Q161 | Affiner sa stratégie d’enseignement pour améliorer l’impact d’un dispositif de prospective ?

16 juin 2023
8 mins de lecture
Source de l'illustration : Louvain Learning Lab Blog

Vous l’aurez sûrement remarqué, la période est à la recherche d’actions cherchant à améliorer l’impact que peut offrir un dispositif de prospective. Que ce soit via la mesure de l’apport d’un événement spécifique ou l’imagination de KPI pour la fonction de Chief Anticipatory Officer, le thème est d’actualité.

Pour être franc, la question de l’impact d’un dispositif de prospective est cyclique dans les échanges avec les parties prenantes; elle doit cependant rester en permanence centrale pour la personne en charge du dispositif.

Dans cette optique et en harmonie avec la devise “Inspirer – Informer – Instruire” accompagnant nos activités de prospective, le dispositif deftech.ch poursuit simultanément, mais à différents niveaux, les stratégies diviser pour régner et l’union fait la force.

A priori incompatibles, la première stratégie est appliquée aux entités mises en place sous la dénomination de prospective circulaire à 3 corps. La deuxième stratégie touche elle les différents acteurs et compétences nécessaires à la réalisation des différents produits d’information et intègre les notions de collaboration et synergies constituant la vision du dispositif.

Les deux stratégies nourrissent principalement les deux premier termes de la devise – inspirer et informer – mais quelle stratégie adopter pour stimuler l’instruction, l’apprentissage ou l’enseignement des concepts prospectifs ?

La lumière est venue une nouvelle fois du monde de la pédagogie et du livre Design pédagogique de Jacques Lanarès, Marc Laperrouza et Emmanuel Sylvestre tant les parallèles sont frappants. Sans le savoir, le dispositif a grandi en appliquant les 4 courants expliquant le processus d’apprentissage (behaviorisme, cognitivisme, socio-constructivisme, constructivisme), un peu à la manière de Monsieur Jourdain faisant de la prose !

Comprendre ceux-ci permettra sans aucun doute d’affiner et de répartir les usages, car l’idée n’est pas dans la sélection de l’un ou de l’autre, mais bien dans leurs déploiements coordonnés.

Un changement de comportement, n'est-ce pas le savoir-être que l'on souhaite acquérir face à l'incertitude, et le changement de représentation celui du changement de modèle mental, minimisant tant se peut dans le même temps nos biais cognitifs ? Un changement de comportement, n'est-ce pas le savoir-être que l'on souhaite acquérir face à l'incertitude, et le changement de représentation celui du changement de modèle mental, minimisant tant se peut dans le même temps nos biais cognitifs ?
Source: «Design pédagogique» page 101.

Behaviorisme : apprentissage par feedback

Répéter l’information pour pouvoir se l’approprier. Offrir un feedback pour améliorer l’apprentissage; planifier l’enseignement en objectifs précis; découper le contenu enseigné et évaluer les comportements attendus.

Quelle place dans le dispositif de prospective?

N’étant pas dans un contexte spécifiquement d’enseignement, sans grande surprise, ce courant est celui le moins appliqué au pied de la lettre.

Le feedback qui peut être donné de la part du dispositif est principalement sur le savoir-être, sur la posture intellectuelle adoptée par rapport à tel ou tel thème; sur la façon d’aborder un sujet et parfois sur la reformulation de questions permettant d’élargir la réflexion.

Dans notre contexte, il est important de relever que le feedback reçu en interagissant avec les parties prenantes permet de modifier les approches utilisées, les thèmes abordés ainsi que le niveau de détail du contenu.

Le feedback donné est donc tout aussi important ici que le feedback reçu qui permet de mieux coller aux besoins et attentes des utilisateurs du dispositif.

Défis rencontrés

Dans la situation présente, un feedback direct n’est que rarement demandé. Il est possible de former des groupes à appliquer et répliquer une méthode, mais rarement il est possible d’assister à son implémentation..

On se rend compte également, bien souvent trop tard, qu’une reformulation de la question aurait permis d’approcher d’autres thèmes ou de considérer ceux traités d’une autre manière. Le travail étant cependant déjà réalisé, une itération supplémentaire n’est pas toujours possible.

Il n’est également pas toujours évident qu’une approche prospectiviste défiant certaines hypothèses de base ou en rupture avec un passé linéaire soit vraiment celle désirée.

Cognitivisme : apprentissage par application

L’accent est mis sur la mémorisation. Il s’agira de proposer aux parties prenantes des activités leur permettant de réexploiter leurs connaissances et des les appliquer à des situations diverses.

Implémentation dans le dispositif de prospective

Le dispositif fait une distinction permanente entre les contenus traités (le fond) que sont les tendances technologiques et les cas d’usages à caractère disruptifs – et comment le contenu est abordé (la forme).

Afin de saisir rapidement les éléments importants, nous avons structuré les tendances technologiques de manière unique. Chaque thématique ou cas d’usage sera ensuite considérée et analysée en fonction de cette grille technologie. Cela permet l’usage d’une structure matricielle facilitant l’analyse tout comme la divulgation et ré-utilisation de celle-ci.

Nous travaillons également le plus possible en suivant une ligne directrice éprouvée – dans notre cas le roadmapping, reliant la vision théorique et stratégique aux réalités et implémentations pratiques. La présentation de processus simultanément à l’établissement de canevas au design intuitif facilite et stimule l’utilisation de ceux-ci. La méthode inclusive et sa représentation très visuelle permet de représenter les différents niveaux de réflexion ainsi que les différentes étapes temporelles ce qui facilite et stimule échange et interactions.

Défis rencontrés

S’il est stimulant d’organiser un atelier et de mettre tout le matériel en accès libre sur Internet, le fait que celui-ci soit utilisé à nouveau ne va pas de soi. Rares sont les personnes vous contactant pour échanger sur divers détails, mais heureusement cela existe rassurez-vous !

Socio-constructivisme : apprentissage par interactions

Les parties prenantes apprennent en confrontant leur point de vue avec celui d’autres personnes.

Implémentation dans le dispositif de prospective

La mise en place d’un cycle de conférences thématiquesdeftech.days – ainsi que d’ateliers permet aux participants de se confronter à d’autres modèles mentaux via des participants de divers horizons. Les programmes proposés doivent également permettre de comprendre la thématique et de différencier entre le réel et le battage médiatique (hype).

Nous organisons également des ateliers internes afin que les participants se sentent plus libres d’échanger leurs idées sur un thème, leurs expériences, ou autre.

Défis rencontrés

Il n’est pas toujours évident de trouver le bon niveau et le bon format pour tous les participants. Si le thème est trop vulgarisé, une certaine frustration naîtra auprès des experts, alors que si celui-ci est traité de manière approfondie, les non-experts seront bien vite perdus.

De façon similaire il faudra équilibrer les parties ateliers où les participants sont actifs, s’impliquent et communiquent leurs avis, et les parties présentation où ceux-ci seront plus passifs.

Je ne pense pas qu’il y ait de recette miracle convenant à tout le monde; il faut juste en être conscient, alterner et mélanger afin que tout le monde trouve son compte.

Relatif aux ateliers internes, il est souvent difficile de faire abstraction de la position hiérarchique et des intérêts de chacun. Penser que tout le monde exprime réellement sont avi est ses convictions apparaît comme assez naïf.

Constructivisme : apprentissage par réflexivité

Implication de la partie prenante dans la construction de ses connaissances. Déduction de concepts à partir de l’analyse d’une situation et/ou de son expérience. Proposition d’outils permettant de guider la réflexion.

Implémentation dans le dispositif de prospective

Nous utilisons cette approche principalement avec les supports appelés deftech.exploration. Chaque cahier présente un thème spécifique où le lecteur est invité sous forme de questions à réfléchir à la signification des différents concepts, à imaginer lui-même des éléments de futur. A la manière des cahiers d’exercices de vacances, des plages pour les réponses sont intégrées au document de façon à ce que celui-ci se personnalise petit à petit au rythme des réponses rédigées.

L’utilisation du design fiction dans des projets spécifiques permet également de créer une situation stimulant le lecteur à sortir de sa zone de confort et d’habitude.

Par exemple, la réalisation du projet e-soldat présente un nouveau livret de service helvétique, poussant le lecteur à imaginer de nouvelles fonctions pour l’armée en réponse aux changements climatiques et à ses conséquences, de nouvelles compétences technologiques individuelles ainsi que des formations pour chaque soldat.

Les conséquences des tendances technologiques sont ici explicitées dans un futur possible tout en servant de solutions par rapport à des cas d’usages spécifiques dans celui-ci. L’artefact guide ici le lecteur dans sa réflexion en illustrant de nouveaux concepts et poussant celui-ci à les considérer plus en détails.

Défis rencontrés

Bien que les documents réalisés contiennent les informations nécessaires à leur utilisation, leur seule publication ne suffit naturellement pas à leur utilisation (du moins dans notre contexte spécifique). Il est nécessaire d’accompagner la sortie d’un document de sa présentation et de sa promotion.

Expliquer comment le l’objet ou le document a été pensé, comment il doit être compris et utilisé semble être une étape indispensable à sa prise en main.

Considérer ces éléments au centre d’ateliers construits autour d’eux semble devoir faire partie du livrable complet, comme un mode d’emploi de leur utilisation.

Conclusion

Sauf exception, un dispositif de prospective n’est pas là pour enseigner. Son but est d’anticiper des futurs possibles afin d’en tirer des conséquences et des actions dans le présent.

Il n’en reste pas moins que la posture des différentes parties prenantes est très similaires à celui d’un étudiant dans le sens que le résultat escompté de la part du dispositif est un changement de comportement, de perception ou de représentation.

Le changement suscite toujours des résistances, qu’il soit par rapport à une posture intellectuelle ou par rapport à des évolutions aux conséquences plus physiques. En ce sens, considérer une stratégie d’enseignement dès l’idéation des activités en diversifiant les approches fait sens pour améliorer l’impact de celui-ci et également atteindre la motivation des participants.

A postériori également, évaluer les processus d’apprentissage permet d’identifier des lacunes et d’adapter ainsi le dispositif.

Les 4 dimensions FAIR (Feedback - Application - Interaction - Réflexivité) favorables à l’apprentissage. Mesurées elles permettent une évaluation du dispositif et des pistes d’amélioration de la partie “Instruction” de celui-ci.
Source: «Design pédagogique» page 108.

Il n’empêche que l’enseignement, ou la divulgation de l’information, ne représente qu’un facteur de l’impact espéré. Un autre facteur important est naturellement le contenu transmis; un contenu en évolution permanente ne serait-ce que pour garantir sa pertinence et répondre aux attentes des parties prenantes.

Un dispositif de prospective est donc bel est bien une entité vivante, en mutation et évolution permanente. et c’est bien là toute sa complexité… et sa beauté !

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