Nous nous proposons dans cette série « deftech – les coulisses » de raconter le plus fidèlement possible le vécu du programme deftech, ses choix, ses défis et surtout les leçons apprises.
English Version
Le 1er août 2013, jour de la fête nationale célébrant la fondation de la Confédération suisse en 1291, a marqué le début du nouveau programme de recherche en prospective technologique d’armasuisse Sciences et Technologies, le centre de technologie du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).
La mission du programme est d’identifier les tendances technologiques de rupture, d’évaluer leurs implications dans un contexte militaire et d’informer l’armée suisse de ses opportunités et menaces éventuelles. Or, le 1er août étant un jour férié pour les entreprises, le véritable démarrage a bien eu lieu le 2 août 2013.
Particularités et spécificités
C’était une opportunité unique : partir d’une page blanche. Cette page blanche était accompagnée d’un budget annuel organisé et consacré au programme. La taille du budget n’est pas très importante en soi, car elle aura surtout un impact sur l’importance et le nombre de projets et d’activités que vous pourrez mener. Il est cependant primordial d’avoir un budget dédié aux activités de prospective. Il y a également eu un grand apprentissage dès le début : ce nouveau programme a été rendu possible suite à l’arrêt d’un autre programme.
Avant même d’imaginer les activités qui devraient composer le dispositif, un élément est apparu évident : la forme et la dynamique des activités auront une importance fondamentale.
Un aspect spécifique qui jouera un rôle important dans ce qui va suivre est également l’étiquette « recherche » du programme. Non seulement il doit fournir des informations sur les technologies et les tendances, mais il est également attendu des activités qu’elles fassent avancer le domaine de la prospective. A ce titre, lisez l’entretien avec M. Hansruedi Bircher. Cette distinction et la mise en place qu’elle implique n’est pas anodine. Elle offre cependant de nombreuses possibilités, malgré la double exigence de l’activité.
Si vous venez de l’industrie, une chose que vous devriez avoir apprise est que l’élément le plus important, en dehors de votre produit, et dans certaines circonstances encore plus important que votre produit, est le client. Qui sont vos véritables clients ? Qui sont vos parties prenantes ? Il peut être facile de répondre à ces questions dans un environnement commercial, mais peut-être moins évident dans une structure gouvernementale.
Orientations principales
La prise en compte de ces différents éléments, ainsi que l’inconnu et l’incertitude inhérents à la situation de démarrage d’une nouvelle activité, ont aidé à construire la méthodologie et d’une certaine manière, même si ce n’était pas vraiment connu à ce moment précis, l’esprit du programme. Les principales orientations organisationnelles sont résumées ici :
- Chaque activité doit avoir une proposition de valeur claire, qu’il s’agisse de l’adaptation d’un produit développé ailleurs ou de la création d’un nouveau produit.
- Les processus doivent être très flexibles et adaptables en fonction des produits – ou livrables – qu’ils proposent, mais aussi du type de budget avec lequel ils fonctionnent (évolutivité).
- Les différentes parties prenantes doivent être impliquées en permanence pour garantir une boucle de rétroaction continue et l’adéquation entre les efforts en cours et les attentes des clients.
La conséquence directe et, d’une certaine manière, logique, a été de gérer le programme comme s’il s’agissait de la création d’une entreprise. D’abord en rédigeant un plan d’affaires – business plan – présentant les différents produits de prospective devant répondre aux différents marchés ; ensuite, en créant la dynamique pour construire et lancer ces produits.
Cette dynamique s’inspire des pratiques agiles utilisées pour le développement de logiciels complexes. Compte tenu du cycle de financement annuel des activités, cela deviendra la durée maximale du Sprint, en référence à la méthodologie Scrum, pour les incréments (c’est-à-dire les produits) du programme de prospective.
Mais à quoi ressemblent ces produits ? Des suggestions basées sur ce qui a été réalisé viennent dans les billets qui suivront, mais vous trouvez déjà de nombreuses pistes dans celui-ci.
Défis et leçons apprises
- La planification est essentielle. Même si la destination n’est pas aussi claire qu’elle pourrait l’être, il ne doit pas en être de même pour la méthodologie et les différents jalons que vous prévoyez d’atteindre en cours de route. Vous savez dès le départ que vous aurez affaire à une cible mouvante en ce qui concerne les produits livrables : planifiez en conséquence.
- Communiquez, communiquez, communiquez ! En informant vos partenaires de vos projets, vous leur permettrez de vous faire part de leurs réactions et de leurs conseils et vous pourrez confronter vos idées. Ce serait un miracle si tout le monde était d’accord avec vos actions : prenez cela comme une opportunité d’améliorer vos idées, de construire une argumentation et de changer de direction si nécessaire. Toutes les critiques ne sont pas bonnes à entendre, mais plus tôt elles vous parviennent, mieux c’est, et la communication est un moyen de les obtenir de manière proactive.
- Obtenez des petites victoires aussi vite que possible ! Travailler avec une méthodologie agile vous permettra de le faire. Tant que vous ne montrerez pas quelque chose, votre programme restera relativement abstrait. Présenter vos produits de prospective aura deux conséquences : premièrement, cela rendra vos activités plus tangibles, deuxièmement, cela vous permettra d’obtenir un retour d’information et de commencer à itérer autour d’eux. Vous réaliserez peut-être aussi que travailler de manière agile revient à faire fonctionner la boucle OODA (Observer-Orienter-Décider-Agir) pour vos différents projets !
Attention toutefois, c’est vous qui devrez décider entre vite ou trop tôt. Cela n’est pas toujours une décision facile. - Observez comment les autres organisations, des petites entités privées aux gouvernements, mènent des activités de prospective, copiez, adaptez, innovez. Envisager d’avoir un mentor ou quelqu’un qui a déjà mis en place une activité similaire, pour le même secteur ou pour un secteur différent, peut être un avantage car vous pourriez obtenir ainsi un « sparring partner » pour des idées !
Il n’y a pas de honte à utiliser les « meilleures pratiques » développées par d’autres. Le fait de les intégrer et de les rendre actifs dans votre dispositif peut également susciter un enthousiasme inattendu et des partenariats solides.
Q130 | What are the challenges for the first steps of a foresight structure?
In this series « deftech – behind the scenes », we propose to tell the story of the programme deftech as faithfully as possible; its choices, its challenges and above all the lessons learned.
August 1st 2013, on the National Day celebrating the founding of the Swiss Confederation in 1291, was the beginning of the new Technology Foresight research program by armasuisse Science and Technology, the center of technology of the Swiss Federal Department of Defense, Civil Protection and Sports (DDPS).
The mission of the program was to identify disruptive technology trends, assess their implications within a military context, and inform the Swiss Armed Forces of its possible opportunities and threats. Now, August 1st being a business holiday, the real start was indeed on August 2nd 2013.
Particularities and specificities
It was a unique opportunity: start from a white page. Together with the white page was also a yearly budget organized and dedicated to the program. The size of the budget is not that relevant per se, as it will impact mainly the importance and the number of projects and activities you can conduct, but it is of paramount importance to have one dedicated to the foresight activities. There was also a big learning right from the start: this new program was made possible as the direct consequence of another program being stopped.
Even before imagining the activities that should compose the program, one element that came obvious, was that the form and the dynamic of the program itself will have its importance.
One specific aspect that will play an important role in what will follow is also the “research” label of the program. Not only does it have to deliver information about technologies and trends, but it is also expected from the activities to conduct research in foresight. Read the interview with Dr. Hansruedi Bircher. This distinction and the setup it implies is not trivial. It does offer a lot of opportunities despite the challenging dual expectations of the program.
If you come from the industry, one think that you should have learned is that the most important element, apart from your product, and in some circumstances even more important than your product, is the customer. Who are your real customers? Who are your stakeholders? The questions could be simple to answer in a commercial environment, but maybe less obvious within a governmental structure.
Main Guidelines
Considering these different elements, together with the unknown and uncertainty inherent to the situation of starting a new activity, helped building the methodology and somehow, even if not really known at that very moment, the spirit of the program. The main organizational guidelines are summarized here:
- Every activity must have a clear value proposition, being in the adaptation of a product developed elsewhere, or in the creation of some new product.
- The processes have to be highly flexible and adaptable with respect to the products it offers, but also to the kind of budget it operates with (scalability).
- There must be a permanent involvement of the different stakeholders to guarantee a continuous feed-back loop and the adequation between the products being developed and the expectations of the clients.
The direct and somehow logical consequence was to run the program like starting a company. First by writing a business plan, presenting the different foresight products to fit the different markets; second, by creating the dynamic to build and launch these products.
This dynamic is inspired by the agile practices used for complex software development. Given the yearly funding cycle of the activities, this will become the maximum Sprint time, with reference to the Scrum methodology, for the increments (i.e. the products) of the foresight program.
But what do these products look like? Suggestions based on what has been realized can be found here.
Challenges and lessons learned
- Planning is everything. Even if the destination may not result as clear as it could be, this must not be the case for the methodology and the different milestones you plan to achieve along the way. You know upfront that you will deal with a moving target with respect to deliverables: plan accordingly.
- Communicate, communicate, communicate! Letting your stakeholder know what your plans are, will allow them, to give you feedbacks and advices and for you, to confront your ideas. It would be a miracle if everybody is in favor of your actions: take it as an opportunity to improve your ideas, build argumentation, and change direction if necessary. Not all critics are good to hear, but the sooner they come to your ears, the better, and communication is a way of pro-actively getting them.
- Get quick wins as quick as possible! Working with an agile methodology will allow you to do that. Until you show something, your program will remain relatively abstract to people. Presenting your foresight products will have two consequences: first, it will make your activities more tangible, second, it will allow you to get feedback and start iterating around them. You might realize as well, that working agile is a lot like running the OODA (Observe-Orient-Decide-Act) loop for your different projects!
However, be careful, you will be the one to decide between quickly and too soon and this is not always an easy decision. - Observe how the other organizations, from small private entities to governments, are running foresight activities, copy, adapt, innovate. Considering having a mentor or somebody who already built a similar activity, for a same or different industry could be an advantage as you might gain a “sparring partner” for ideas!
There is no shame in using “best practices” developed by others. Making them aware of it could also result in unexpected enthusiasm and strong partnerships.
Article du 15 juillet 2024 paru dans Le Temps.