

Comment est-ce que vous faites concrètement pour essayer d’accorder vos actes et vos paroles ?

Stéphane Linou

Alors, le dire, le faire et le faire à savoir. Ouais, donc oui, alors actuellement oui, mais bon, c’est la continuité.

J’ai toujours essayé d’aligner le dire et le faire. Donc en tant que militant associatif au niveau des amapes, de l’alter mondialisme, tout ça.

En tant que professionnel, donc conseil auprès d’élus, j’ai été conseiller en développement local en communauté de communes. En tant que militant locavore, lorsque j’ai laissé le mouvement locavore.

En tant qu’élu aussi, j’ai été élu départemental, j’ai été élu conseiller général dans l’Aude et conseiller municipal. En tant que quelque part aussi chercheur, lorsque j’ai fait mon enquête de master spécialisé en gestion des risques sur les territoires, où j’ai interrogé donc… des militaires, des policiers, des gendarmes, des pompiers, des syndicats agricoles nationaux, des élus.

Et maintenant, en tant que formateur pour élus et maintenant en tant que coproducteur d’une émission de télé, sur mes défis locavores, j’essaye d’allier actes, paroles et mise en situation. Donc, voilà.

C’est tout simplement essayer de faire vivre le plus vieux sujet du monde, c’est-à-dire le lien entre alimentation et sécurité. Donc ce sujet qu’on a oublié, mais qui a toujours été dans les têtes jusqu’aux années 60.

Donc ce que je fais actuellement, après avoir… Quelque part, démontré, ça a été dans ce mémoire de recherche encadré par un militaire, un ancien colonel de Légion, un géographe.

Cette étude avait été cautionnée par la division du renseignement de la Gendarmerie nationale et par le secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris. Est-ce que dans le monde des risques de la sécurité, on pense à la production alimentaire ?

Est-ce que dans le monde de la production alimentaire, on pense au risque et à la sécurité ? Est-ce que dans le monde de la gouvernance, on comprend la question ?

Cette étude a eu le prix au Forum des risques majeurs, au ministère de la Transition écologique et Institut des risques majeurs, et j’avais démontré qu’il y aurait saturation de nos infrastructures de sécurité. qui sont dans le continuum sécurité des fans, c’est-à-dire tout ce qu’il y a en gros entre le vigile de supermarché et le sous-marin nucléaire à lanceur d’ingé. C’est-à-dire que le vigile de supermarché, si par exemple il y avait une cyberattaque sur la chaîne logistique, serait débordé par l’afflux de personnes non préparées, qui ne stockent pas, qui ne produisent pas la nourriture et compagnie. qui ferait appel donc à la police municipale qui serait débordée, qui ferait appel à la police nationale qui serait débordée, qui ferait appel à la gendarmerie nationale qui serait débordée, et qui ferait appel au reste de l’armée qui serait affaiblie.

Donc en fait, la non-territorialisation de la production et de la consommation alimentaire, plus une impréparation des populations, serait de nature à saturer notre continuum sécurité des femmes, c’est-à-dire… concernerait deux des trois piliers régalien, c’est-à-dire sécurité intérieure et sécurité nationale. Donc en fait, quelque part, l’idéologie néolibérale se contredit elle-même, puisqu’elle ne veut entendre parler que de régalien.

Or, ce sujet, par exemple, concerne et empiète sur la sécurité intérieure et la sécurité nationale, donc le régalien. Donc en fait pour moi, la… externaliser tout et n’importe quoi et notamment la nourriture qui est un sujet capital est complètement incompatible avec une politique de gestion des risques donc en fait articuler le dire et le faire c’est aussi démontré par l’exemple que certaines théories économiques qui veulent s’affranchir des lois de la physique, eh bien ça ne va pas.

Donc en fait, il faut démontrer, par l’exemple, qu’il y a des choses qui ne vont pas, mais qu’il y a des voies que l’on peut emprunter pour mieux faire. Et c’est ce que je promeux avec mes défis au Cavor, que je suis en train d’adapter à la télé, pour la télé.

Mais là, en 2018, Je me suis dit, tiens, ça fait 10 ans que tu as fait ton expérience de locavore, médiatisé. Donc, le mot locavore que je n’ai pas inventé est rentré dans le dictionnaire suite à la médiatisation que j’avais eue en 2008.

Et là, je me suis dit, tiens, tu vas inverser le regard. Ça serait bien que ce soit les cantines, les comités des fêtes, les familles qui relèvent mon défi, qui pourrait consister à réaliser un repas de fête local, chic et pas cher. Et bas carbone, c’est-à-dire local, moins de 51 km autour de l’assiette, à vol d’oiseau pour les ingrédients.

Chic, donc très très bien présenté comme un repas de fête. Et pas cher, moins de 9,50 euros par personne.

Coût matière, mais correctement payé au producteur. Moi j’arrive avec le pinard.

Et également bas carbone, c’est-à-dire que ce menu correspond au bilan carbone issu des accords de Paris. C’est-à-dire qu’en 2015, à la COP21, on a signé un truc qui s’appelle « atteindre la neutralité carbone » , mais en fait on ne sait pas à quoi ça correspond dans la réalité.

On a signé pour une consommation carbone par personne annuelle et pour tout faire de 2 tonnes. c’est-à-dire 2 tonnes d’équivalent carbone pour se déplacer, manger, se soigner, s’abriter, tout ça, alors qu’on est à 10 tonnes actuellement. Donc en fait, on a signé pour diviser par 5 notre consommation de carbone.

Et en fait, on ne sait pas à quoi ça correspond. et en particulier dans l’assiette, dans le concret. Donc je me suis dit, tu vas le faire incarner dans l’assiette pour qu’on se rende compte qu’un, à quoi ça doit ressembler ?

Un menu bas carbone, des accords de Paris, mais également pour montrer que c’est faisable et que c’est également désirable. Donc en fait, là, je suis à peu près à 34 défis relevés à travers toute la France et ça, je l’adapte pour la télé.

Maintenant, donc les collectivités locales, Et là, la communauté d’agglomération du Pays Basque m’a pris un épisode de 26 minutes, où une famille ou même des élus vont peut-être essayer de réaliser ce repas de fête local chic et pas cher et bas carbone. Il y a la métropole de Nice qui m’a passé commande également pour octobre, et le conseil départemental de la Nièvre pour également octobre.

C’est en fait pour montrer les enjeux que c’est possible. que c’est souhaitable, mais aussi que c’est une question de sécurité. En gros, ça va être l’assiette de la sécurité civile.

Donc, tant qu’on ne met pas en lien le dire et le faire, le dire et la réflexion, ça glisse comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Ça ne pénètre pas. Alors qu’avec une mise en situation, ça va mieux.

En fait, je sors un compagéant de 51 km que je plante. autour de l’assiette et les gens doivent en fait faire avec ce qu’ils ont sous le compas. Et c’est souvent, et ce compas géant permet de visualiser à nouveau et en fait le territoire que l’on a oublié depuis les énergies faciles.

Donc là, on se rend compte de ce que l’on a, ce que l’on n’a pas, de ce qu’il faudrait faire et de montrer qu’en fait, tout ce qu’il y aurait à faire, donc avec les entreprises, avec les élus. avec les associations, avec les citoyens, avec les consommateurs, avec les forces de sécurité, avec tout ça. Donc en fait, c’est ressusciter quelque part un microbiote territorial, ce que j’appelle le microbiote territorial alimentaire.

C’est quelque chose auquel j’ai pensé depuis toujours quelque part, mais que je répète maintenant de manière officielle. c’est qu’en fait, nos territoires, normalement, et du moins avant les énergies faciles, étaient des microbiotes. Un microbiote, c’est un système où il y a plein d’acteurs qui font leur job.

L’un dépend de l’autre. Et quelque part, un microbiote équilibré ne génère pas de pathologie.

Or, avec la spécialisation des territoires, On a supprimé des acteurs dans nos territoires et on a déséquilibré nos territoires. Mais ces déséquilibres-là, ces déséquilibres ne se voient pas parce qu’on apporte à travers les perfusions, à travers les transports, ce que les acteurs qu’il y avait sur les territoires faisaient jusqu’alors.

Mais s’il y a un problème sur ces perfusions, sur ces flux d’approvisionnement, et bien là Les pathologies émergent de suite et pour moi, une pathologie sur le territoire, dans ce cas-là, ce sont des troubles à l’ordre public, des émeutes. Et pour moi, les territoires devraient, pour des raisons de sécurité, retrouver leur fonction de microbiote, c’est-à-dire de se repeupler en acteurs et… dans leur mise en lien, exactement comme le microbiote du sol que l’expose Céline Basset, avec qui d’ailleurs je fais des conférences là-dessus.

C’est exactement pareil. L’intensification, les engrais, tout ça, on fait que les acteurs du sol, c’est-à-dire les petites bébêtes que j’appelle, sans être spécialiste, ont été tués, ce microbiote a été simplifié, ce microbiote du sol, et génère des pathologies que sont par exemple l’érosion, la débâcle du sol, comme la débâcle territoriale en cas de trouble à l’ordre public.

Donc en fait, c’est exactement la même chose, repeupler le microbiote du sol avec ses acteurs à remettre en lien, c’est exactement pareil que ce que j’appelle le microbiote territorial, et que quelque part, Le microbiote intestinal c’est la même chose avec Marie-Andérès, diététicienne nutritionniste. On a écrit quelques articles ensemble et d’ailleurs on va faire des conférences, Céline de Basset, Marie-Andérès et moi, là-dessus sur l’alignement des microbiotes. microbiote du sol, microbiote intestinal et microbiote territorial, ce sont les mêmes fonctionnements.

Et lorsqu’il y a des déséquilibres, il y a des débâcles, des désordres. Débâcle du sol, érosion, débâcle intestinal, je ne vous fais pas un dessin, et débâcle territorial, trouble à l’ordre public.

Donc quelque part, il y a des similarités, des analogies extrêmement intéressantes. à creuser et c’est ce que je fais en particulier pour ma partie sur le microbiote territorial, ce que font également d’autres personnes. Et pour moi c’est une question de sécurité civile parce qu’en fait pendant la pandémie, on nous a dit bon pour limiter la saturation de nos infrastructures de santé.

Il faut mettre en place des mesures barrières. Oui, on l’a fait.

Je pense que pour limiter la saturation de nos infrastructures de sécurité au niveau territorial et concernant l’alimentation, il va falloir mettre en place des mesures barrières alimentaires territorialisées. C’est pareil, pour limiter la saturation de nos infrastructures de sécurité.

Et là… les collectivités locales, les citoyens, les consommateurs, les entreprises ont tous et toutes leurs pierres à mettre à l’édifice. Et pour moi, c’est le Girondin qui peut soulager le régalier.

Et là, on peut le voir au niveau des plans communaux de sauvegarde. Donc, j’accompagne les élus à enrichir leurs plans communaux de sauvegarde avec le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire.

D’ailleurs, la première commune de France qui l’a fait. suite à une formation que j’avais dispensée, c’est la commune de Biriatou au Pays basque qui a enrichi son plan communal de sauvegarde avec ce risque-là et elle a mis en place des mesures barrières quelque part, des mesures de prévention et des mesures de protection. C’est-à-dire que multiplier les jardins, flécher davantage la consommation, mettre en place des ateliers cuisine, favoriser l’installation en agriculture, enfin tout ça quoi. en fait Tout ce qui est du bon sens au niveau de l’écologie, c’est tout simplement des questions de sécurité que l’on peut mettre sous le chapeau de la sécurité civile.

Et en fait, tout ça, ça contribue à augmenter la sécurité collective. En fait, chaque citoyen, chaque consommateur, chaque entreprise, chaque administration ou autre est coproductrice de sécurité civile et de sécurité collective.

C’est ça de moins à faire, c’est ça. c’est du boulot à moins pour nos infrastructures de sécurité. Donc c’est très œcuménique, on va dire, comme sujet.

Chacun a son rôle à jouer, chacun a sa part, et il n’y a pas de ventre de droite, il n’y a pas de ventre de gauche, et ça fonctionne très très bien. Et là, dernièrement, j’ai été nommé officier expert sapeur-pompier. en résilience alimentaire et sécurité civile, au service d’un sanglier de secours de la Dordogne, donc département de Dordogne-Périgord, département de la gastronomie.

Donc c’est que quelque part, c’est un sujet qui va prendre de plus en plus d’ampleur dans son volet préventif. La sécurité, ce n’est pas les drones, ce n’est pas les matraques. tout ce qu’on met en place en amont, chacun, qu’il soit civil, entreprise, militaire ou autre, tout ce qu’on met en place en amont pour ne pas que l’insécurité arrive.

Et l’alimentation, pour moi, c’est le cheval de Troie idéal pour faire à comprendre tout le reste. Donc, voilà.

C’était ce que je pouvais vous répondre par rapport à votre question sur « Et maintenant ? » Qu’est-ce que vous faites pour aligner actes, paroles et propager quelque part ce sujet qui n’appartient à personne puisqu’il est transversal ?

Thomas Gauthier

On arrive au terme de cet entretien Stéphane. Je vous remercie infiniment pour avoir partagé avec nous les questions à l’oracle, pour avoir partagé avec nous les repères historiques et puis dans cette dernière partie d’échange. pour nous avoir raconté un petit peu comment vous vous engagez, comment vous intervenez, comment vous mettez vos réflexions en actes et comment vous faites savoir aussi que ces actes ont lieu, que ces collectifs se mettent en mouvement et que ces initiatives fleurissent aux quatre coins de la France et même ailleurs.

Je pense que nous aurons l’occasion de nous recroiser bientôt et pourquoi pas d’ailleurs… agir dans le cadre des institutions d’enseignement supérieur pour que les défis locavores que vous avez propagés se propagent encore plus et servent finalement de point de réflexion action pour les nouvelles générations qui sont, comme nous le sommes également, au cœur des problématiques que l’on a évoquées ensemble pendant plus d’une heure. Merci infiniment Stéphane.

Stéphane Linou

Avec plaisir et à bientôt et bon appétit.

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