Q041 | Quels sont les principes de base d’une veille thématique ?

11 juin 2020
5 mins de lecture

Que vous le vouliez ou non, la veille thématique est ce que la plupart des personnes auront à l’esprit lorsque vous leur direz que vous faite de la prospective, technologique ou non. “Le futur de…” est ce qui se matérialisera dans leur imaginaire. Cela peut être frustrant considérant la palette de méthodes et de livrables à disposition, mais c’est un passage obligé; une corde nécessaire à votre arc. Considérez-le comme une opportunité: en fin de recherche, vous serez devenu un expert du thème en question.

Bien avant de se pencher sur la méthodologie à appliquer, vous allez vous rendre compte que ce qui pourrait apparaître logique dans un premier temps ne l’est pas nécessairement toujours: la définition du thème en question! La première étape d’une recherche thématique consiste donc bel et bien à définir avec les différentes parties prenantes, le sujet sur lequel focaliser les efforts. Ne sous-estimez pas cette étape qui peut sembler “évidente”…. elle peut vous réserver bien des surprises.

En fonction de la complexité du thème, vous devrez le subdiviser en autant de sous-thèmes nécessaires permettant d’appréhender la complexité de celui-ci. Un thème comme le futur de la mobilité requerra une approche différente que la recherche sur les avantages du graphène pour ne citer qu’un exemple.

Les principes de base à appliquer pour une recherche thématique, qui est donc finalement une recherche d’informations, sont ceux exprimés dans le cycle du renseignement. Que ce soit pour un sujet que vous traiterez individuellement ou pour la mise sur pied d’un service de renseignement technologique proprement dit, les étapes qui devront se succéder seront identiques.

L’illustration ainsi que la description des différentes étapes ont été reprises et adaptées de l’article de M. Nicolae Sfetcu, le cycle du renseignement.

  1. Planification et Ciblage : Décider les éléments à surveiller et à analyser. Cela implique de déterminer les besoins en renseignement, de développer une architecture du renseignement appropriée, de préparer un plan de collecte, d’émettre des ordres et de soumettre des demandes aux agences de collecte d’informations.
    Si vous travaillez seul·e, cette étape s’apparente à la définition du thème comme mentionné précédemment.

  2. Préparation et Collecte : Établir une stratégie pour les responsables du renseignement, obtenir des informations brutes à l’aide de divers types de collecte, tels que sources humaines (HUMINT), sources géospatiales (GEOINT), source électromagnétiques (SIGINT), etc.
    Sans accès à des services particuliers, il est fort probable que vous vous baserez exclusivement sur des informations d’origine source ouverte – open source (OSINT)

  3. Traitement et Exploitation : Raffinage et utilisation principale du renseignement dans les décisions primaires.

  4. Analyse et Production : Les données traitées sont traduites en un produit de renseignement finalisé, pouvant inclure des synthèses, des prévisions et des mesures de renseignement spécifiques.

  5. Dissémination et Intégration : Fourniture de produits de renseignement aux consommateurs (y compris ceux de la communauté de l’information). Cela peut être simplement un rapport, mais vous pouvez être plus exhaustif.

  6. Évaluation et Réaction : En plus de ces phases, une sixième étape est très importante, elle n’est pas réalisée exclusivement dans le service de renseignement, mais en collaboration avec les parties prenantes et en observant l’environnement opérationnel pour l’efficacité des informations fournies. Cette étape conclut un cycle et permet de d’identifier les amélioration à apporter lors de la prochaine veille thématique.

L’anticipation technologique ne travaillant normalement pas dans l’urgence, n’hésitez pas à parcourir ce cycle du renseignement aussi souvent que vous le jugez nécessaire. Surtout pour les étapes 3 et 4, itérez de façon à être sûr que vous livrez le contenu attendu avec le niveau de détail souhaité et dans le format le plus approprié!

En fonction de votre expérience dans la rédaction de tels documents et prenant en compte votre familiarité avec le sujet et le temps à disposition, n’hésitez pas à considérer l’option d’acquérir (ou de sous-traiter) directement l’étude (étapes (1), 2 et 3) auprès de cabinets de conseil spécialisés. La satisfaction n’est peut-être pas la même, mais économiquement c’est parfoi plus rentable. Vous gagnerez bien souvent du temps que vous pourrez investir dans l’analyse des impacts et des conséquences pour votre client (étapes 4 et 5).

Suite à la lecture du livre Bienvenue en incertitude de Philippe Silberzahn, il m’a semblé pertinent d’ajouter une partie supplémentaire sur les risques possibles des différentes phases du cycle du renseignement. Les points suivants sont un résumé succinct des pages 196 à 214.

  1. Expression du besoin : risque du mauvais puzzle
    • Bien souvent si le décideur pose une question, il sera trop tard.
    • On pense en termes de « résolution de problèmes » et on se focalise sur un problème visible en ignorant une question invisible ou plus diffuse. On résout alors le mauvais problème – solving the wrong puzzle.
    • L’adversaire n’est pas compris en grande partie parce qu’on refuse d’essayer de le comprendre, et on refuse d’essayer de le comprendre parce qu’on estime que ce n’est pas nécessaire (autisme stratégique).
    • Gardons-nous d’agir trop vite; il faut d’abord se poser pour comprendre, et après seulement on peut agir, ou parfois décider de ne pas agir.
    • Osons poser toutes les questions.
  2. Phase de recueil : technologie et facteur humain
    • On peut recueillir l’information facile (paresse) ou au contraire difficile (exploit technique) plutôt que l’information pertinente!
    • Une technologie n’est rien sans le contexte dans lequel elle opère et l’appréciation de ce contexte est fondamentale pour le décideur. C’est d’autant plus difficile dans un univers cartésien séparant la pensée de l’action que ceux qui apprécient le contexte méprisent la technologie, ou au contraire l’adulent sans la comprendre, et ceux qui la maîtrisent ignorent le contexte ou nient son importance.
  3. Phase d’analyse : l’importance du contexte
    • Un rapport ou une présentation doit généralement être validé par un échelon hiérarchique sur ce qu’on peut dire ou ne pas dire, et comment le dire. La principale victime d’un tel processus est nécessairement la vérité, filtrée par les étapes et les réunions de préparation.
    • Syndrome de la dinde : celui qui juge que demain sera toujours comme aujourd’hui.
    • Pression sociale: une appréciation objective de l’incertitude devrait être la norme – mais ce n’est pas ce que les gens et les organisation veulent. L’incertitude extrême est paralysante dans des circonstances dangereuses et admettre que l’on est incapable de deviner est socialement inacceptable lorsque les enjeux sont important.
  4. Phase de production et dissémination : la relation entre le décideur et le conseiller
    • L’impératif du consensus supprime les hypothèses extrêmes, ce qui pose problème face  l’inédit qui est, par définition, une situation extrême.
    • Face à l’incertitude radicale, faire appel aux valeurs pour guider la réflexion, en regardant le présent depuis le futur, et non l’inverse.
    • La vente fait partie du métier, et si le client ne veut pas acheter le problème, alors d’une certaine façon le problème n’existe pas, du moins d’un point de vue organisationnel, tant qu’il ne s’impose pas à l’organisation, parfois de façon brutale quand il est trop tard.
    • Il s’agit d’obtenir suffisamment d’information pour agir, et non de prédire.

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